Projetons-nous. 24 décembre, soir du réveillon. La famille se retrouve autour d’une grande tablée. C’est l’occasion de revoir cette petite cousine super cool, cette tante un peu rebelle, mais aussi et surtout... De subir les remarques sexistes et un brin arriérées d’André, aka « Tonton Dédé ». Pour que l’année prochaine on puisse espérer un peu de mieux dans son attitude et sa considération de la femme, voici quelques BD et romans graphiques féministes à lui glisser sous le sapin. Oui Tonton, ne t’en fais pas, y’a des images. C’est le principe.
« T’es trop ci, t’es trop ça »
« Va falloir te remplumer un peu, t’es trop maigre ! » une année, puis « Eh bah, l’amour ça fait grossir, c’est pas un mythe ! », l’année suivante. Merci Tonton Dédé pour ces belles interventions, mais puisqu’il faut enfoncer des portes ouvertes : mon corps ne te regarde pas. Au-delà du caractère bien déplacé de ces remarques, elles peuvent aussi alimenter un vase qu’on aimerait ne jamais avoir rempli : celui des troubles du comportement alimentaire (TCA). C’est dans ce tourbillon infernal que sombre Miss, personnage principal de l’œuvre Manger, d'Éléonore Marchal. Cet ouvrage plein de poésie et de couleurs aborde, sans tabou, et dans une sincérité fascinante, le difficile quotidien de celles (et ceux) qui y sont confrontés.
En parlant de remarques sur le physique, Tonton Dédé n’a pas manqué de souligner ces aisselles pas parfaitement épilées qui font « cracra pour une femme ». Tonton n’est pas étonné, puisque pour lui, « Les féministes, ce sont des hystériques - mot à rayer de son vocabulaire - qui laissent pousser leurs poils à tout-va ». Oui, Tonton a encore un peu de route à faire. Mais puisqu’il a envie de parler femmes et poils, c’est ce qu’on va faire ! Dans La haine du poil, Juliette Mancini, Sara Piazza et Alexia Chandon-Piazza abordent la symbolique de la pilosité chez les femmes, et la difficulté à s’affranchir de tous les tabous qui vont avec notre toison féminine. Une BD à rebrousse-poil des diktats de la société, dans laquelle on se poile tout en reprenant du poil de la bête.
Pour parler corps et regard des autres, on vous conseille aussi Ne jamais couler de Marie de Brauer et Lucy Macaroni. Marie y raconte l’injustice qu’elle subit au quotidien en raison de son poids et de la discrimination constante qu’entraine la grossophobie.
« T’as entendu parler de l’horloge biologique ? »
« Alors, le bébé, t’attends quoi ? Tic tac l’horloge ma grande ! ». Ah bah oui, il fallait bien qu’elle revienne une nouvelle fois, cette injonction à la maternité ! Depuis qu’on a une vingtaine d'années, c’est la même rengaine. Comme si c’était cette phrase de notre oncle qui allait nous donner des envies de bambins. Écoute Tonton... Petit 1 : peut-être que je n'en veux pas, et que la société me confronte déjà suffisamment à des situations culpabilisantes et méprisantes quand j’exprime ce choix, comme le racontent si bien les 8 témoignages dans Et toi, t’en veux des mômes ? de Laura Boit et Nade. Petit 2 : peut-être que je ne peux pas en avoir. Dans ce cas, je suis peut-être déjà engagée dans un parcours de combattante éreintant, pour espérer, un jour, pouvoir porter mon enfant. Pour se rendre compte de ce que ces combats contre l’infertilité veulent dire, Marie Dubois nous plonge dans la réalité des parcours PMA et des FIV avec Un bébé si je peux. Entre témoignage intime et enquête journalistique, l’objectif reste le même : briser le tabou.
En bref, Tonton, mon utérus n’a pas à te rendre de compte. Même le soir de Noël.
Sur le choix de la non-maternité, il y a aussi le thème de l’IVG. Dans Il fallait que vous le dise, Aude Mermilliod rompt le silence autour de ce choix qui n’en reste pas moins difficile à vivre.
Et hop, la blague lourdingue
Généralement, après cette parenthèse procréative, tonton se met à ricaner et à alpaguer votre moitié en lui disant « Eh bah, j’espère au moins que vous vous entraînez un peu, hein ! », avant de laisser sortir ce rire grossier qui donne la chair de poule. Évidemment, il ne se permet cette réflexion que dans le cadre d’un couple hétérosexuel, en s’adressant à l’homme. Non parce que pour lui, « Une femme qui parle de sexe, ça fait mauvais genre ». Une seule chose à faire : lui offrir L’histoire d’une huitre, ou comment j’ai failli rater ma vie sexuelle de Cargo Cualli.
Avec justesse et simplicité, elle parle d’exploration et de découverte d’un corps qui change de l’adolescence à l’âge adulte. On y parle désirs, peurs, appréhensions, mais aussi dysmorphophobie, endométriose, asexualité, ou vaginisme. Tonton André, la prochaine fois que tu oseras dire que « Une femme qui parle de sexe, ça fait mauvais genre », relie ce bouquin et rappelle-toi que « Une femme qui parle de sexe, c’est en réalité une femme qui lève des tabous et qui aide nos filles et nos sœurs à mieux comprendre tous les changements qu’induit le passage à l’âge adulte dans leur intimité ».
Pour aborder ces thématiques, on vous conseille aussi :
- Impénétrable d’Alix Garin, qui se livre à cœur ouvert pour raconter son voyage dans le flou des troubles de la sexualité.
- Coquelicot de Fanny Vella, qui explore lui aussi la complexité de voir son corps changer, la difficulté de comprendre ses désirs, et les douleurs sexuelles trop peu documentées. Le tout, avec poésie.
- Corps Vivante de Julie Delporte, pour parler à fois des violences, malheureusement trop banalisées, des agressions sexuelles. Mais aussi, de la recherche de sa sexualité et de la découverte de son homosexualité.
Des romans graphiques féministes d’utilité publique, il y en a encore des tas ! Quelques idées supplémentaires de titres à glisser dans votre liste au Père Noël (ou à la Mère Noël, d’ailleurs) : Meuf, guide pour nos filles de Marie Dubois qui explore de manière ultra-complète toutes les étapes que traversent les femmes de l’enfance à l’âge adulte ; Les Culottés (Tome 1 & 2) de Pénélope Bagieu pour (re)découvrir des profils de femmes super badass ; Tous les ouvrages féministes de Liv Strömquist ; ou encore Femme, vie, liberté de Marjane Satrapi, qui parlent de la condition des femmes Iraniennes et des élans de luttes féministes qui se soulèvent depuis le féminicide de Mahsa Amini, en 2022.
Jingle bell rock... And women too !