Les penseurs et penseuses ne sont pas tous d’accord. D’un côté il y a ceux qui le craignent, le pointent du doigt comme Alain qui parle de “cet ennui du paresseux, qui attend toujours que le plaisir lui vienne comme par magie” et de l’autre il y a les amoureux de ce vide existentiel comme Christian Bobin : “L'ennui c'est de l'amour qui s'apprête en silence”. Et vous ? Quelle place à cet ami, touchant mais parfois beaucoup trop envahissant, dans vos vies ? Pour y réfléchir, on vous offre quelques heures d’écoute, de lecture sur un sujet qui ne sera jamais épuisé…
Quelques notes qui rendent l’ennui sympathique
Que ce soit la voix Gainsbourg dans “Ce mortel ennui” en 1964 ou plus récemment le piano de Guillaume Poncelet dans “l’Ennui”, il semble que la musique est un merveilleux langage pour parler de ce labyrinthe qu’est l’ennui. “L’ennui fait le fond de la vie, c’est l’ennui qui a inventé les jeux, les distractions, les romans et l’amour”, disait Miguel de Unamuno dans Brouillard, on pourait donc rajouter la musique.
Un franco-rwandais qui chérit l’ennui
Il écrit, chante, lui aussi, et s’ennuie. Dans cette vidéo, le génial Gaël Faye nous offre sur un plateau un poétique éloge de l’ennui et nous pousse, à sa suite, à prendre le risque, et le luxe, de ne rien faire. Lançons-nous donc dans “L’ennui des après-midi sans fin”, nom de son album et voyons si ça marche.
Un théâtreux qui nous perd un peu
Ses pièces sont toutes des succès phénoménaux, jouées des centaines de milliers de fois dans la capitale et ailleurs. Alexis Michalik le dit, il a besoin d’ennui pour créer… Et s’empresse d’expliquer son obsession pour le rythme, la vitesse et donc l’absence d’ennui au théâtre… Paradoxe ? Logique ? On ne sait pas en tout cas, écoutez-le et on en reparle juste après.
Un podcast qui transforme l’ennui en création géniale
Les artistes, justement. Dans notre imaginaire, ils et elles sont ces peintres, poètes, écrivains, ces êtres oisifs, contemplant longuement un paysage avant, soudainement, d’être frappés par une intuition géniale. L’ennui propulserait donc l’élan créatif. Enfin ça, c’est ce qu’on a envie de croire. Qu’en est-il en réalité ? Que disent ceux qui ont étudié la question avec une approche plus cartésienne ? Réponse dans ce podcast France Culture où discutent Corinne Maury, Maîtresse de conférences en esthétique du cinéma et Patrick Marcolini Philosophe, historien des idées.
Des scientifiques qui passent l’ennui au scanner
On a tous des copains copines déprimés parce qu’ils s’ennuient, à longueur de journée, non ? Alors c’est bien beau les grandes idées, les envolées lyriques, mais l’ennui n’est-il pas aussi un mal ? Et notre corps, il en dit quoi ? Que se passe-t-il en lui quand on s’ennuie ? Roger Teboul, un pédopsychiatre et Sébastien Bohler, Docteur en neurosciences discutaient ennui avec Mathieu Vidard en 2018, dans la Terre au Carré. Ces 54 minutes sont passionnantes, on vous prévient.
Une chaîne franco-allemande ennuyeuse à souhait
Lors de la pandémie récente notamment, nous avons tous affronté, dans le réel de nos journées, l’ennui et ses effets sur nous, nos relations, etc. La malédiction du rien l’est parfois d’autant plus qu’elle n’a pas bonne presse. Personne ne dit fièrement “je n’ai rien foutu” en réunion le lundi matin. Laissons la parole à un épisode #Psychobugs d’Arte et laissons-les, pour nous, gérer l’ennui.
Un philosophe qui nous en bouche un coin
Une conférence de philosophie visualisée plus de 2 millions de fois sur youtube, c’est rare. Donnée il y a 8 ans aux Hôpitaux universitaires de Genève par André Comte-Sponville, elle élargit notre champ de réflexion et relie l’ennui, le manque, au monde du travail. Travailler et être heureux en traversant ces couloirs vides, c’est possible ? Comment rester unifié lorsqu’on est soumis à un tiraillement permanent ?
Un article qui continue de nous travailler
En parlant de travail, on ne peut pas parler “ennui” sans parler du “bore-out”, l’autre mal miroir inversé du burn-out. Dans cet article du Monde, on apprend que 15% des salarié·es seraient touché·es, selon Peter Werder et Philippe Rothlin, les premiers à avoir formulé ce concept en 2007. Pour d’autres, comme Christian Bourion, auteur de Le Bore-out syndrom. Quand l’ennui au travail rend fou (Albin Michel), on frôlerait plutôt les 30 %... On espère que vous n’en faites pas partie ?
Une bande-dessinée made in Fabcaro
Ne nous dites pas que vous ne le connaissez pas. Fabcaro s’affirme aujourd’hui comme le Prince de l’Humour absurde en roman et bande dessinée. Dans Formica, une tragédie en 3 actes notamment, il dresse le portrait consternant d’un groupe d’amis qui n’arrivent pas à trouver une conversation et qui donc, s’ennuient, beaucoup. Fabcaro fait de l’ennui et de l’échec un fil rouge de toute son œuvre. Et nous montre ainsi comme la faille, l’absence peuvent aussi devenir des scènes pour faire naître le rire, le vrai fou rire.
Des lieux, des gens et des pages blanches
Finalement, le meilleur contenu qu’on puisse vous conseiller pour se frotter à l’ennui, c’est l’ennui lui-même. Trois manières de le vivre : soit vous suivez pendant 24 heures un sage de l’ennui, c’est-à-dire n’importe quel petit humain entre 0 et 5 ans et vous l’observez, l’imitez, le questionnez et vous verrez que l’expérience vaudra le coup, soit vous vous mettez à votre bureau face à la fameuse page blanche et vous attendez au minimum 10 minutes, c’est long 10 minutes, avant qu’un mot, dessin, découpage ne naissent, soit vous allez là où il n’y a ni écran, ni bruit, ni humain et vous marchez seul, seule, comme Jean-Jacques jusqu’à avoir compris qu’on ne comprendra jamais pourquoi s’ennuyer est une véritable caverne d’Alibaba.
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