Aux arbres citoyens, les Robins des bois des jardins

Aux arbres citoyens, les Robins des bois des jardins

Comment les fruits des voisins peuvent remplir nos paniers ? L’association Aux arbres citoyens permet de se partager le butin fruité.
22 April 2024
par Marie Hazan
3 minutes de lecture

Quel est le comble pour un fruit ? De toujours ramener sa fraise pour des prunes au moment de couper la poire en deux. Maintenant, savez-vous quel est le comble pour un arbre fruitier ? De produire trop de fruits, qui seront gaspillés. Ok, là, y’a ni blague ni rime. En revanche, il y a une solution : Aux Arbres Citoyens, une association qui va cueillir les fruits non consommés sur les arbres fruitiers des particuliers, pour ensuite les redistribuer à des associations d’aide alimentaire. C’est ce qui s’appelle avoir la pomme sur la main.

Le gaspillage dans les jardins, pomme de la discorde

Cueillir des fruits, même dans son propre jardin, ça demande du temps, du matériel, une certaine disponibilité et une forme physique que nous n’avons pas toujours, sans parler des fruitiers qui produisent bien au-delà de nos besoins. Conséquence : des fruits se perdent, en grande quantité, dans tous les jardins. « Ça ne serait pas un problème si, en face, il n’y avait pas des personnes qui n’ont pas les moyens de s’en offrir », explique Coralie Tisne, fondatrice de l’association. C’est à partir de ce constat qu’à l’été 2020, l’initiative « Aux Arbres Citoyens » sort de terre. 

Les études sur la pauvreté en France estiment que 7 millions des Français sont en précarité alimentaire. C’est près de 10% de la population globale. Coralie détaille « Les fruits et légumes sont parmi les denrées les plus demandées par ces structures, et le contexte d’inflation n’arrange rien ». Devant ces chiffres, le choix de récolter là où il y a profusion pour donner là où il n’y a pas assez lui est alors apparu comme évident. Une philosophie sans nul doute approuvée par Robin (des fruits) des Bois.

Bien que ce gaspillage alimentaire ne soit pas celui dont on entend le plus parler, qu’il n’y ait pas de chiffre excitant pour le quantifier, il est bien réel. Preuve en est : en seulement trois années, et uniquement sur l’antenne de La Rochelle, l’association a déjà récolté 12 tonnes de fruits et réalisé 220 récoltes. En un an d ‘existence et en restant encore assez peu connue, l’antenne de Strasbourg a récolté 4 tonnes de fruits sur la seule année 2023. Coralie ajoute « Ce gaspillage est dans l’angle mort, et pourtant, il sagit de fruits locaux, de saison, non traités qui pourraient être consommés. Quand on sait que plus de 70 % des fruits de notre territoire sont importés, on ne peut pas rester sans rien faire ». 

1,2,3 nous irons chez toi...

...4,5,6 cueillir des cerises ! Le mode d’action est aussi simple que collectif : lorsqu’un particulier le demande, une équipe de bénévoles est envoyée à son domicile pour cueillir les fruits de son arbre. A la tête de chaque équipe, un « Captain Cueillette » anime la récolte, répond aux questions, aide à repérer les bons fruits et apporte le matériel nécessaire. C’est notamment lui qui va transmettre les bonnes pratiques aux enfants, ou à ceux qui n’ont pas l’habitude.

Car oui, n’importe qui peut devenir bénévole, sans limite d’âge : c’est ouvert aux hauts comme trois pommes comme aux vieux chênes. Il faut juste avoir une certaine forme physique, et adhérer à l’association à prix libre. D’après Coralie, chacun y trouve quelque chose de positif,  « Certains vivent en appartement et viennent se reconnecter à la nature et aux saisons, d’autres sont là pour l’aspect purement solidaire, ou encore pour rencontrer du monde ». Elle poursuit : « les motivations et les profils sont tous différents, et c’est une force. Il y a quelque chose de magique à voir le fruit des récoltes, tout ce qu’on a fait ensemble, dans la diversité. ». 

Cerise sur le gâteau : à la fin, les bénévoles et propriétaires se partagent une part du butin. Le reste, soit environ 80% des fruits cueillis, est redistribué aux associations partenaires. Ceux qui sont trop abîmés sont valorisés (en confiture, par exemple) : ô gâchis ! 

Les petits noyaux font les grands arbres 

En trois ans, le projet s’est déjà exporté de La Rochelle vers Strasbourg, Évian, Marseille, le Morbihan ou le Val de Saône. Le bourgeon continue d’éclore, puisque de nouveaux sites, comme Rochefort ou l’île de Ré, sont déjà dans les tuyaux. L’objectif, désormais, c’est de se développer sous forme de franchise sociale gratuite. 

Aux Arbres Citoyens, c’est donc une alternative solidaire, qui aide autrui tout en participant à la résilience alimentaire, par la plus simple des opérations : cueillir, comme savait déjà le faire les hommes préhistoriques. 

Être une bonne poire qui ne pense pas qu’à sa pomme, et qui essaie d’être aux petits oignons pour redonner la banane à ceux qui en voient des vertes et des pas mûres, finalement, c’est pas si mal, non ? 

Comment monter son antenne ? 

Il suffit de se rendre sur le site Aux arbres citoyens, dans la rubrique « Monter une antenne». Il vous sera alors proposé de participer aux prochains « café cueillette », une réunion d’info collective en visio, durant laquelle vous pourrez poser toutes vos questions tout en ayant un détail des différentes étapes de la création d’une antenne.