Malaunay : grâce au maire, les factures fondent au soleil

Malaunay : grâce au maire, les factures fondent au soleil

Pendant que d’autres redoutent la fin du monde et du mois, Malaunay, 6 200 habitants près de Rouen, prouve qu’on peut verdir son quotidien sans se ruiner.
30 October 2025
par Vianney Louvet
5 minutes de lecture

Première paroisse à tuiles solaires, Malaunay, commune normande est devenue le paradis (énergétique) sur Terre. En quinze ans, elle a divisé ses émissions, verdit ses abribus et conquis ses habitants, dont Mireille, retraitée convertie à la foi photovoltaïque.

Comment vous dites déjà ? “Fin du monde et fin du mois” ? D’après la chambre régionale des comptes de Normandie, la commune de Malaunay est en plein dedans. Dans un de ses rapport, elle considère que “la politique de transition écologique, portée notamment par un vaste programme de rénovations bâtimentaires” a permis à la commune d’échapper aux effets de la flambée des prix de l’énergie. Mireille, habitante retraitée du coin (que l’on embrasse bien fort) le dit plus simplement : “Le maire est très écolo et a bien bossé. On voit le changement”. Derrière ce gros mot “écolo”, se cache un changement bien concret : sa facture d’électricité a radicalement diminué grâce aux panneaux solaires sur son immeuble. 

Malaunay, donc ? Aux alentours de Rouen, cette commune de 6 200 habitants a récemment fait parler d’elle, décrochant les cinq étoiles du label “Territoire engagé transition écologique” de l’Agence de la transition écologique (Ademe). Aucune commune de moins de 20 000 habitants l’avait fait avant elle. Tant mieux pour elle, mais peut-on revenir à Mireille et à ce que “transition écologique” implique de changement pour le quotidien réel ? 

Même l’église est la première à se parer de tuiles solaires !

Il était une fois l’envie

Au risque de vous décevoir, tout ceci ne s’est pas fait du jour au lendemain. Remontons à l’année du coup de boule de Zidane (2006 si l’événement ne vous avait pas ému plus que cela) pour comprendre d’où l’on part. À l’époque, et pour le dire poétiquement, c’est la merde à Malaunay. Les dépenses de la ville explosent et seul un changement de cap politique peut sauver les meubles. Et si ce n’est pas le plus sexy aux yeux de beaucoup, la ville s’attèle néanmoins d’abord à faire des économies d’énergie. De la mairie à la piscine, des écoles aux logements sociaux, les gruyères thermiques deviennent comté basse consommation (métaphore qui je suis sûr vous réjouira). À cette rénovation générale s’ajoute un parc photovoltaïque de 1 700 mètres carrés, déguisant les toitures et les esprits. Même l’église est la première à se parer de tuiles solaires !

Qu’à cela ne tienne, quelques années plus tard, Malaunay poursuit sur sa lancée et met les bouchées doubles. Avec l’Ademe, elle projette de “faire de l’écologie un projet de territoire”, selon les mots de Guillaume Coutey, maire (PS) depuis 2012. “Projet de territoire” ? Monsieur le maire, rappelez-vous de Mireille, on aime les beaux mots mais on préfère vraiment les faits concrets… Restons sur la thématique de l’énergie. Si vous vous baladez dans le coin en dégustant une part de flan (ceux à la pistache sont vraiment les plus intéressants), vous constaterez la présence de trois chaufferies alimentées au bois. À Malaunay, on pratique l’autoconsommation collective, 39 % de la consommation électrique et 62 % de la chaleur des bâtiments municipaux proviennent en effet d’énergies renouvelables produites localement. 

Les fleurs du Malaunay

Et déjà je perçois la foule de nos lecteurs et lectrices crier avec force : “Le bilan, le bilan !”. JE VOUS AI COMPRIS ! Ou plutôt Malaunay a compris. Parce que, oui, le bilan est bon. Dans le verre au trois quarts plein il y a : 

  • L’impact-parce-que-c’est-leur-projet : les émissions de CO2 de l’énergie ont été divisées par plus que deux depuis 2006.
  • La-sobriété-maxi-best-of : Malaunay a généré 35 % d’économies d’énergie. 
  • Le-réaménagement-grandeur-nature  : la liste est longue et compte notamment des abribus végétalisés, la récupération des eaux de pluie, les nichoirs à chauves-souris, les berges de rivières restaurées, les jardins partagés, etc. 
  • La-créativité-qui-donne-envie-de-faire-la-même-chose-chez-soi : c’est en 2018 que la mairie a lancé sa convention citoyenne faite maison, autour de 110 volontaires et sept thématiques allant de l’alimentation à la mobilité. La classe. 

Dans le vide restant du verre et du vert, il y a : 

  • L’autosolisme. Cette noble expression, que vous n’hésiterez pas à replacer dans votre prochaine grille de mots fléchés, désigne simplement le fait de rester seul au volant lors de ses déplacements quotidiens. L’autosolisme, c’est pas moins de 83,3 % des conducteurs selon le dernier baromètre Vinci Autoroutes. Malheureusement, Malaunay ne fait pas figure d’exception sur ce point, ça roule sévère dans le bourg, notamment pour aller vers Dieppe. 
  • La mobilisation citoyenne. Il n’y que Piaf pour voir la vie en rose sans se soucier du reste. Bien-sûr que la municipalité se bouge et bien-sûr que là-bas comme ailleurs, faire corps et agir ensemble est un défi permanent. “C’est facile de parler de la transition écologique avec la population, mais c’est plus compliqué de faire agir les gens” résume une élue, Patricia (à ne pas confondre avec Mireille). 

La fleur solaire de Malaunay. Crédit : Ville de Malaunay

C’est quand on est arrivé qu’il faut y aller 

Face à ces constats souvent enthousiasmants, OUI osons le mot, la soif de changement des Malaunaysiens et Malaunaysiennes est loin d’être étanchée. Et leur frigo est certainement couvert de post-its sur lesquels on peut lire : 

  • En 2050, penser à avoir atteint la neutralité carbone et 100 % d’énergies renouvelables.
  • Pour la décarbonation des transports, voir avec la métropole.
  • Pour la décarbonation des transports-bis : continuer quand même de créer des nouvelles pistes cyclables et de sentiers pédestres et à faire couler l’argent à flot (ou presque) pour offrir une aide financière pour inciter l’utilisation du vélo ou  des transports en commun.
  • Trouver un business model pour les autres communes qui veulent faire comme nous mais qui auront, vu les réjouissances austéritaires actuelles, moins facilement accès à des subventions (pour financer tout ça, la ville a répondu à des appels d’offres sans modération. La moitié des 15 millions d’euros sur dix ans sont des dotations de l’État).
  • Ne pas oublier ceux et celles qui se disent “oubliés” justement. Verbatim qui en dit long : “Notre immeuble n’a pas été rénové donc soit on se ruine en chauffage, soit c’est Mister Freeze”. Tout n’est pas rose tant que tout n’est pas vert.
  • (Sur 3 gros post-its enfin) Continuer notre travail sur le nouveau programme de transition 2025-2029. Thème : la résilience face aux phénomènes climatiques extrêmes.

“Exister, c’est résister” Jacques Ellul 

Elle est là la grande leçon de Malaunay. En un mot : la fierté. Tous ces changements, loin d’être subis, permettent aux habitants de bomber le torse, et l’écologie devient un trophée, un créateur d’identité et de lien. En refusant les récits actuels, en résistant, on existe à Malaunay. Écrasée comme d’autres par la violence d’une désindustrialisation passée (RIP les usines de textile), Malaunay devient ces temps-ci une vitrine de l’écologie vraie, durable et joyeuse. Et ça inspire, en témoigne l’article lu sur Le Monde et duquel nous nous inspirons pour écrire ces lignes.

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