Comprendre le féminisme intersectionnel en 4 étapes

Comprendre le féminisme intersectionnel en 4 étapes

C’est quoi le féminisme intersectionnel dont vous avez récemment appris l’existence ? On vous explique tout.
14 March 2024
par Aurore Le Bihan
3 minutes de lecture

Le féminisme intersectionnel, encore un concept woke qui veut bousculer l’ordre patriarcal bien établi ? Alors que le féminisme commence à franchir le plafond de verre médiatique et à recevoir l’adhésion de la société, le féminisme intersectionnel est moins connu et moins consensuel. On vous explique en 4 points en quoi il consiste ?

1. Le féminisme inter-quoi ?


Le féminisme intersectionnel est un courant du féminisme qui prend en compte les différentes formes de discrimination et d'oppression qui peuvent se croiser et se renforcer dans la vie des femmes. Car oui, n’en déplaise à certains, il n’y pas une Femme, mais des femmes qui ne forment pas un groupe homogène, mais qui sont différentes par leur classe, leur race, leur orientation sexuelle, leur religion, leur handicap, leur âge, etc. Ces différences créent des inégalités et des rapports de pouvoir spécifiques entre les femmes et… les femmes.

Dans les faits, une femme noire d’une classe sociale défavorisée ne subit pas les mêmes discriminations qu’une femme blanche d’un milieu bourgeoise. Elle a plus de chance d’être victime à la fois de sexisme et de racisme, ce qui limite ses opportunités et ses droits, l’accès au logement, à l’emploi, etc.

Le féminisme intersectionnel met donc l’accent sur les systèmes de domination : on est tous dominé ou dominant selon notre place dans la société. Et c’est réversible. Quand on est dominé, on peut aussi devenir dominant. Prendre conscience de cette mécanique entre dominant/dominé permet de se rendre compte des privilèges qui peuvent nous constituer.

Kimberlé Crenshaw - TedX : L'urgence de l'intersectionnalité


2.  D’où ça vient ? 35 ans d’existence !


Le terme d'intersectionnalité a été inventé par l’Américaine Kimberlé Crenshaw en 1989 dans un article qui analysait la situation des femmes noires victimes de violences conjugales. La juriste afroféministe a montré que ces femmes étaient invisibilisées par le système judiciaire, qui ne prenait pas en compte leur double appartenance de genre et de race. Et que dans ce contexte, les femmes noires subissaient des peines plus lourdes que les femmes blanches.

Depuis, le concept d'intersectionnalité a été repris et développé par de nombreuses chercheuses et militantes féministes, notamment aux États-Unis, au Canada, en France et dans d'autres pays. Parmi les autrices les plus connues, on peut citer bell hooks, Angela Davis, Patricia Hill Collins, Audre Lorde, Gloria Anzaldúa ou encore Elsa Dorlin, Fatima Ouassak et Rokaya Diallo en France. 


3. En quoi le féminisme intersectionnel est-il différent du féminisme dit universaliste ? 


Le féminisme intersectionnel propose une analyse  fine et complexe des réalités vécues par les femmes, en tenant compte de leur diversité et de leur singularité. Il reconnaît que les femmes peuvent être à la fois opprimées et privilégiées selon les contextes et les situations. Il invite à déconstruire les stéréotypes et les préjugés qui assignent les femmes à des rôles ou des identités fixes. Il défend une vision inclusive et plurielle du féminisme, qui respecte la diversité des voix et des parcours des femmes.

Le féminisme universaliste quant à lui part du principe que les femmes constituent un groupe plus homogène et subissent les mêmes types de discriminations. Il parle de “LA” femme, et non “DES” femmes. Ce mouvement est critiqué en partie car il porte la parole de femmes blanches privilégiées qui peuvent avoir un angle mort sur les discriminations que d’autres femmes n’étant pas de leur milieu social ou de leur race peuvent subir. 


4. Approfondir sa connaissance sur le féminisme intersectionnel


  • Si on a 5 minutes

Cette vidéo Youtube de l’américaine Akilah Obviously qui utilise la métaphore de la pizza pour expliquer l’intersectionnalité.

Cette interview Mediapart avec l’avocate algérienne Wassyla Tamzali et l’historienne française Michelle Perrot 

  • Si on a 1 heure

La biographie d’Audre Lorde, poète guerrière pionnière du féminisme intersectionnel sur France Culture.

Cet épisode de La Poudre avec Vandana Shiva, écoféministe indienne qui parle de la convergence des luttes féministes et de l’importance d’unir ses forces.

  • Si on a 4 heures 

L’essai Ne-suis je pas une femme ? de bell hooks aux éditions Cambourakis. bell hooks décrit dans ce livre paru en 1981 aux États-Unis les processus de marginalisation des femmes noires. Elle livre une critique sans concession des féminismes blancs, des mouvements noirs de ­libération, et de leur difficulté à prendre en compte les oppressions croisées. Une vidéo Youtube de 20 minutes de la chaîne Méta (rien à voir avec le réseau social) retrace également la vie de cette autrice qui a marqué l’histoire.

L’essai Pour l'intersectionnalité par Éléonore Lépinard et Sarah Mazouz, aux éditions Anamosa est un ouvrage court et synthétique écrit par deux sociologues qui explorent le concept d’intersectionnalité. Elles rappellent l’histoire du concept, font une critique de l’universalisme abstrait et s’essaient à une déconstruction des essentialismes.