Irréductible utopiste, Julien Vidal fondateur du mouvement “Ça commence par moi” et du podcast “2030 Glorieuses” a un plan : redonner à tous et à toutes la capacité de rêver et d’imaginer des lendemains qui dansent. Bienvenue dans son monde où il fait bon bourlinguer.
“En deux ans j’ai fait voyager plus de 2000 personnes.” Voilà quelques minutes que nous sommes là, sur le canapé de makesense, à deviser sur la vie qui va et le scoop vient de tomber. Le podcasteur et auteur Julien Vidal qui n’est ni autocariste ni croisiériste, a trouvé un moyen de faire voyager les gens en 2h30 et zéro émission carbone. Pour preuve, le trentenaire déplie une carte au trésor entre deux tasses de café et lit la consigne centrale du jeu prospectif qu’il vient tout juste d’éditer. “Bienvenue en 2030 Glorieuses, dans une nouvelle ère, une nouvelle société. L’humanité a enfin réussi à redevenir une partie prenante positive de notre vaisseau Terre. Edgar Morin avait raison, en passant de l’épanouissement du « je » au « nous », notre humanisme régénéré a suscité une cascade de conséquences positives, que ce soit pour le climat, la biodiversité mais aussi nous-mêmes…”
Voyage en 2030 Glorieuses
En quelques minutes, Julien vient de planter le décor des voyages que propose son jeu. C’est désormais à nous d’y aller. Desserrez vos ceintures, fermez les yeux et libérez votre imaginaire. À dos d’âne, à vol d’oiseau ou en tapis volant, l’ex-coordinateur de projets dans des ONGs qui a gardé dans ses yeux la malice de son enfance, nous projette dans des futurs désirables, des utopies réalistes, deux concepts qui peuvent n’exister qu’au pluriel tant les possibles sont infinis si l’on se donne la peine de les faire émerger.
“Aujourd’hui, le présent est dans une impasse, le voyage en 2030 Glorieuses permet d’aller au-delà, de donner le goût de l’après, de développer un sentiment de désidérabilité avec l’avenir,” explique Julien.
De l’oracle au miracle ?
Les rêves sont plantés, et s’ils devenaient réalité ? La deuxième partie du jeu consiste à tirer des cartes « oracles » souffleuses de pistes économiques, démocratiques, agro-écologiques… à les explorer puis à inventer la suite. En d’autres termes, “prendre nos rêves au sérieux pour en faire une stratégie,” comme le résume si bien le philosophe Patrick Viveret.
“Pour faire changer la trajectoire funeste du monde et faire mentir les pires pronostics des plus fatalistes, nous ne manquons pas d’idées ni de solutions technologiques ni de scénarios de vie (…), rappelle Sandrine Roudaut, la marraine du jeu. Pour faire advenir un nouveau monde nous manquons juste d’utopies.” Et de préciser : “être utopiste ne vous invite pas à fuir la réalité. Cela vous invite à la regarder en face avec ce qu’elle a d’intolérable, d’absurde. L’utopie vous invite à regarder la réalité telle qu’elle pourrait être pour la changer.”
La joie comme moteur
Regarder la réalité en face, voilà à quoi le Grenoblois désormais Lyonnais s’est attelé durant ses premières années professionnelles au bout du monde dans des ONGs. “J’ai travaillé et habité deux ans en Colombie et deux ans aux Philippines, là-bas l’avenir est désirable, joyeux. La vie est tellement complexe et chaotique qu’on ne rate pas une occasion de célébrer. Cette façon d’aller rechercher la joie de manière proactive, ça m’a tatoué le cœur de façon involontaire.”
De retour en France, Julien alors chez Unis-Cité, continue de faire sa part. À l’instar du colibri, il se met au défi de tester et d’adopter une action écocitoyenne chaque jour pendant un an. Et, en 2016, publie le résultat de ses tribulations dans le guide “Ça commence par moi” qui dépassera les 50 000 exemplaires vendus et deviendra un véritable mouvement. “Oui, nous avons tous un rôle à jouer dans la préservation de notre planète, écrit-il alors. Oui, nous pouvons donner du sens à notre vie et agir pour que chaque être humain vive décemment. Je veux prouver que participer à la construction d'un monde meilleur, c'est possible, même pour le monsieur Tout-Le-Monde que je suis. (...) Et si je me lance dans cette démarche, c'est surtout parce que j'ai envie d'être heureux.”
Bulles de positivité
Être heureux parce qu’aligné avec ses idées, voilà ce qui guide le militant. Un postulat qu’il réaffirme en 4e de couverture de son second ouvrage “Ça va changer avec nous”. “Je suis parti d’un constat simple basé sur ma propre expérience : je suis beaucoup plus heureux depuis que j'agis en accord avec mes convictions.” Et d’inviter en 192 pages (et une vingtaine de fiches) chacun et chacune à agir et à donner aux autres envie de les rejoindre dans son aventure. “Aujourd’hui, on a beaucoup de pouvoir à raconter ce que l’on fait, ce que l’on vit. Je ne cherche plus à convaincre, parce que dans convaincre il y a vaincre. Mon rôle n’est pas de remettre les personnes dans le droit chemin mais de tendre des perches. Chaque individu est le seul à pouvoir ouvrir la porte de son changement. J’essaie juste d’ouvrir des bulles irréversibles d’écocitoyenneté.”
Sa bulle aujourd’hui ressemble pas mal à celle de l’activiste anglais Rob Hopkins, un de ses modèles qu’il a eu la chance de côtoyer. “J’aime le côté enfantin de sa naïveté et sa vision de la vie comme un terrain de jeu sérieux. Rob, il te fait du bien avec sa présence, c’est un gamin, plein d’humour et de dérision. C’est le type de personne qui incarne le mieux le ‘allez vas-y mon pote’.”
Vivement 2030 !
Et sinon, après avoir publié 5 livres (dont le tout frais Mon métier aura du sens), interviewé plus de 100 spécialistes dans son podcast, il sera comment Julien Vidal quand il sera grand ? Elle ressemblera à quoi sa vie en 2030 Glorieuses ? “En 2030, je suis journaliste du futur, répond Julien sans hésiter. Le journalisme aura changé, il sera plus axé tourné vers le terrain. Il y aura des caravanes de bonnes nouvelles qui sillonneront la France et une loi aura instauré la parité entre les bonnes et les mauvaises nouvelles. Aussi, en 2030, les citoyens seront tous journalistes et rendront compte de leurs découvertes et de leurs fiertés, ils rendront visibles les avancées.” Julien s’imagine ne travailler que 3 jours par semaine pour avoir le temps de débétonniser les places de parking dont on n’a plus besoin, de faire du vélo avec ses enfants, de participer à la préservation du vivant avec la LPO, de continuer à beaucoup cuisiner. “En 2030, on aura aussi plus de temps pour jouer, pour jardiner, pour s’ennuyer.”
Julien se verrait bien aussi passer quelque temps dans l’arbre parachute de son enfance pour continuer de questionner le progrès, le confort, la réussite qui nous fait tomber dans le piège de l'économie de la flemme. “Pour moi alors avoir vécu une "belle vie" c'est finir fourbu, courbaturé, plein de cicatrices. Il faut accepter de tomber, de se relever, de mettre sa vie en jeu.”
Nous voilà au terme de notre voyage dans le futur. Julien se lève pour laver sa tasse et remplir sa gourde. On serait bien resté encore un peu en 2030 mais il lui faut rentrer à Lyon. Dans son train de retour, en guise de nota bene, il nous envoie une citation de l’auteur Hunter S. Thompson qu’il a entendue en intro du spectacle la Nuit du cerf du cirque Roux : “La vie ne doit pas être un voyage en aller simple vers la tombe, avec l’intention d’arriver en toute sécurité dans un joli corps bien conservé, mais plutôt une embardée dans les chemins de traverse, dans un nuage de fumée, de laquelle on ressort usé, épuisé, en proclamant bien fort : quelle virée !”