Il fait peur et à raison. Le fascisme qui semblait relégué aux tiroirs empoussiérés d’un autre et sombre temps est de retour. Mais que désigne-t-il exactement ? Et d’où vient-il ? Et pourquoi ce retour en grâce terrifiant ? 10 questions, 10 tentatives d’y voir plus clair.
1- D’où vient le mot “fascisme” ?
Tout part d’un pays voisin. En italien, “faisceaux” se dit “fasci” et c’est de ce mot que vient le terme “fascisme” au moment où Benito Mussolini fonde en 1919 le mouvement politique des Faisceaux italiens de combat. D’abord groupuscule, ce collectif est en fait l’embryon de ce qui deviendra deux ans plus tard le Parti national fasciste, à la tête de l’Italie dès 1922.
À l’origine, c’est donc bien de la dictature italienne qu’on parle avec le mot fascisme. Et elle a par la suite inspiré de nombreuses autres nations, faisant de ce terme le qualificatif d’un régime politique aujourd’hui décorrélé du seul exemple italien.
2- Quel est le point de départ du fascisme ?
Historiquement, le fascisme trouve ses racines dans une critique des fondements du système démocratique. En caricaturant (à peine) le Fascistan, est un monde où l’on considère que la démocratie a dérapé à tous les étages, à savoir :
- La Révolution française ? Ce fut une catastrophe. Par sa faute, l’ordre social a été déglingué, par sa faute l’ordre naturel et surtout spirituel ont été attaqués, donnant lieu à une véritable décadence spirituelle, responsable d’une société à la dérive, sans colonne vertébrale digne de ce nom.
- Autre tuile avancée : ces maudits Droits de l'Homme. Eux auraient en quelques mots, quelques phrases, profondément affaibli la civilisation occidentale.
- D’un point de vue plus philosophique, c’est le rationalisme qui est mis en cause, en ce qu’il prétend fonder l'égalité des femmes et des hommes sur l'universalité d'un principe supérieur. L’humanisme, tout ça… Très peu pour l’idéologie fasciste.
3- Quelle définition du fascisme ?
Non, définir le fascisme n’est pas chose aisée et le débat entre historiens, historiennes, chercheuses, chercheurs et autres spécialistes de la question reste brûlant. Si en revanche, on vous demande un jour d’en donner l’essence en quelques mots, tentez quelque chose comme ça : on parle de fascisme pour désigner un système politique profondément allergique au socialisme et à l'égalitarisme démocratique. S’il y avait 5 caractéristiques à combiner pour obtenir un bon fascisme, ce serait :
- Un totalitarisme,
- Une symbiose entre le parti unique et l’État,
- Le nationalisme,
- La persécution des ennemis,
- Le tout baignant dans une idéologie guerrière et souvent viriliste.
Dit autrement et avec plus de détails : le fascisme est une organisation de l'État bien carrée, à la toute-puissance concentrée dans les mains d'un chef aux petites épaules bien carrées, chef adulé par un peuple bien uniforme, où certains citoyens exemplaires sont élevés au rang de héros, tous contraints d’être unis pour mener à bien une idée, un destin très éloigné du réel. Cette vue de l’esprit nie ainsi l'évidence des conflits entre les intérêts des diverses classes de la société. Un bonus : les acteurs religieux qui sont fréquemment un pilier renforçant un régime fasciste. Cette “sacralisation de la politique” évoquée par l'historien Emilio Gentile renforce ainsi l’idéal idéologique de l’État fasciste.
4- Dans quels pays le fascisme s’est-il invité ?
Le fascisme a influencé d’autres mouvements totalitaires en Europe : le nazisme allemand, la Phalange dans l’Espagne franquiste, la Garde de fer de Codreanu en Roumanie, le mouvement oustachi de Pavelitch en Croatie... On aimerait s’arrêter à cette liste appartenant au passé. Malheureusement, de nombreux mouvements d’extrême droite dits “néofascistes” pullulent désormais un peu partout, exemple en Europe :
- En Autriche, le Parti de Liberté créé par d’anciens officiers SS est entré au gouvernement en coalition avec le centre droit,
- Chez nos voisins Allemands, l’AfD, Alternative für Deutschland, parti d’extrême relativement récent s'est imposé comme la principale force d'opposition en Allemagne, après les élections fédérales anticipées de février,
- En Suède, pays qui semblait jusqu’alors résister à la vague anti-démocratie, les dernières élections générales ont vu les Démocrates Suédois, parti émanant d’un mouvement de rue nazi de la fin des années 1980, progresser pour la cinquième élection consécutive, atteignant 17,5% des suffrages.
- Autre voisin qui a basculé, l’Italie désormais aux mains du parti de Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia (FdI), parti lui-même héritier du Mouvement social italien qui fut fondé par des dignitaires de la dictature fasciste. À la tête d’une coalition rassemblant son parti et d’autres groupes de droite radicale et de centre droit, Meloni dépasse aujourd’hui les 49 % dans les sondages
- En Hongrie encore, c’est le régime chaque jour plus autoritaire du parti Fidesz de Viktor Orbàn et sa ligne anti-migrant qui sont aux commandes.
Et la liste est encore longue…
5- Quelle différence y a-t-il entre une dictature et le fascisme ?
On entend aujourd’hui, et de plus en plus, des discours qui font rimer “fascisme” et “dictature”, “fascisme” et tout régime autoritaire. Mais il existe des dictatures qui ne sont pas fascistes. D’une part, les fascismes ne remettent pas en cause les structures économiques, structures familiales, une différence essentielle vis-à-vis d'autres régimes totalitaires, comme le régime soviétique de Staline. D’autre part, si la finalité est la même, prendre le pouvoir, le chemin emprunté, lui, diffère. Les dictatures s’imposent par la force, à la faveur de coups d’Etat ou de guerre civile comme Franco en Espagne. Ce qui n’est pas le cas du fascisme, on vous explique tout … au prochain épisode.
6- Pourquoi ce “retour en force” du fascisme en 2025 ?
Là encore, les causes essentielles du succès actuel de ces régimes totalitaires font encore débat entre spécialistes. Voici cependant quelques points communs que l’on retrouve dans tout bon terreau fertile à la poussée de la plante fasciste :
- Une crise économique bien costaude,
- Un désordre politique généralisé,
- Un clivage devenu fracture douloureuse entre les différentes strates de la société.
Il semble qu’aujourd’hui, toutes les planètes s’alignent : le contexte de crise généralisé accélère l’émergence des mouvements fascistes. Et on l’a dit, à l’inverse de la dictature, la méthode d’arrivée au pouvoir est une “chanson douce”, discrète, qui utilise l’appareil démocratique pour gagner les élections. Et après ?
7- Comment le régime fasciste s’installe et pérennise sa prise de pouvoir ?
À l’image des classes ouvrières qui propulsèrent le nazisme à la tête de l’Allemagne avant la Seconde Guerre Mondiale, le soutien populaire est indispensable à tout régime politique qui veut s’installer dans la durée. Pour durer, le fascisme s’appuie sur une recette testée et approuvée, en quelques étapes :
- Faire fermenter l’ambiance jusqu’à ce qu’à la pourriture (cf les ingrédients ci-dessus), autrement dit “provoquer le désordre pour invoquer l'ordre”.
- Arroser généreusement le plat de votre société à coups de propagande et de matraquage médiatique. Un mot d’ordre : faire comprendre à la classe moyenne qu’elle est menacée, de toutes parts, que la précarisation est toute proche et que votre parti est le seul à s’en préoccuper. Les épices anticapitalistes iront très bien avec tout ça.
- Parce que oui, l’ingrédient mystère, la pierre angulaire de tout ça, c’est le parti de masse qui suscite une large adhésion des classes populaires et parvient à convaincre d’un récit où seul l’exercice du pouvoir de ce même parti peut vous sortir de l’impasse.
- Par la suite, faites reposer le régime sur un appareil politico-militaire renforcé. Avec une armée et un parti unique, cela devrait donner quelque chose de solide.
- En parallèle, constatez avec joie que la mayonnaise va continuer à prendre grâce aux… élites, les classes dites “possédantes” qui profiteront largement et sans le dire trop fort des nouveaux avantages qui leur sont accordés.
8- Trump est-il à la tête d’un mouvement fasciste ?
On retrouve dans le “Make America Great Again” de Trump, les glaçants ingrédients évoqués ci-dessus, sans exception. Un mouvement politique s’appuyant sur un pouvoir fort, l’exaltation du sentiment nationaliste (et protectionniste, forcément), le rejet des institutions démocratiques (l’assaut du capitole en symbole flagrant de ce point), la répression des étrangers et de l’opposition (Trump s’attaque ces jours-ci aux acteurs judiciaires qui osent lui mettre des batons dans les roues) et une société civile sous contrôle, contrôle éclatant notamment dans le monde de la recherche.
Son message anti-élites se dit révolutionnaire et atteint très largement les classes moyennes et la petite bourgeoisie. En parallèle, Trump exalte la réconciliation des hommes par le travail et en cela les patrons de l'industrie américaine ne voient pas toujours d'un mauvais œil l'instauration d'un certain ordre dans leurs usines. Cynique manipulation d’un régime qui se veut unifier la nation mais qui à l’inverse ne fait que creuser les failles déjà existantes, à l’insu de ceux et celles qui le soutiennent.
9- C’est une bonne situation ça, être fasciste ?
Vous savez, je ne crois pas qu’il y ait de bonne ou … quoique là, si. Pour vous répondre : ce n’est PAS une bonne situation, pour personne. À l’exception du marionnettiste en uniforme.
10- Comment fonctionne un régime fasciste ?
L’état fasciste, s’arrange pour être présent partout, pour contrôler d’une main de fer les aspects de la vie politique, économique et sociale d’un pays. Ce contrôle est d’autant plus vrai au niveau individuel : les libertés sont contrôlées au nom de la collectivité. On magnifie le modèle familial patriarcal, dans le domaine du travail, on encadre les travailleurs et travailleuses en supprimant les syndicats.
Il s’attaque souvent aux médias et les utilise par la suite pour exalter le sentiment national (et là vous viennent à l’esprit les parades militaires millimétrées et fastueuses de certains états…). On l’a dit avant, la hiérarchie est l’ordre naturel des choses (dans le parti, le travail, dans la société…).
L'État fasciste assoit son pouvoir peu à peu, dopé par les soutiens religieux, industriels et souvent en modifiant la Constitution pour se maintenir au pouvoir à plus long terme.
SOURCES :