D’un côté, il y a celles et ceux ont dépassé les 60 printemps, ont une chambre de libre et l’envie de partager des moments de vie. De l’autre, des étudiant·es en quête de logement. Entre les deux Ensemble2generations pour faire matcher les générations et écrire de nouveaux chapitres.
La publicité de votre vie
Imaginez que lors de la prochaine finale de la coupe du monde de foot, devant des millions de téléspectateurs donc, s’affiche une publicité qui ne parlerait ni de grosse cylindrée, ni de chips saveur barbecue, ni de parfum sur la peau de Pénélope Cruz. Non, imaginez plutôt que ce spot réalise l’exploit de s’adresser autant à des jeunes et à des moins jeunes.
Cela commencerait comme ça : un jeune qui se balade dans les rues de son quartier, jouant avec ses clés, les lançant en l’air et tentant de les rattraper sans beaucoup de succès. Lors de la première scène, les clés tombent juste à côté d’une plaque d’égout, puis dans un étalage de pommes golden, puis sur le museau d’un chien furieux… et lors de la dernière scène, devant la porte de son appartement, c’est une autre main, à la peau légèrement froissée par l’âge qui récupérerait les clés avant qu’elles ne touchent le sol pour une énième fois. Ces mains sont celles de la propriétaire de cet appartement. Où elle vit. Avec ce jeune, pas bien adroit mais heureux. Et le spot finirait avec ces simples mots “Ensemble2generations, vous avez tant à partager”.
La vérité vraie sur Ensemble2générations
Ni une, ni deux, ni même trois - zéro puisque ils oublieront immédiatement le match, ce sont des vagues de jeunes et vieux qui tenteront donc d’en savoir plus. Quel est cet organisme au doux nom de “Ensemble2générations” qui semble être la solution au problème auquel je fais face depuis si longtemps… ?
On leur explique de ce pas : “Ensemble2générations”, c’est une association qui permet de créer du lien entre les étudiants, jeunes pros et les seniors. La personne âgée ayant une chambre non-occupée dans son logement met à disposition (contre quelques services ou indemnité forfaitaire) de l’étudiant une chambre avec un lit, un bureau et une armoire. Le confort peut être simple mais chaleureux. Qu’ils aient 60, 75, 86 ans ou plus, lorsqu’un sénior découvre ce dispositif et choisit d’ouvrir sa porte à un jeune, la magie opère. Une cohabitation se met en place, de jolies histoires se trament… L’association accompagne ensuite, tout au long de l’année les binômes et réajuste lorsque cela est nécessaire. Un long fleuve tranquille ? Oui, mais surtout riche.
La preuve par six
Rien ne vaut quelques jolies histoires pour comprendre, s’imaginer un peu mieux comment le dispositif de “Ensemble2générations” façonne des humains, des relations et participe à impulser dans nos sociétés un nouvel élan.
Voici 6 témoignages, en provenance du grand sud, rien que pour vous, pour plonger dans cet galaxie inédite :
- Le premier nous vient de, Jeanne, une femme veuve qui habite donc seule à Aix en Provence depuis quelques années. L’un des vides laissé par son mari défunt a des saveurs argentines : le Tango. Car oui, Jeanne aimait et aime toujours danser le Tango mais n’a plus l’occasion de le pratiquer. Et c’est là qu’arrive la bascule. Lorsque Léa choisit d’habiter chez elle, Jeanne voit sa solitude s’évaporer petit à petit, mieux, elle se remet à danser : “grâce à la présence de Léa, je ne danse plus seule, j’avais pris l’habitude de danser avec mon balais.” Jeanne, nous accordez-vous cette danse ?
- La suite des témoignages est en provenance de la capitale phocéenne, Marseille. Comme Jeanne, Dominique est veuf depuis quelque temps. Comme Jeanne, il a lui aussi perdu une habitude qui le rendait pourtant bien vivant : la nage. Sa femme l’observait et le sécurisait donc depuis la plage, époque révolue. Révolue ? Pas sûr. Lorsque Théotime est arrivé dans sa maison, bien plus qu’une simple compagnie, le jeune est devenu pour Dominique un nouveau binôme, permettant au nageur marseillais de nager en toute sécurité, sous le regard bienveillant de son nouveau coloc.
- De son côté Chantal l’avait affirmé : elle ne ferait plus de cuisine. Trop de temps, d’énergie, plus de son âge. C’était fini, foi de Chantal. Et là encore, il ne faut jamais dire jamais. Quatre lettres ont eu raison de cette décision : E-D-I-T-H. Edith, c’est la jeune qui est venue s’installer chez Chantal. Et par ce retour de vie, de convivialité, Chantal a sans aucun effort remis le couvert, et les bons petits plats, et les desserts, et tout ce qui réchauffe le corps et l’âme a flotté dans l’air de son habitation. Chanceuse Edith, va !
- Connaissez-vous cette illustration humoristique qui montre deux parents, réveillés en sursaut au matin de la première journée du baccalauréat de leur enfant. L’un d’eux, des cernes interminables sous les yeux demande “On a quoi aujourd’hui ?”, et l’autre, tout aussi angoissé de lui répondre : “PHILO”. Pour Nicole la Marseillaise, la blague fonctionne tout aussi bien, à tel point qu’elle en devient émouvante. Un matin de juin, cette dame, l’un des premiers binômes de “Ensemble2générations”, passe un coup de fil à l’association et annonce fièrement : “Je suis si heureuse avec Charlotte, NOUS avons eu médecine…”
- Chantons une petite dernière marseillaise pour le plaisir. Et cette fois-ci, écoutons ce qui se passe de l’autre côté, chez la personne accueillie. Elle s’appelle Elinor et raconte : “Je vis chez un couple qui a besoin de présence. Jamais je n’aurai pensé vivre chez des seniors un jour. Je suis touchée par ce qu’ils m’offrent… Ils me racontent beaucoup sur leur installation à Marseille il y a plus de 30 ans. Cela m’instruit sur l’histoire de cette ville. Je prends des repas avec eux, au moins une fois par semaine. Je les trouve beaux, ils n’ont pas une ride à 95 ans !”. Autant vous dire qu’il n’y a pas un bon samaritain et un pauvre, mais bien deux parties qui grandissent et se font grandir.
- Notre dernier témoignage made in Toulon (ou Marvel, à vous de voir) est partagé par Brigitte qui accueille chez elle Arthur : “Je suis si heureuse d’avoir Arthur qui, au-delà de sa présence, me rend quelques services dans le jardin que je ne pourrais gérer seule : une branche à couper, un arbre à planter, une pierre à déplacer … il est mon SuperMan.”
Et si vous en demandez encore, on vous propose le même voyage, mais cette fois-ci en images, avec ce court film illustrant l’association et ses actions.
Aux origines du bien
Lorsque Bérénice de Foresta, Secrétaire Générale de l’association pour Marseille Région Sud décrit l’histoire de “Ensemble2générations”, tout paraît évident, enthousiasmant. L’année 2022 est un passage, charnière vers un changement d’échelle espéré dès la création du projet. Cette bascule est permise par un alignement d’événements : l’arrivée de François de Rasilly pour épauler Bérénice, l’entrée de la Fondation Jeanne Meslait Dagot, financeur principal de “Ensemble2générations”... C’est ainsi que la branche sud, “Ensemble2générations Région Sud” s’est professionnalisée.
Aujourd’hui, on dénombre pas moins d’une centaine de binômes accompagnés en région Sud en 2024, fruit d’une méthodologie maintenant solide, éprouvée.
Présente sur un territoire allant de Toulon à Nice, en passant par Aix en Provence, Marseille, et Cannes, “Ensemble2générations” compte 4 salariés, 1 prestataire, 4 bénévoles et une quinzaine d’ambassadeurs qui ont rejoint l’aventure sur la Région. Et comme on ne peut rien vous cacher, précisons que les financements, essentiel pour permettre le développement de cette petite machine, sont diversifiés : en plus de la Fondation Jeanne Meslait Dagot, l’association est soutenue par AG2R la Mondiale, La Fondation Constructa Marc Pietri, Le Fond de dotation Entreprendre pour Toi, La CAF Des BDR et du Var et la Métropole Toulon.
Et demain ?
“Ensemble2générations Région Sud” a de merveilleuses ambitions pour la suite, et elles ne sont pas que géographiques. La créativité de cette équipe est savoureuse. Un exemple parmi d’autres : si les binômes sont aujourd’hui le cœur de métier de l’association, il existe depuis 2 ans, un nouveau dispositif, une innovation permettant d’installer des étudiants en Ehpad, contre quelques heures par semaine d’animation (entre 5 et 7h). En échange de cela, les étudiants sont logés gratuitement dans les établissements. Elle est pas belle la vie ?
Mais la suite alors ? Tout ne fait que commencer. Le développement porté par l’équipe prend de l’ampleur et s’organise autour de quatre grands axes :
- La vie des binômes avec 3 chargés de mission sur Toulon, Marseille, Aix en Provence qui se chargent des entretiens avec les seniors et les étudiants, suivent l’installation et la mise en place des contrats en cohabitation ainsi que la vie au fil de l’année des binômes ;
- La vie en habitat partagé : c’est-à-dire en Ehpad, en résidence autonomie, ou en habitat partagé (avec l’exemple de La maison Maris). Pour l’année 2026 ou 2027 est ainsi prévue l’avènement de La Maison de Jeanne, une maison dans laquelle vivent des seniors, des étudiants et une famille. Un projet de vie partagé coécrit avec les résidents en cœur de ville. Ce projet est soutenu par le département et la CNSA.
- L’animation et la formation intergénérationnelle, enfin. L’animation des communautés de seniors et étudiants est la pierre angulaire de l’association. Elle passe par la formation sur la cohabitation et le lien intergénérationnel mais également par l’organisation de moments festifs et de convivialité, par un programme culturel aux petits oignons et des temps forts comme le bal des seniors, des ateliers intergénérationnels,
- Last but not least, il y a aussi toute l'ingénierie interne à soigner. La vie de l’association est ainsi rythmée par le lien avec la fédération, l’animation régionale, la collecte de fonds, la communication et les projets de développement.
La société va vite et a tendance à rejeter tout ce qui a trait à la fragilité… Et c’est pourtant bien la lenteur et la rencontre de l’altérité qui rendent aujourd’hui profondément vivant.
Ma philosophie
Créer du lien entre deux générations qui ont tout à apprendre l’une de l’autre, tout à découvrir, cela peut paraître parfaitement banal et c’est pourtant là que se trouve une partie au moins des clés du problème. Pour Bérénice de Foresta, “l’impact est immense, et permet un maintien à domicile pour les seniors, un complément de revenu, un lien social merveilleux ; et pour les étudiants, la possibilité d’étudier sereinement, en sécurité, dans un logement quasi gratuit ou à coût modéré. Nous répondons aux fractures de la société avec simplement du bons sens en rapprochant les générations entre elles”.
Et lorsqu’on l’interroge sur l’avenir, et le souhait qu’elle aurait, sa réponse ne se fait pas attendre “Mon rêve : une campagne nationale lancée par les pouvoirs publics, afin d’inciter les seniors à ouvrir leurs portes et répondre à la forte demande des étudiants, poussant même à une prise en charge du dispositif qui pourrait être reconnu comme un dispositif œuvrant pour la santé publique des aînés et des jeunes. L’habitat partagé est une des solutions d’avenir face au vieillissement de la population.”
En effet, aujourd'hui, seul un jeune sur trois qui fait une demande obtient une place chez un senior, le dispositif étant encore bien méconnu de nos aînés. En attendant un coup de pouce du destin, du gouvernement (des deux à la fois ?), faisons marcher ce qui a toujours fonctionné : le bouche à oreille.
Vivons vieux, vivons heureux
Et si les relations intergénérationnelles étaient les meilleurs remèdes anti-âge ? Le programme Vivons Vieux Vivons Heureux, proposé par makesense avec le soutien fondateur de Notre Temps, AG2R La Mondiale et Fonds de dotation Bayard - Agir pour une société du lien en est un bel exemple. Lors de journées conviviales, jeunes et seniors se retrouvent dans leur ville pour réaliser ensemble des missions de bénévolat et tisser des liens durables. En 2025, le programme a conquis 4 villes, plus de 200 participants de tous les âges et plus de 20 associations bénéficiaires. Au total, plus d’une centaine d’actions de bénévolat ont été initiées et surtout, des ponts durables ont été construits entre les générations.