Ils avaient décroché, ils retrouvent le fil. À Loubieng, L’Escolinas accueille des jeunes et les forme aux métiers de la transition. Dans cette école à taille humaine, ancrée dans le réel, on prouve qu’on peut aussi apprendre avec ses mains.
J’ai encore rêvé d’elle
L'Escolinas.
Un matin vous vous levez et face à votre miroir, vous répétez ce mot sans vous lasser de sa musicalité. “L’Escolinas”.
Vous avez fait un doux rêve. Et une fois n’est pas coutûme, vous vous en rappelez parfaitement. D’ordinaire, le récit d’un rêve ne passionne que la personne qui le raconte. Mais ici, “L’Escolinas” sera l’exception qui confirme le rêve…
Cela ressemblait à une école. Oui, c’est ça, une école. Et partout autour, du vert, des gens, de l’avenir en barres. Parce que ce n’est pas une simple école comme celle qui a bercé votre tendre enfance. Non, ce rêve-Escolinas c’est celui d’une école de la Transition Écologique.
Du rêve à la réalité et vice-versa
Réveil en sursaut. L’Escolinas existe bel et bien. Association née dans le montagneux département des Pyrénées Atlantiques, pas étonnant que ses membres aient une permanente folie des grandeurs, l'Escolinas fait partie du réseau ETRE, les écoles de la transition écologique, dont le modèle essaime partout en France avec 30 écoles aujourd'hui.
Instant géographie : les locaux sont eux situés à Loubieng, vous situez ? Allons. Proche d’Orthez ? Toujours pas ? Faites un effort. Allez : entre Pau et Biarritz. Voilà.
Aux alentours d’Orthez se trouve donc cette association, elle-même partie prenante d’un tiers-lieu rural et nourricier, baigné dans une nature verdoyante et porté par des paysans et paysannes, artisanes et artisans engagés dans un rêve, une transition à laquelle notre aspire (une partie au moins) aspire. Rêver, puis éclairer le réel de ce rêve. Vivre le réel et sculpter ses rêves à partir de ce que l’on voit. Voici donc le mouvement de balancier essentiel et urgent qui berce le projet de l’Escolinas.
Eurêka
Oui, mais alors concrètement, ça donne quoi ce truc ?
Vous l’avez compris mais on le reformule au cas où quelqu’un vous arrête dans la rue et vous menace de vous voler votre goûter si vous ne répondez pas clairement : l’Escolinas est une école. Et cette école a pour mission de sensibiliser et de former des jeunes en décrochage scolaire et de les réorienter vers les métiers de la transition, à savoir des professions plus manuelles liées aux secteurs de l’éco-construction et de l’agroécologie.
Autre particularité de cette école : son ancrage dans un territoire agricole et donc propice à l’expérimentation, à la transmission des savoir-faire et à l’insertion locale. Sur le papier, cela paraît lumineux. Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt ? Et nous sommes ici loin du papier justement, loin de la rêvasserie vaporeuse, loin d’une projection d’un idéal lointain : les mains sont dans la terre, les pieds sur l’herbe (presque) fraîche et les idées modelées par l’épreuve du terrain. Le résultat est (déjà) là. L’association va bientôt fêter ses 3 ans, et plus de 100 jeunes ont été accueillis en prenant en compte les ½ journées découvertes, les parcours découvertes et les formations.
Ajoutons à cela qu’en 2024, 80% des stagiaires notent une influence positive de la formation sur leur confiance en soi et déclarent que la formation les a aidés à définir leur orientation professionnelle. SI vous n’êtes toujours pas convaincu·e, notez que depuis ses débuts, l’Escolinas peut se targuer d’un taux d'abandon des formations de… 0%. Et zéro, c’est vraiment pas beaucoup.
Le fond et à fond la forme
Philosophiquement on pourrait pompeusement dire que l’Escolinas est un bel exemple de phénoménologie. Au-delà de ces grands mots qui n’apportent pas grand chose à cet article, notons que la pédagogie pratiquée croit en l’apprentissage par le faire. C’est donc par une voie alternative que les stagiaires apprennent, notamment en faisant, testant, constatant, expérimentant sur des chantiers participatifs, des ateliers pratiques, le tout avec des professionnels. Du direct live. Loin d’une triste salle de classe, avec quelques bruits de chaises en fin de vie et un vieux professeur voûté lançant un “c’était mieux avant” à ses élèves éteint depuis quelques heures. Non, là c’est vivant. À tel point que même la nature fait partie des penseurs du truc. La situation géographique permet en effet aux formations, parcours découverte et de pré-qualification, de se dérouler à différents endroits du département, s’adaptant au rythme des saisons, laissant ainsi le cycle naturel ajouter son grain de sel au programme.
Tout cet apprentissage “dans la vraie vie” n’est pas un détail. En intégrant ce type d’école vous allez faire et donc comprendre, dans votre chair, ce que travailler la terre, les matériaux veut dire. Vous allez non seulement mettre à l’épreuve votre mental (est-ce que j’aime ? est-ce que ça a du sens d’être là ?) et votre corps (est-ce que je supporte ce rythme ? est-ce que je sais manier cette binette ?). Dans les faits, les jeunes découvrent les métiers de l’éco-construction (charpente, maçonnerie terre-paille, isolation), de l’agroécologie (maraîchage, élevage, fromagerie, compost, cuisine...) et de l’artisanat.
Paroles, paroles
Quand on cherche un bon restau, seuls les témoignages et avis comptent. Il suffit que Béatrice dise “Le service est consternant et les frites froides” pour qu’on délaisse une brasserie qui semblait pourtant parfaitement agréable. Faisons de même avec l’Escolinas et laissons les témoignages des stagiaires nous bercer :
“J’aime la manière d’apprendre ici, le groupe est top, l’endroit est calme et propice à l’apprentissage C'est rare les moments comme ca, dans la joie et la bonne humeur, dans le respect, le lieu joue aussi sur le bien être.” Rémy, 23 ans sur parcours découverte en 2024
“J’aime travailler avec les autres stagiaires et bénévoles, les échanges sur les différentes cultures me plaisent. J'aime travailler avec des anciens du lieu pour en apprendre plus. Ici les personnes s'intéressent à moi et m’écoutent (activement), et me posent des question, ça montre que j’ai de l’importance.” Yanis, 23 ans sur parcours découverte en 2024
À ces beaux mots, s’ajoutent dans la besace de l’association de belles histoires comme celle d’un jeune de 17 ans, sans solution pour son avenir et participant à la session de formation préqualifiante “ouvrier de l’éco-construction” du printemps dernier. En l’espace de trois mois grâce à la formation, il obtiendra une promesse d’embauche dans une entreprise d’insertion en éco-construction, ainsi qu’une place dans un foyer jeune travailleur et, cerise sur le gâteau, entamera une démarche pour passer le code… Un nouveau chapitre s’ouvre donc pour lui, à tous les niveaux, aux parfums d’autonomie, de liberté. Quelle fierté pour l’Escolinas, quelle joie d’imaginer ce mouvement vital gagner un être humain.
Changer une vie, c’est déjà changer le monde, qui a dit ça déjà ?
Escolinas, président
On vous a dit que cet article et cette association faisaient la part belle aux allers et retours, balancier entre les mondes. Passons donc de l’individu au collectif, du terrain aux idées. Lorsqu’on interroge l’équipe derrière le projet, on entend ces mots : “Nous pensons que passer à l’action est un moyen privilégié pour sortir de la morosité ambiante. Surtout que l'éco-anxiété touche particulièrement les jeunes. Nos formations et parcours découvertes permettent de se sentir au cœur d’un projet, de redonner du sens à notre travail et d’agir concrètement pour l’avenir.” Et quand on leur demande ce qu’ils aiment dans ce qu’ils font, la réponse fuse et elle dégouline d’humanité : “Ce que j’aime le plus à titre personnel dans nos missions à l’Escolinas, c’est de voir le changement de posture et d’assurance des stagiaires au cours des formations. Même sur les parcours de 2 semaines on voit les sourires, l’envie d’agir, l’énergie que ça leur apporte pour la suite et c’est le plus gratifiant à mes yeux. Ils et elles sont capables de passer de la timidité et l'hésitation à l’assurance et au partage en l’espace de 2 jours. Ils et elles sont en capacité de transmettre un geste inconnu il y a 2 jours à peine.”
Plus globalement, les écoles ETRE sont nées du constat que 100 000 jeunes chaque année se retrouvent sans solution de formation ou d’emploi en France. Face à ce gouffre vertigineux, l’ADEME évalue à 350 000, le nombre d’emplois qui naitront de la nécessaire transition écologique. La majorité d’entre eux seront des métiers manuels de technicien et de technicienne. L’enjeu est donc de taille.
L’art et la manière donc :
- D’un côté répondre à la question du sens au travail, le niveau individuel, nos petites vies, nos journées, notre plaisir même.
- De l’autre, la nécessaire imbrication avec le monde, nos vies portées par une dynamique plus large, à travers les métiers émergents de la transition écologique.
Pour plus d’informations :
- site internet : https://www.lescolinas.fr/
- email : contact@etre-pyreneesatlantiques.fr