Cédric Ringenbach, fondateur de la Fresque du climat rêve d’un monde où tout le monde aurait compris les enjeux climatiques et passerait à l’action. Dans le cahier militant Basculons il donne ses conseils à la génération climat. Interview.
Quel regard portez-vous sur les jeunes engagés ?
Ces jeunes qui s’engagent, c’est la génération Greta. Maintenant qu’ils savent, ils ne peuvent plus faire semblant et regarder ailleurs. Il va leur falloir du courage pour vivre avec cette conscience des enjeux mais ils sont porteurs de tellement d’espoir...
Leur chance, c’est qu’ils ont très vite intégré des compétences pour vivre ensemble et pour vivre heureux (si, si, ça s’apprend !).
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes engagés ?
Tout d’abord, il faut prendre soin de soi car il s’agit de sujets sur lesquels on a vite fait de se brûler les ailes.
S’il y a un écueil à éviter, c’est l’“entre-soi”. Si on n’est qu’avec des gens qui pensent comme nous, on est moins capables de s’adresser au reste de la population. C’est un travers qui guette beaucoup de militants. Mon conseil : faites l’effort de continuer de voir vos amis d’enfance qui ne pensent pas comme vous et n’évitez pas les repas de famille avec le vieil oncle climatosceptique (on en a tous un !). Faites l’effort de vous mettre dans leurs chaussures.
Dans la même veine, je dirais que l’engagement qui a le plus d’impact est d’aller travailler dans une entreprise qui ne partage pas vos valeurs, avec le but de la changer de l’intérieur. Une fois en place, gravissez les échelons aussi vite que possible, mais sans renier vos convictions. Arrivera un moment où vous sentirez que vous ne parvenez à rien, où vous hésiterez entre tout plaquer (option 1) et rester pour continuer ce travail de l’intérieur (option 2). Choisissez l’option 2, mais allez-y à fond ! Ne lâchez rien. Mettez vos supérieurs hiérarchiques devant leurs responsabilités, rappelez-leur sans relâche les engagements que l’entreprise a pris (elles en ont toutes pris ; certes, c’est du greenwashing, mais l’intérêt, c’est que c’est écrit). Cela va vous demander beaucoup de courage et d’abnégation, mais, au pire, qu’est-ce que vous risquez ? Vous faire virer ? Ça tombe bien, c’était l’option 1 !
Une récente étude démontre l’écoanxiété des jeunes, partout dans le monde. Notamment, 39 % d’entre eux hésitent fortement à avoir des enfants. Que vous inspire cette éco anxiété et comment l’accompagner ?
Face à l’écoanxiété, il faut surtout ne pas rester seul. Pas mal d’associations écologiques ont saisi l’ampleur du sujet et cherchent, peu à peu, à mettre en place un support psychologique. Il faut garder de l’espoir sur ce qui peut se passer à l’avenir.
J’ai une théorie : c’est la théorie des verrous. Le système actuel est complexe, systémique. Il a mis des décennies à se mettre en place et est verrouillé de partout. Dès qu’on cherche à débloquer un verrou, on est bloqué par trois autres. La stratégie, c’est d’identifier là où on peut être utile : choisir un combat – un seul – et ne pas le lâcher. Choisir son verrou et tout faire pour le débloquer. Ce verrou est bloqué par d’autres verrous, mais d’autres personnes sont en train de travailler dessus, soyez-en sûrs.
Ma théorie c’est qu’à un moment il va y avoir des déverrouillages en cascade. On va atteindre un seuil (un peu comme ce qu’on appelle le social tipping point [“point de basculement sociologique”]), et tout va se relâcher d’un coup. Vous allez alors pouvoir enfin faire péter votre verrou et ça tombe bien, car il y a des dizaines de personnes qui attendaient ça pour à leur tour réussir à débloquer une situation.
Ça va être plus long que ce qu’on imaginait mais ça va venir. Et quand cela va arriver, on va même être surpris de la rapidité à laquelle les choses vont aller.