Inviter des vers de terre dans son entrée pour boulotter ses déchets de cuisine ? On est fans de l’idée. Alors on a testé le lombricompostage à la maison… Et approuvé.
Tout a commencé le jour où j’ai appris que dans nos poubelles, 25 à 40% des déchets étaient compostables. Je me suis dit : ma fille, il faut que tu donnes tes trognons de pommes aux lombrics. Qu’importe si tu habites en ville au 4e sans ascenseur, tu manges des tonnes de légumes (bio en plus), tu adores faire pousser tes tomates cerise sur ton balcon, tu veux faire baisser ton empreinte écologique et en prime t’aimes bien faire ta maligne alors vas-y, lance-toi. J’ai dit OK et je me suis lancée.
Consultation familiale
Evidemment, il a fallu commencer par convaincre la tribu. Le mari : On avait dit pas d’animaux de compagnie à la maison. En plus ça pue ce truc, non ? Et puis franchement, on n’a pas la place. Les enfants : Euh rien. Moi qui croyait obtenir leur soutien, que dalle. Des vers de terre dans leur salon ? Ils n’étaient ni contre ni pour, ils s’en foutaient tout court. J’ai donc dû jurer cracher qu’un lombricomposteur était sans odeur, qu’on pourrait très bien le camoufler dans l’entrée (là j’ai menti, la bête fait quand même la taille d’une poubelle de 100 litres), que j’organiserai la garde des lombrics pendant les vacances…
Pour commencer, j’ai passé plusieurs soirées sur internet à choisir le modèle. Jolies bobines colorées du côté de chez Eco-worms, ambiance mallette chez Terre Native. J’ai finalement choisi le modèle Worm Café Confort de Vers la Terre. En trois clics, la commande est partie.
Voici ma bécane à recycler.
Deux jours plus tard, excitée comme un ver coupé, je reçois mon lombricomposteur. Dans mon kit, 3 plateaux, 1 couvercle, le bac collecteur de liquide, 4 pieds, 1 robinet et plein d’accessoires : 1 matelas d’humidification, 1 guide d’entretien et, surtout, 500 grammes de vers. J’avoue que l’idée de recevoir des lombrics par la Poste me faisait plutôt marrer. Comment allaient-ils voyager ? Dans une petite caisse avec des trous ? Et s’ils ne pouvaient plus respirer ? À l’ouverture de la boîte, toutes mes craintes sont dissipées : les Eisenia (c’est leur nom) sont en grande forme, grouillant dans leur sac empli de terre fraîche.
Construction de mon immeuble à vers de terre
Notice sur le sol, éléments dispersés façon puzzle sur le parquet de l’entrée, j’assemble le lombricomposteur. Les plateaux percés d’une capacité de 14 litres s’empilent comme ceux d’un couscoussier. Au rez-de-chaussée de mon immeuble à lombrics, un bac plus profond affublé d’un robinet devra accueillir le jus de compost appelé aussi poétiquement le thé de vers. Il s’agit en réalité d’un liquide noirâtre plutôt dégueu mais excellent engrais. Je termine mon chantier par le toit, un couvercle percé de micros-trous pour que tout ce petit monde puisse respirer. Je dévore la notice et apprends que la forme brevetée des plateaux encourage les vers à se déplacer vers le haut pour s’alimenter, que l’écoulement de l’engrais liquide est facilité quelque soit le taux de remplissage, que le plastique est du polypropylène 100% recyclé et 100 % recyclable. Bref mon lombricomposteur s’annonce d’excellente facture.
Comme indiqué sur les forums, je tapisse mon premier plateau avec l’emballage en carton. Déjà un premier déchet valorisé. Puis, je libère les Eisenia, ces petits vers rouges qui n’aiment pas se terrer en profondeur mais préfèrent vivre dans la couche supérieure du sol (à moins de 10 centimètres sous la surface). Plutôt du genre photophobiques (sans yeux, ces lombrics se repèrent au moyen d’organes sensibles à la lumière), ils filent se cacher dans la litière. J’ajoute un matelas de fibres végétales et attends sagement le soir que les bêtes se soient habitués à leur nouvelle maison pour leur donner à manger.
C’est pour qui ça, hein ? À table les lombrics !
À table les amis ! Qu’est-ce qu’on mange ?
La liste des aliments autorisés est vaste : boîtes en carton, épluchures de légumes, restes de repas, marc et filtres de café, sachets de thé, coquilles d’œufs, cheveux, poils d’animaux, sac d’aspirateur à condition de ne pas avoir aspiré les billes du petit dernier et cerise sur le gâteau, les ongles coupés sont même recommandés… En revanche sont interdits les produits d’origine animale (viande et fromage), les oignons et les agrumes, trop acides pour les vers et l’ail, vermifuge naturel. Au fil de mes soupes, de mes salades, des assiettes non terminées, je nourris la colonie. Le premier plateau empli, j’attaque le second.
Je dois être une bonne nourricière, les lombrics boulottent et copulent à un rythme effréné. En 24 heures, ils sont capables d’ingurgiter 1,5 kilos de déchets. Et plus ils bouffent, plus ils baisent, plus ils sont nombreux et plus mes épluchures se transforment en compost. Sachant qu’un seul lombric peut avoir jusqu’à 500 descendants en un an, en trois mois, la population de mon lombricomposteur double. C’est l’usine.
Une fois par semaine, j’ouvre le petit robinet pour recueillir le nectar précieux. Respectant le principe : un volume de thé de vers pour 10 volumes d’eau, j’arrose les plantes de mon balcon qui affichent en quelques semaines une santé insolente. Ma voisine jalouse, me demande mon secret et me voilà dealeuse d’engrais liquide naturel pour l’ensemble de l’immeuble.
En 6 mois, il ne reste plus que les coquilles d’œufs.
Aujourd’hui, la colonie de lombrics élevée dans l’entrée entre 17 et 20°C fait désormais partie de la famille. Notre poubelle de cuisine a perdu la moitié de son volume. Quand on part en vacances, la population se régule toute seule. On accueille aussi parfois quelques mouches de fruits qui nous font claquer dans les mains à la manière d’un spectacle de flamenco mais en furetant sur les forums, on trouve chaque fois la réponse à nos maux. Et surtout, pas une effluve : le lombricomposteur n’a réellement pas d’odeur. Au bout de 6 mois, o’ surprise : le deuxième plateau n’est plus qu’un terreau brun, un compost superbe prêt à conquérir pots de fleurs et parcelles de jardins partagés. Moi je vous le dis : le lombricomposteur, c’est que du bonheur !
Article précédemment publié dans Oui ! Magazine