Ne jugez pas Gaston Lagaffe et sa pancarte de manif’ “Sieste obligatoire !” Le glandeur culte a certainement tout compris à l’utilité de cette revendication qui ne sert pas seulement à préserver notre santé mais surtout à célébrer notre art du repos. Car dormir c’est ne rien faire, et comme disait la chanson des Olivensteins “Je suis fier de ne rien faire, fier de ne savoir rien faire”.
Sortir du système en pionçant
C’est pas pour se satisfaire d’aphorismes simplistes mais celui-là je vous jure il tient la route : dormir c’est ne pas travailler, ne pas travailler c’est sortir du système capitaliste, sortir du système capitaliste c’est sauver la planète. CQFD. Et voilà vous l’avez votre slogan ! C’était pas si dur de trouver une solution d’avenir simple et peu coûteuse. Certes, on pourrait aussi lui opposer l’utilité productiviste de la sieste qui permet de maximiser ses neurones pour optimiser son temps de travail mais tout est une question de point de vue. En fait, le postulat anti-capitaliste de la sieste s’inscrit dans la nécessaire remise en question du temps de travail et de la productivité de nos sociétés dopées au 3-8 depuis la révolution industrielle.
Aujourd’hui, on dort de moins en moins. Un rapport de Santé publique France montre qu’on est passé sous la barre des 7 heures de sommeil par nuit en 2017. Pourtant, bien que la durée de sommeil idéale varie d’une personne à l’autre, l’OMS recommande a minima 7 heures par nuit. En cinquante ans, on a ainsi perdu entre une heure et une heure trente de dodo. En effet, on passe de plus en plus de temps sur nos écrans (Tiktok, Insta et Netflix sont nos pires ennemis pour dormir dignement et le pire c’est qu’ils s’en vantent), on vit de plus en plus loin de son travail (donc on rentre plus tard, donc on mange plus tard, donc on se couche plus tard), le volume sonore en milieu urbain, la proportion des travailleurs de nuit est en légère progression (11,1% des actifs en 2023, un chiffre toutefois plus faible qu’avant la pandémie en 2019) ou tout simplement le stress face à toutes ces raisons susmentionnées.
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En résumé, on a toutes les raisons de réduire notre temps de sommeil et de faire sauter la sieste de notre planning rongé par un capitalisme dévorant. Dans l’Art de la sieste, Thierry Paquot voit même dans cette activité hypnique un symbole de liberté absolue, l’affranchissement des contraintes et le fait d’être son propre maître “La sieste est une réappropriation par soi de son propre temps hors les contrôles horlogers. La sieste est émancipatrice”. Bref la sieste est clairement de gauche. Mais en quoi la sieste est écolo ?
Une activité 100% décarbonée
Ça a même fait l’objet d’un rapport (hilarant) du Shift Project qui s’est emparé du sujet au second degré assurément tout en fournissant une réflexion pertinente sur le sujet. Partant ainsi du principe que le sommeil est une activité “bas-carbone”, l’éveil se positionne à l’inverse comme une activité fortement émettrice. Par ailleurs, le rapport illustre la terrible boucle de rétroaction entre sommeil et climat car moins on dort, plus on a des comportements polluants (glander sur les réseaux) qui vont avoir un impact sur le climat et in fine limiter notre durée de sommeil. Si ce lien de cause à effet simpliste prête à sourire, il pointe du doigt les conséquences directes du réchauffement climatique sur nos nuits futures. Sachant qu’une température idéale se situe entre 16 et 18°C, la proportion de nuits caniculaires devrait mettre à mal notre pionçage.
Par ailleurs, les p’tits rigolos du Shift mettent également l’accent sur la puissance imaginative des rêves qui permettent de réaliser toute forme d’activité énergivore de manière non polluante. Je peux rêver de jet ski et de yacht, ça ne devrait pas me mettre mal avec Jancovici. À l’inverse, un milliardaire n’aura aucun mal à réaliser ce fantasme IRL ce qui explique pourquoi les riches polluent plus (sans doute parce qu’ils ne dorment pas assez). Leur démonstration amusante prend pour exemple le personnage fictif de Mme Dupont Milliardaire qui devrait, si elle voulait respecter les Accords de Paris et réduire son empreinte carbone à 2 tonnes par an, dormir 23h59 et 48 secondes par jour. Allez zou, au lit les richous.
Heureusement la bioingénierie vient comme toujours à notre rescousse avec des solutions parfaitement élaborées : en l'occurrence, introduire des colonies de mouches Tsé-tsé (responsables de la maladie du sommeil) pour nous aider à réduire notre empreinte carbone. Si le rapport est parodique, il montre toutefois que le sommeil mérite qu’on s’y intéresse aussi d’un point de vue écologique et mieux vaut parfois un raisonnement par l’absurde que pas de raisonnement du tout.
L’écologie poussée jusqu’aux entrailles du matelas
À ce stade vous avez bien compris que dormir était mère de toutes les vertus. Mais si l’on peut épiloguer sur la perspective décroissante du sommeil, il est de bon ton de ne pas dormir sur n’importe quoi. On a beau passer un tiers de notre vie sur un matelas et on se soucie trop peu de sa composition. Oubliez de polyuréthane qui comme son nom l’indique n’a rien à faire dans vos bronches, mais optez plutôt pour des mousses naturelles ou du latex (seulement s’il n’est pas synthétique bien sûr) et des labels tels que Oeko Tex ou GOTS. Mais le plus important c’est sans doute d’entretenir sa literie. Ce serait dommage de pratiquer une activité aussi écologique que la sieste et de tout gâcher en balançant votre matelas par la fenêtre tous les 5 ans, pour plus de conseils jetez un oeil à ce forum ultra détaillé sur les choix de literie, personnellement je ne pensais pas qu’on pouvait apporter autant d’expertise sur ce sujet.
Allez salut, je vais me coucher.