Pro Silva, un vent de liberté souffle sur la forêt

Pro Silva, un vent de liberté souffle sur la forêt

Dans la famille des amoureux et amoureuses de la forêt, je demande Pro Silva. Cette association prône une gestion douce et extensive de la forêt. Et ça pousse !
08 April 2024
par Vianney Louvet
7 minutes de lecture

Une forêt ça respire, ça s’équilibre, ça mélange les essences d’arbres, ça offre gîte et couverts à une grande variété d’animaux. Une forêt, ça se gère en douceur et c’est tout l’enjeu de Pro Silva. On fait les présentations ? 

« Pro Silva ». Cela sonne comme un mélange d’énigme et de barre chocolatée. Mais c’est encore mieux. Derrière ces 8 lettres se cachent une passion pour la forêt, une réponse à l’angoisse que l’on peut ressentir en se projetant dans le futur, du grand air… Pro Silva, vous le sentez, va devenir votre nouvelle passion. Mais alors comment en parler autour de vous ? I, il va vous falloir soigner les présentations. 

Expliquer Pro Silva à ses grands-parents

Ici, il s’agit d’être clair, concis mais précis. « Pro Silva » regroupe des gens qui connaissent la forêt, qui en ont fait leur métier : c’est avant tout un collectif de techniciens. À force d’observer, d’analyser, de scruter les arbres et les paysages forestiers, ces spécialistes ont accumulé des connaissances précieuses, ancestrales parfois, que Pro Silva s’attèle à rassembler dans une sorte de centre de documentation.

Toutes ces pratiques donnent la part belle à la sylviculture irrégulière sur couvert continu, ou « sylviculture mélangée à couvert continu ». Papy, mamy, ne paniquez pas si vous n’avez pas compris, l’explication arrive. À l’origine de cette belle histoire feuillue, il y a en effet le désir de se positionner en alternative à un modèle dominant, la sylviculture régulière. C’est en très (trop) schématisé l’équivalent de l’agriculture intensive, très mécanisée où la forêt est réduite à un empilement de parcelles, sur lesquelles des arbres d’une seule essence, du même âge, sont gérés jusqu’à la coupe rase. Ça facilite la gestion et la rentabilité. Au détriment de tout le reste. À l’inverse, la sylviculture irrégulière demande une observation fine, non-systématique, un suivi très appliqué au contexte, un couvert forestier permanent et donc évite les coupes rases que dans les rares cas où elles sont nécessaires. Et ça, c’est loin d’être un luxe. Éviter les sols nus, c’est atténuer les effets météorologiques extrêmes de tous genres (gels, neige, pluie diluvienne, vents, chaleurs) et surtout, le plus important : éviter l'érosion. C’est la règle d’or : sans sol, pas d'arbres. 

Aujourd’hui, Pro Silva c’est une vingtaine d’antennes partout en Europe. Mes chers aïeux, ai-je été clair ? 

Expliquer Pro Silva à son coloc qui s’en fout

Oui, lui la forêt, il n’en a pas grand-chose à cirer. Et savoir que Pro Silva est la référence en termes de sylviculture mélangée à couvert continu dans le domaine forestier, chez les professionnels, cela ne va pas bouleverser son existence.

Pourtant il n’y pas que ça. Pro Silva est en train de faire sortir la forêt de la forêt. Je t’explique. Chaque jour sont créées des formations à partir du savoir de ces techniciens, des tournées en forêt pour mieux la raconter à ceux et celles qui ne la côtoient que peu, de faire le pont entre d’un côté ces spécialistes et de l’autre des gens comme toi, cher coloc, qui pourraient être tentés de poser un regard un peu moins ignorant sur la forêt voisine devant laquelle ils passent tous les matins.

Il est aisé de regarder les forêts et de se dire que « toutes se valent à peu près », que les arbres poussent au gré de leurs humeurs, comme des grands. Mais dès qu’un œil connaisseur vous aiguise la rétine, tout change. Et on réalise que les arbres sont très (trop ?) contrôlés dans leur croissance, que tous ces fûts très droits, sans branche, très cylindriques, et du coup mieux valorisés financièrement, ont été obtenus par de nombreuses étapes successives. Il suffit de regarder l’arbre du jardin d’en face, joyeux comme un pinson, pour constater sa croissance moins haute et ses nombreuses branches et comprendre qu’avec une lumière décente et de l’espace, tout change. Prendre soin d’une forêt, devenir « gestionnaire » ce n’est ni plus ni moins que devenir « artisan de la lumière ». C’est beau, non ? Sur cette parole, votre coloc est parti en courant dans le sous-bois d’à côté. 

Expliquer Pro Silva à sa sœur qui cherche un boulot qui a du sens

Grosse ambiance dans le noyau de Pro Silva. On y compte 4 salariés. 2 à Nancy, 2 à Manosque, tous porteurs et porteuses de différentes casquettes, parmi lesquelles :

  • La casquette formation, en collaboration avec les bénévoles. Avec l’objectif que cela se démultiplie et touche plus de monde au fur et à mesure (notamment que des bénévoles puissent eux aussi donner des formations). Ces formations étaient dans un premier temps à destination des gestionnaires et des propriétaires forestiers, elles seront bientôt proposées à des jeunes en formation initiale.
  • La casquette d’animation de bénévoles justement, répandus dans différentes régions de France. Ces groupes régionaux permettent notamment l’organisation des tournées forestières (sous forme de journées, en forêt publique ou privée). Et tous les trimestres la famille Pro Silva raconte les dernières breaking news via des compte-rendus.

Et là où votre sœur va foncer, c’est que la pierre angulaire de la vie de cette petite équipe se joue bien-sûr sur le terrain, dans la forêt. Ce sont ces temps face aux arbres (et non face à l’écran) qui font la saveur et le sens des journées des salariés et bénévoles. Avec en musique de fond la bande originale d’Avatar.

Expliquer Pro Silva à sa petite nièce et lui assurer que ça va aider les générations futures

Pro Silva, dans le scénario de rêve, va disparaître. Une fois que tout le monde aura compris l’approche promue par le mouvement, une fois qu’au moins 50% des forêts seront gérées selon les méthodes de sylviculture irrégulière à couvert continu, une fois que les personnes reprendront à leur compte les conseils de Pro Silva, alors l’asso et ses salariés pourront aller ramasser des champignons en paix. Mais c’est encore loin d’être le cas…

Le futur donc. Pourquoi diable fait-on tout un foin de ces forêts ? L’article pourrait faire 1000 pages, cela ne suffirait pas à détailler tout ce qu’une forêt peut faire pour nos écosystèmes, la biodiversité, le cycle du carbone, etc. En un éclair : « la forêt est multifonctionnelle » entend-on parfois. Et c’est vrai. Serviable comme pas possible celle-là. Par la photosynthèse, elle rejette de l’oxygène (et nous fait respirer, intéressant), de l’humidité par évapotranspiration, elle renferme des sols foisonnant de vie, maintient des terres fertiles, ses arbres filtrent l’eau, évitent, grâce à leur système racinaire, les glissements de terrain, protège les reliefs de l’érosion, fournit nos vies en bois, ressource et perle rare en temps où les émissions carbones doivent impérativement baisser… Et tout ceci sans compter le soin que nous apportent nos déambulations dans ces havres de verdure.  

Et c’est là qu’arrive un point essentiel. Que la petite nièce ouvre bien ses oreilles. La forêt est aujourd’hui vue, trop systématiquement, à travers un unique prisme, enfermée dans une seule utilité qu’on lui décerne. Le promeneur la voit comme un vivier intouchable de la faune et flore locales, le professionnel comme son gagne-pain, le sportif comme son terrain de jeu du dimanche. Tout cela n’est pas irréconciliable. Si certains principes sont respectés.

Expliquer Pro Silva à mes potes et leur donner envie de s’engager

Pro Silva en France, c’est 450 adhérents, 3000 en Allemagne. Et pourtant, 450 000 emplois liés aux forêts, sur toute la filière forêt-bois. Il y a donc un boulevard à emprunter. 

Mais alors, comment s’engager ? Si par chance, vos potes sont propriétaires de 2 ha de forêt – ça arrive, non ? – il peuvent appeler Pro Silva et demander à changer de gestion, pour stopper les coupes rases et passer à une gestion plus durable. Pour les autres malheureux non-propriétaires, le plus intéressant peut être, dans un premier temps, de participer aux tournées pour découvrir, apprendre et puis, si l’élan est là, d’aider les animateurs à organiser les tournées, avec un ou deux mails, un petit coup de main logistique à droite à gauche.

En résumé, pour comprendre Pro Silva et goûter à l’enthousiasme de ce mouvement, il faut mettre des bottes et aller poser des questions aux chênes. Eux vous expliqueront la Vie mieux que personne. On se retrouve là-bas.

Expliquer Pro Silva aux décideurs politiques

C’est l’arbre gênant au milieu de la forêt. Si la forêt a cette importance systémique, nos chers élus ne peuvent échapper aux actions pour la protéger.

Dès son lancement, le credo de Pro Silva, visible d’ailleurs dans son ancien logo, mêlait écologie et économie. L’un avec l’autre. On a bien dit « avec ». C’est la force et la spécificité de ce mouvement. Il peut parler d’écologie à des professionnels de la filière et d’économie à des ONG environnementales. Ce positionnement permet à Pro Silva de s’adresser à tous les acteurs et de réconcilier ces fameuses « fin du monde » et « fin du mois » que certains partis opposent.

Mais chez Pro Silva tout est dans la nuance, l’équilibre. Un exemple parmi d’autres sur lequel Pro Silva se montre “non-idéologique” : le cloisonnement. Ces sortes de chemins, grandes lignes tracées en pleine forêt pour pouvoir faire passer des engins. Certes, cela représente des coupes rases sur une bande de 4 mètres de large, mais c’est aussi un moyen de ne pas faire intervenir la machine à l’intérieur, sous le couvert forestier, en abimant potentiellement des arbres.  

Plus les années passent, plus Pro Silva accepte de se positionner politiquement, aussi parce que ses adhérents le demandent. C’est ce qui se passera notamment pour les futurs projets de loi débattus à l’assemblée. Aujourd’hui les aides « France Relance » ou « France 2030 » subventionnent largement la plantation. Du point de vue d’un forestier et d’un propriétaire aussi, le choix est vite fait : non seulement, la coupe définitive fait rentrer de l’argent, mais en plus la re-plantation est couronnée d’aides dodues. L’arbre et l’argent de l’arbre.

Le combat de Pro Silva, c’est de donner un autre son de cloche. Ce n’est pas cela qu’il faudrait encourager. 1 milliard d’arbres plantés ? Soit, monsieur le Président, mais dans ce cas, il faut le faire de manière intelligente, avec des essences autochtones, sous couvert existant, et non sur terrain nu. Et la bonne nouvelle, c’est que les forêts se régénèrent toutes seules, gratuitement. Que demande le peuple ?

On y croit !

On n’a pas tous les jours 30 ans ! Pour célébrer son anniversaire, la Fondation Nature & Découvertes déploie un dispositif inédit avec makesense. Objectif ? Faire rayonner des associations qui font bouger les lignes en profondeur sur le terrain de la biodiversité. Et donner envie de s’engager. Mountain Wilderness, Pro Silva, Terre de Liens : elles sont les grandes gagnantes d’un vote des collaborateurs.rices de Nature & Découvertes. Elles s’attaquent à des causes cruciales : l’avenir de nos montagnes, de notre agriculture et de nos forêts.

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