Pollution de l’air  en Île-de-France : embellie à l’horizon ?

Pollution de l’air en Île-de-France : embellie à l’horizon ?

En voilà une bonne nouvelle, le fond de l’air est moins pollué en Île-de-France qu’il y a 10 ans. Comment se fait-ce ? On vous raconte.
19 June 2025
par Vianney Louvet
5 minutes de lecture

Allez, enfin un article qui ne commencera pas par “c’est une très mauvaise nouvelle pour le climat” ou encore “voilà une catastrophe environnementale sans précédent”. Non, aujourd’hui nous ne boudons pas notre plaisir et parlons pollution de l’air. En Île-de-France, figurez-vous qu’elle a baissé ! Alors, allons-y gaiement et prenons à rêver que cette tendance continue…

Cocorico, voilà deux décennies environ que le niveau de pollution de l’air en Île-de-France est sur une pente descendante. C’est Airparif, l’organisme de surveillance de la qualité de l’air dans la région, qui annonçait cela au début du mois d’avril 2025. 

Est-ce là la preuve qu’il faut (encore) croire en nos politiciens et politiciennes ? Peut-être. En tout cas Airparif explique cette embellie par les réglementations et les politiques publiques de réduction des émissions de polluants de l’air. “La pollution de l’air a baissé à Paris de 40% en dix ans grâce à une baisse équivalente du trafic automobile liée à notre politique en faveur des transports en commun et des mobilités actives”, explique Dan Lert, le collaborateur écologiste d’Anne Hidalgo, en charge du plan climat.

Certes, certes. Nous invitons cependant nos copains et copines élues à ne pas prendre trop la confiance : il y avait encore l’année dernière en 2024 plus de 2,6 millions de Franciliens et Franciliennes qui respiraient un air à la concentration en particules nocives supérieure aux seuils de la nouvelle directive européenne (qui sera en vigueur en 2030). Autre chiffre avancé par Dan Lert : si l’on tourne le regard vers les enfants qui vivent à proximité des autoroutes, on découvre une augmentation de 30% de cas d’asthme. Quand justice sociale et climatique se croisent…

Cependant, oublions un instant ce chantier et revenons aux chiffres positifs. Et si on continuait sur cette lancée ? On a fait nos petits calculs et regardé ce que cela pourrait donner dans les prochaines années. 

Le dioxyde d’azote : première cible

Commençons par les concentrations de dioxyde d’azote (ton prof de physique l’écrivait “NO2” au tableau). Au-delà de son nom qui n’évoque pas grand chose, précisons que ce gaz est un polluant dont l’impact est non-négligeable : il peut augmenter le risque de mortalité lié au diabète et aux AVC par exemple. 

Airparif a balancé le chiffre, donc, 45 % de baisse des concentrations entre 2014 et 2024 pour le NO2. On ne parle pas de quelques chiffres après la virgule. Si on suit cette tendance, que l’on considère que cette baisse pourrait être “linéaire” encore durant les prochaines années (ce qui ne sera bien-sûr pas le cas), le NO2 aura baissé de 100% en 2036. Il aura donc, en 2036, retrouvé son taux de 2014. 2036, c’est à la fois rapide et très éloigné de nous. 


Des particules pas très fines

Passons à une autre concentration et un autre acronyme, PM2,5, désignant lui les particules fines (pour être exact : les particules de diamètre inférieur à 2,5 microns). Leur inhalation, nocive en particulier pour les nourrissons, peut être aussi responsable d’un plus haut risque de maladies cardiovasculaires et respiratoires. Ici, Airparif indique une baisse moyenne de 35 % entre 2014 et 2024. Bidouillons encore nos données : il faudrait attendre entre 2042 et 2043 pour que la concentration en PM2,5 baisse de 100% et retrouve son niveau de 2014. Rappelons-le : ce niveau de 2014 n’est en aucun point un idéal ! C’est uniquement la référence que l’on décide de prendre ici, en se calant sur les calendriers et mesures de l’organisme Airparif. 

Les morts bientôt vivants

L’autre chiffre qui fait plaisir concerne les décès prématurés dus à la pollution de l’air en Île-de-France. Ces derniers sont passés en 2010 de 10 000 par an à 6 200 en 2019. Autre projection mathématique pas désagréable : à ce rythme, et encore une fois c’est bien-sûr totalement impossible pour de multiples et évidentes raisons, c’est entre 2033 et 2034 que le nombre de décès prématurés dus à la pollution de l’air deviendrait nul. Décidément, cette année 2034 va être formidable. 


Les pics sans pic

Un dernier chiffre sympathique partagé par Airparif : en 2024 le nombre de journées de pollution par an est le plus bas jamais enregistré. Trois épisodes, un aux particules et deux à l’ozone, ont été rapportés en tout.  


Casser l’ambiance, un peu quand même

Nous n’allions quand même pas nous arrêter là et affirmer que tout est rose en Île-de-France. Il suffit de gratter un peu pour que d’autres mauvaises nouvelles pointent le bout de leur nez : 

  • L’ozone par exemple, qui stagne à basse altitude et est particulièrement nocif pour le système respiratoire, a vu ses niveaux stables depuis une vingtaine d’années. Rien d’étonnant, en général, plus il fait chaud, plus l’O3 se forme facilement. 
  • On perdait encore, en moyenne, 10 mois d’espérance de vie en 2019 en région parisienne. Quasiment de vie en mois à cause de l’air que l’on respire, quand on y pense, c’est terrible.  
  • Cette pollution de l’air est responsable de 10 à 20 % des nouveaux cas de maladies chroniques respiratoires comme l’asthme dont on parlait pour les plus jeunes mais aussi le cancer du poumon. 
  • 5 à 10 % des nouveaux cas de pathologies cardiovasculaires et métaboliques (comme les infarctus, AVC, diabète de type 2) sont toujours liés à la pollution de l’air. 
  • Le 28 mai dernier, les députés ont voté pour la suppression des zones à faibles émissions (dite ZFE). Conséquence : la remise en circulation de plus de 2,7 millions de véhicules faisant partie des plus polluants du parc automobile. Et forcément c’est la pollution de l’air qui va en pâtir. Et notre santé. Et notre environnement. Et ça continue encore et encore.

Tout est (parfois) possible

Si l’on revient aux chiffres en baisse, il semble que les raisons soient multiples. Parfois indépendantes de nos actions (le coup de chance d’une pluviométrie très haute en fait partie), parfois beaucoup plus : les aides qui incitent à changer sa vieille voiture diesel pour une autre moins polluante, les vignettes Crit’Air, la limitation de la vitesse, les zones à faible émission (2017), le vote pour augmenter le coût du parking des SUV récent, les pistes cyclables qui fleurissent, et de manière plus impactante encore la Taxe Générale sur les Activités Polluantes (TGAP) sur les entreprises ou les aides à la géothermie. Nuançons tout de même cela avec un point : l’utilisation de la voiture dans Paris intramuros a en effet été largement diminué (le nombre de kilomètres parcourus en voiture dans le centre a été divisé par deux en 20 ans !) mais c’est tout de suite très différent dans la région où cette baisse ne représente que quelques pourcents. Enfonçons donc une porte ouverte : villes, périphéries, villages, il n’existe pas de formule magique permettant de sortir du chapeau des politiques publiques uniformes. 

Malgré la récente (mauvaise nouvelle de la suppression des ZFE évoquée ci-dessus), continuons quand même de croire que la combinaison entre le changement de nos modes de vie, l’action politique et la transformation des entreprises pourra encore nous faire écrire des articles de bonnes nouvelles dans les prochaines années. 

Source

  • Le Parisien : Île-de-France : la pollution de l’air a baissé de moitié en 20 ans, selon Airparif
  • Le Monde : La pollution de l’air baisse en Ile-de-France, mais a un impact persistant sur la santé
  • Airparif : La pollution de l’air en baisse en 2024 en Île-de-France, avec encore des impacts importants sur notre santé
  • Le rapport Airparif plus en détails ici
  • Le Monde : Suppression des ZFE