Petit guide pratique pour entraîner son esprit critique  (et arrêter de gober tout et n’importe quoi)

Petit guide pratique pour entraîner son esprit critique (et arrêter de gober tout et n’importe quoi)

Va falloir l’entraîner ! Parce qu’entre fake news et robinet d’infos ouvert en continu, notre esprit critique pourrait bien céder à la facilité. C’est parti pour une séance de musculation intensive de son esprit.
06 May 2025
par Mélissande Bry
5 minutes de lecture

Dans un monde où l’IA génère des images factices à gogo, où notre feed Instagram nous bombarde d’informations en continu, où les fake news circulent plus vite qu’une infestation de poux dans une garderie, comment trier le vrai du faux ? À qui accorder sa confiance ? De quoi doit-on se méfier ? Pas de panique, voilà un guide pratique pour entraîner son esprit critique et arriver à prendre un peu de recul face à l’info.

La base de chez base

Avant toute chose, la base de la base pour avoir un esprit critique aiguisé, c’est d’être curieux ou curieuse. Eh oui ça semble tout bête mais si la curiosité n'est pas au rendez-vous, difficile de creuser les sujets et d’aller un peu plus loin que le bout de son nez ! Aussi, plus on a de connaissances dans un domaine, moins on a de chances de gober de fausses informations sur ledit domaine. Après, on ne peut pas tout savoir sur tout et c’est bien normal, d’où ce guide. 

Un autre aspect super important, c’est de se donner du temps, de s’autoriser à ralentir. On reçoit des informations partout, tout le temps. D’après une étude de la fondation Jean-Jaurès publiée en décembre 2024, 54% des Français et Françaises souffrent de fatigue informationnelle. C’est beaucoup. Alors on s’arrête, on se sert une petite camomille et on inspire un grand coup. Ici, on n'est pas là pour se fatiguer mais plutôt pour se poser et réfléchir tranquillement.

Dernier point avant de rentrer dans le vif du sujet, ce guide ne donne pas une réponse parfaite pour devenir un boss de l'esprit critique (spoiler art : ça n’existe pas) mais bien des pistes de réflexions, des conseils et des réflexes à développer et à adapter au gré des contextes. 

Musculation de l’esprit en quatre étapes 

Faire la chasse aux fake news ou dresser la liste de tous les biais cognitifs possibles ou imaginables ne t’aidera pas à faire preuve de plus d’esprit critique. Sachant qu’une fake news se transmet 6 fois plus vite qu’une véritable information et qu’il y a entre 250 et 300 biais cognitifs référencés, bon courage pour lutter ! Au contraire, mieux vaut s'entraîner à adopter les bons réflexes. 

Quand on reçoit une information qui nous surprend ou nous intrigue, on peut mettre en place ces quatre étapes : 

  1. Prendre en compte le contexte dans lequel cette information est produite et consommée. 
  2. Tenter d’évaluer si la source de cette information est fiable.  
  3. Remonter et croiser cette information avec d'autres sources. 
  4. Répéter ce déroulé dans d’autres contextes pour continuer à affiner ton radar à bullshit. 


Allez, avec cette grille de lecture en tête, on passe à l’exercice pratique.

Mise en situation, à toi de jouer

Tu es tranquillement posé·e dans ton canapé après une dure journée au boulot. Tu as besoin de décompresser, tu sors ton portable et tu te mets à scroller sans vergogne sur Instagram. Au fil des tutos food, des pubs pour compléments alimentaires et des photos de vacances de ton crush à Bali, tu tombes sur un post coloré au titre accrocheur : “Apéro ! La science le confirme : un verre d’alcool par jour est bon pour la santé.” Super, si la science le dit, c’est que c’est vrai, non ? Attends, on rembobine.

Le contexte 

Cette information t’est arrivée dessus sans que tu la recherches. Elle a été sélectionnée par des algorithmes de recommandation qui te proposent des contenus adaptés à tes goûts et centres d'intérêt, au risque parfois de te faire tourner dans des bulles de filtre comme un hamster. Aujourd'hui, 35% des Français s'informent sur les réseaux sociaux contre 18% en 2013. Si ces plateformes peuvent être des sources d’informations très riches, il est important d'être conscient de leur fonctionnement : l’opinion, l’intime, l’information sérieuse, le divertissement, la publicité et la désinformation se retrouvent mélangés et gérés par les algorithmes, il n’y a plus aucune hiérarchisation ni distinction des contenus. 

Dans ton cas, le post qui t’est tombé sous le nez vient d’un compte qui recense les meilleurs bar et soirées de ta ville. Intrigué·e, tu cliques sur le post pour en savoir plus (la curiosité c’est la base on a dit).  

Fiabilité des sources    

Pas toujours facile de savoir si une source est fiable ou pas, surtout avec la multiplication des supports d’information sur le web et les frontières qui se floutent entre journalisme, communication et marketing. Voici une liste de critères pour t’aider à te poser les bonnes questions :  

  • Qui parle ? Expertise et crédibilité : la source idéale est compétente sur le sujet, elle a une expertise validée par des pairs et une réputation établie de fournir des données exactes.       
  • Pourquoi ? Objectivité et transparence : la source idéale cherche à produire des connaissances objectives sur un sujet, elle cherche avant tout à informer, sans conflit d'intérêt. Elle cite ses propres sources. 
  • Comment ? Contenu : la source idéale argumente et justifie ce qu’elle avance, les informations sont précises. Elle est facilement accessible et compréhensible pour le public visé. 
  • Quand ? Actualité : la source idéale est datée, elle donne des informations à jour et pertinentes dans le contexte actuel. 


Si on revient à notre exercice pratique, un compte qui fait la promotion des bars et des soirées n’est clairement pas la meilleure source pour s’informer objectivement sur la consommation d’alcool. Le post est un carrousel de quelques slides aux couleurs flashy. Le contenu est écrit sur un ton sensationnaliste et les infos ne sont pas très précises. Ah tiens, à la fin, un lien. Tu cliques. 

Remonter et croiser 

Une source peut en cacher une autre. Remonter l'information, c’est essayer de trouver son origine, aller au plus proche des faits. Des fois c’est possible, des fois non. 

Dans notre cas, le lien amène sur un article scientifique qui date de…1992. Pas très récent tout ça. Un article scientifique, c’est sérieux, mais les éléments cités plus haut te poussent à douter, alors tu continues ta quête de vérité. 

L’étape ultime quand on doute d’une info, c’est d’aller vérifier si on la trouve ailleurs, la croiser avec d’autres sources. 

Après une rapide recherche Google, tu te rends compte que l’info était en fait une infox. Les premiers articles de presse que tu trouves sur le sujet critiquent cette étude de 1992 qui présentait de nombreux biais. Des articles bien plus récents et solides le confirment depuis : l’alcool n’est pas bon pour la santé, même à petites doses ! 

Répéter 

Bravo, tu as fait preuve de curiosité et d’esprit critique face à une infox partagée par une source peu fiable. Maintenant que tu as toutes les cartes en main, tu peux répéter ce déroulé à chaque fois que tu doutes d’une information. 

Plus tu entraînes ton esprit critique dans différents contextes, plus tu acquiers des réflexes et tu aiguises ton regard sur les infos partagées. Au fil du temps, tu te crées un réseau de sources de confiance et tu identifies plus facilement celles dont il vaut mieux se méfier.

L’important c’est de progresser 

L’idée de ce guide n’est bien sûr pas de douter de tout mais de s'entraîner à avoir de bonnes pratiques informationnelles. 

La clé de l’esprit critique reste avant tout la curiosité et la diversité des sources d'information qu’on consulte. Des fois, on se trompe et c’est bien normal, on est humain. L’important est d’arriver à se remettre en question et d’avoir les bons outils pour le faire. Chiche ?

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