Il y en a qui font les palmarès du Tour de France, nous on vous sert celui des canicules. C’est ça la vie moderne. Enjoy !
Ce moment où l’être humain se rappelle qu’il est un animal comme les autres. Vulnérable. Quand la température monte, dépasse les 40°C, c’est simple, on commence à sentir à quel point la nature peut nous écrabouiller en quelques heures. On commence à sentir qu’on n’est plus capable de bouger autant, de faire des choses, de s’activer et qu’on peut juste rester allongé sur son lit en attendant qu’un soupçon de fraîcheur revienne avec la nuit. Avec le retour d’El Nino et les aggravations des dérèglements climatiques, 2023 s’annonce comme un nouvel été record en chaleur. Un air de déjà-vu ? Oui, la preuve.
Les mots avant les maux
Canicule. Rien que le mot sonne comme une insulte. Météo-France le définit comme «un épisode de températures élevées, de jour comme de nuit, sur une période prolongée». Plus précisément, cela veut dire au minimum 3 jours avec des températures d’au moins 25,3°C (mesurées sur trente stations météorologiques réparties partout en France). Il ne faut pas confondre ces vagues de chaleur avec le « pic de chaleur » qui désigne quant à lui une hausse des températures au-delà des normales de saison. Bien. Maintenant qu’on est d’accord là-dessus, on passe à la suite, calmement. Voici les différentes vagues de chaleur qui ont marqué notre histoire météorologique par leur intensité et leur durée. On vous prévient, ce n’est pas drôle du tout.
1911 : la plus lointaine
Cela commence à dater, mais déjà à l’époque les vagues de chaleur se déchaînaient parfois comme lors de l’année 1911. 40 000 morts rien qu’en Europe, avec des températures de plus de 35 °C à Paris, sans descendre sous les 30 °C pendant plusieurs jours. Cette étuve étouffera nos ancêtres pendant presque deux mois et demi - de début juillet à mi-septembre.
1947 : longtemps la plus chaude
Année du début des mesures de Météo France, 1947 est aussi le théâtre d’une vague de chaleur mémorable entre le 22 juillet et le 4 août. Avec des températures supérieures à 40 °C sur une large partie du pays - 40,4 °C à Paris le 28 juillet – 1947 est longtemps restée au sommet du classement avant de se faire détrôner par l’année 2019… Mais ne grillons pas les étapes.
1976 : la plus dévastatrice
Le cauchemar des agriculteurs. De fin juin à la mi-juillet, 1976 écrase tout, si l’on considère les températures… et le manque d’eau. Tiens, tiens, ça nous parle ça, non ? Il faut remonter jusqu’en 1921 pour trouver de semblables conditions climatiques. Deux conséquences dramatiques :
- Les impacts sanitaires : une vingtaine de départements voient leur mortalité s’élever de près de 10%, ce qui représente environ 4 500 décès.
- Les impacts sur l’agriculture : le déficit pluviométrique de l’hiver doublé de la vague de chaleur est un cocktail explosif pour les agriculteurs et agricultrices. Avec le fameux « impôt-sécheresse » - augmentation ponctuelle de l'impôt sur le revenu - le gouvernement décide d’indemniser les victimes de la sécheresse en déboursant l’équivalent d’un milliard d’euros.
La piscine à vagues de St-Quentin-en-Yvelines (78) 1983 - Crédit www.meteo-paris.com
1983 : la plus longue
Les superlatifs vont être de plus en plus difficiles à trouver à mesure que cet article avance. La vague de chaleur de juillet 1983 se distingue des autres par sa durée de 23 jours, entre le 9 et le 31 juillet. Là encore, la mortalité explose et des régions comme celle de Marseille sont particulièrement touchées.
2003 : la grande gagnante, toutes catégories confondues
Si l’on prend en compte l'intensité et la durée, c’est bien la canicule d’août 2003 qui rafle la mise de ce triste classement, qui surpasse tous les records enregistrés depuis le début de la mise en place d’un réseau d’observation en France. Sur l’ensemble de l’été 2003, on décompte 19 490 morts en France, 20 089 en Italie. Seule la canicule de 2019 a été de la même ampleur mais avec 5 jours de chaleur intense d’affilée contre douze jours en 2003 - entre le 2 et le 14 août. La France enregistre une température moyenne de 29,4 °C, journées les plus chaudes jamais enregistrées dans notre pays.
Cette fois-ci ce sont les régions Centre et Ile-de-France qui sont particulièrement touchées. Des records sont enregistrés à Toulouse, Bordeaux, Limoges et Montauban, dépassant les 40 degrés le 4 août. Les personnes âgées, les personnes en situation de handicap, les personnes sans domicile fixe et les très jeunes enfants sont en première ligne.
Cette catastrophe « naturelle » - faut-il encore employer ce terme ? – souligne le manque évident de résilience du pays face à ce type de phénomène. Les services de santé sont dépassés, la gestion de la vague de chaleur dans les hôpitaux est un fiasco… Heureusement que les élus ont appris de cette crise et renforcé notre capacité à soigner et à prendre soin depuis. Rire jaune de la foule.
Les responsables démissionnent, les ministres sont changés et le petit nouveau Philippe Douste-Blazy décide de lancer en 2004 le «plan canicule» et ses différents niveaux de gravité. Elle sera notamment testée lors de la vague de chaleur de 2006, qui dure du 10 au 28 juillet et touche notamment la basse vallée du Rhône (plus de 2000 décès).
2018 : la presque-plus chaude
15 ans plus tard, le retour de la fournaise. Une nouvelle vague de chaleur ouvre le bal macabre des récentes années du 24 juillet au 8 août. La France brûle et ce n’est pas une métaphore. Cet été se classe comme le deuxième plus chaud de l'histoire du pays, derrière 2003.
2019 : la plus extrême
Là encore, cela sonne comme un remake de 2023. 2019 est marquée par une canicule en deux temps. Dès le 24 juin – date particulièrement avancée - 46°C sont enregistrés le 28 juin à Vérargues dans l'Hérault. Cette température dépasse de presque deux degrés le précédent record de 2003 et marque aussi la première utilisation de la vigilance rouge canicule depuis sa création en 2004. La seconde vague arrive fin juillet et dure une semaine. 42,6°C sont enregistrés à Paris (l’ancien record de 1947 était de 40,4°C).
La différence avec 2003, c’est que ce deuxième épisode est plus court. Il fera 10 fois moins de morts.
2020 : la plus polluée
Classée parmi les cinq épisodes de chaleur les plus intenses jamais relevés dans le pays, 2020 se démarque de ses sœurs par ses épisodes de pollution, notamment dans l’agglomération parisienne, entraînant une surmortalité inévitable. Durant cette période, la vigilance canicule rouge est déclenchée dans les régions de l'Ile-de-France et des Hauts-de-France notamment, englobant au total 15 départements. Cet épisode a culminé le 9 août (39,1° enregistrés dans la capitale).
2022 : la plus précoce
Stupeur, encore, sur la petite carte de l’écran télé : 12 départements en vigilance canicule rouge, et 25 en orange… dès le mois de juin. Une première dans l’histoire de la météorologie en France, depuis les mesures de 1947. Le 18 juin, cet épisode hors norme atteint un sommet – ou plutôt touche le fond - avec le deuxième jour le plus chaud enregistré depuis l’après-guerre. Fin juillet, 45 vagues de chaleur sont déjà recensées en France. A Biarritz, il fait jusqu’à 43°, du jamais vu dans la ville.
2023 : la plus…
On n’a pas très envie de jouer aux jeux des pronostics. En revanche, on va tout faire pour que les prochaines années ne soient pas dans la droite lignée des dernières. C’est chaud.