Maisons de l’écologie culturelle : ces lieux où l’on soigne le monde par la création

Maisons de l’écologie culturelle : ces lieux où l’on soigne le monde par la création

Partout en France, une constellation de lieux engagés donne naissance aux Maisons de l’écologie culturelle. Objectif ? Réenchanter le futur en tissant des espaces où l’on soigne la joie et l’espoir.
14 April 2025
par Hélène Binet
3 minutes de lecture

L’Académie du Climat à Paris, l’écolieu Paha en Suisse-Normande, l’espace culturel et sportif de Muttersholtz… Depuis quelques mois, une dizaine d’établissements engagés bâtissent peu à peu le réseau des Maisons de l’écologie culturelle. L’idée ? Créer une galaxie de petits et grands lieux qui agissent comme antidotes à l’anxiété, la solitude, la colère et l’impuissance par leur vision et leur programmation pleine d’espoir, de désir et de joie.

Tiers-lieu éco-culturel « La grande histoire » Clermont de l’Oise

“C’est une maison bleue, accrochée à la colline, on y vient à pied, on ne frappe pas…” En 1972, année du rapport Meadows sur les limites de la croissance dans un monde fini, la maison idéale de Maxime le Forestier ouverte à tous et toutes se nichait sur les pentes de San Francisco. Cinquante ans plus tard, celle du musicien Patrick Scheyder a mille couleurs et se décline partout sur le territoire sous l’appellation de Maisons de l’écologie culturelle du nom du mouvement éponyme qu’il a récemment créé.

À deux pas du centre d’Amiens, le Centre culturel Léo Lagrange et son effervescence d’ateliers, de spectacles et de rencontres dédiés au jeune public a été le premier à rejoindre le réseau des maisons de l’écologie culturelle. À Caen, l’estampille revient au Bazarnaom, un laboratoire artistique bouillonnant installé dans un ancien hangar de la Presqu’île qui fait vivre et réinvente les arts vivants et visuels, tout en tissant du lien avec le quartier en pleine métamorphose. À Clermont de l’Oise, La Grande Histoire, tiers-lieu effervescent où se croisent écrivains, penseurs et citoyens autour des grands défis d’aujourd’hui fait aussi partie de l’histoire qu’écrit joliment et collectivement Patrick (avec notamment Nicolas Escach, Pierre Gilbert, Ariane Ahmadi…).

Écolieu Pahá

Des lieux qui incarnent une écologie vivante et joyeuse

“Aucune maison de l’écologie n’a le même profil à l’image de la société française, explique le pianiste qui a concrétisé cette idée avec Nicolas Escach, directeur du campus des transitions à Sciences po Rennes Caen. Les Maisons de l’Écologie culturelle sont des espaces fédérateurs d’expériences pour renouer avec notre culture écologique. Comme les Maisons de la Culture créées en leur temps par Malraux, elles défendent une éducation populaire, universelle et civique au vivant sous toutes ses formes.”

Parmi les idées portées par ces lieux pluriels, celles de fabriquer collectivement le désir d’écologie, de faire rimer joie, création, avenir, mais aussi cohésion sociale et prise en compte des plus fragiles. La charte des Maisons tient volontairement en une page pour ne pas enfermer le réseau dans un carcan de pensée mais au contraire l’ouvrir le plus possible à celles et ceux qui développent une culture écologique accessible à tous et toutes, qui inventent des formats qui font passer les informations de la tête au cœur et même descendre jusque dans les mains, qui font appel aux intelligences sensibles, manuelles, intuitives...

Jardin culturel de Bécherel

Vers une écologie du réenchantement

Derrière ces maisons, la volonté de sortir du marasme ambiant, de délaisser les nouvelles qui nous tétanisent et de l’éco-anxiété rampante et ravageuse qui nous empêche d’agir. Pour Patrick et Nicolas, la démarche s’adresse aux militants de la première heure ou du dernier recours, aux habitants des territoires, à la jeunesse révoltée et attristée. “L’écologie ne peut être une ode à la mélancolie, à la résignation et à la mort des idéaux. En particulier quand les temps sont difficiles.” 

Aujourd’hui, le réseau soutenu par l’Ademe et l’Office français de la biodiversité compte une dizaine de Maisons mais entend bien s’étoffer cette année pour arriver à une cinquantaine d’ici un an et mailler le territoire de ces espaces où l’on répare et prépare follement le monde. “Partout en France, des personnes ont développé une pratique de l’écologie joyeuse et accessible depuis 5 ou 25 ans, rappelle Patrick. Elles sont reconnues sur leur territoire et font un travail formidable. Ce qui leur manque c’est une mise en commun de leurs expériences pour aller plus loin. De faire émerger ce que font les uns et les autres pour renforcer la dynamique collective. Le réseau des Maisons de l’écologie culturelle s’inscrit dans une approche territoriale et universelle à la fois. C’est un réseau ouvert, participatif et apprenant.”

Dans quelques années, il y aura peut-être partout en France et pourquoi pas dans le monde des milliers de Maisons de l’écologie culturelle mais aussi des festivals, des rencontres, des résidences, des créations croisées.  Et si un jour le monde s’effondre, elles seront les dernières à rester debout…