La langue française est une langue particulièrement riche en expressions. Parmi elles, il y en a une bonne pelletée qui sont sexistes, et parfois : on ne le savait même pas. Petit tour d’horizon de ces expressions à ranger au placard. Puis à sortir du placard, pour les mettre à la poubelle. D’ailleurs, on pense à faire le tri, et à choisir la poubelle tout venant, les expressions de ce genre ne se recyclant sous aucun prétexte !
« Être hystérique »
Pour désigner une personne en colère, ou dont les émotions sont fortes, certains diront qu’elle est « hystérique ». Un mot à rayer de son vocabulaire, puisqu’il est à la fois discriminant, stigmatisant et patriarcal. En effet, « hystérie » prend son origine dans le mot grec « hystéron », qui se rapporte à « l’utérus ». Dans la Grèce classique, Hippocrate, pionnier de la médecine, conclut dans sa théorie des humeurs que « toute la femme réside dans l’utérus », et donc, que ses variations d’humeur y sont intrinsèquement liées. Par définition originelle, « l’hystérie » désigne donc une forme de folie liée à l’utérus, et réduit la santé de la femme à son appareil reproducteur.
SPOILER : c’est faux, scientifiquement irrecevable, patriarcal, toxique et dénué de sens. Allez hop, on laisse ce vilain mot aux oubliettes.
On préférera utiliser : « être en colère », « être émotionnel(le) », « être déchaîné(e) », « être survolté(e) ».
« Avoir des couilles »
Qui signifie « être courageux/courageuse ». Oh, mais serions-nous ici encore en train de réduire un trait de personnalité à un appareil génital ? Comme c’est original ! Évidemment, ledit trait de personnalité étant un adjectif positif, il est réduit au matériel de l’homme, et non pas de la femme. Dans tous les cas, notez que le courage, à l’inverse des spermatozoïdes, ne s’établit pas dans les bourses de l’homme. Cette expression est d’ailleurs également sexiste dans l’autre sens. Un homme sans courage peut encore posséder tout son attirail, et un homme courageux peut avoir eu à se séparer de ses grelots. Laissons donc ces attributs bien au chaud dans leur caleçon, et mettons ces expressions en ballotage. Évidemment, cette analyse marche aussi avec « C’est une femme qui en a ! »
On préférera utiliser : « être courageux / courageuse ». Oui, parfois, il faut faire simple.
« Elle est indisposée »
Traduisez « Elle a ses règles ». « Indisposée » vient du latin indispositus : « mal ordonné, confus ». Être « indisposée », finalement c’est « être malade ». Or, non, les règles, c’est pas une maladie. Ensuite, « être indisposée » fait partie des nombreuses expressions qui participe à euphémiser, presque infantiliser, et jeter un tabou sur les menstruations. Or, SPOILER 2, les règles, c’est pas la honte, c’est un processus naturel qui ne devrait en aucun cas nous mettre dans l’embarras.
Quitte à faire un petit point sur les menstruations, on en profite aussi pour se dire qu’on arrête définitivement avec la question lourde du style « T’es chiante, t’as tes règles ou quoi ? ». Même si la douleur, la fatigue et le stress lié à cette période du mois peuvent nous rendre davantage irritables, ce n’est pas drôle. Pire, ça peut être particulièrement blessant pour celles qui n’ont pas ou plus leurs règles, pour des questions d’âge ou de santé. Dans tous les cas, l’humeur ne se résume pas et ne s’explique pas par l’activité de notre utérus, une nouvelle fois.
On préférera utiliser : « règles » ou « menstruations ». Quitte à appeler un(e) chat(tte) « un(e) chat(te) », appelons les règles "les règles ».
« C’est un garçon manqué »
Se dit d’une jeune fille ou d’une enfant qui n’obéit pas aux stigmatisations de genre. « Olalala, Chloé porte des sweats à capuche, grimpe aux arbres et n’aime pas les poupées... C’est un garçon manqué ». On se calme Catherine, Chloé est une enfant comme les autres.
Pour commencer, accoler le mot « manqué », synonyme de « râté » à un enfant ou une personne, c’est d’une violence sans nom. Ensuite, cette expression véhicule l’idée qu’il y aurait des « vraies filles » et des « vrais garçons », ce qui ne veut pourtant absolument rien dire. En gros, en deux mots, on renvoie à tous les clichés de genre, tout en insufflant un sentiment de honte et d’infériorité à une jeune personne. Ça ne vaut pas le coup.
Dans la même veine, « t’es une femmelette ou quoi ? » est à rayer de son vocabulaire. Premièrement, parce qu’un homme a le droit d’être sensible, de pleurer, d’être moins musclé ou de ne pas obéir à tous les stéréotypes qui lui sont collés sans qu’on soit obligé de le souligner, et ensuite.... ÊTRE UNE FEMME N’EST PAS UNE INSULTE. Idem pour « fillette », « gonzesse ».
La seule « homelette » qui existe, c’est celle qui cuit dans la poêle quand on a battu les œufs. C’est tout.
On préféra dire : rien. Laissons les gens s’habiller, s’exprimer, ressentir et faire ce qu’ils veulent sans essayer de tout genrer.
« Mademoiselle »
« Olalalala mais on peut plus rien dire aujourd’hui ! » s’agace tonton Roger. Eh oui tonton, quand on demandait aux femmes de choisir entre « madame » ou « mademoiselle », on les obligeait à indiquer publiquement leur disponibilité amoureuse et sexuelle en public. Puisque pour les hommes, il n’a jamais été question d’une chose pareille, ne nous offusquons pas qu’on arrête enfin de le demander aux femmes.
On préférera dire : « Madame ».
Évidemment, on oublie également « fée du logis », « chef de famille », « école maternelle », «bonne à marier », « mal baisée », « C’est bien... Pour une fille ! », « Il faut souffrir pour être belle », « t’es pas un peu blonde toi ? »... Oui, il y en a encore beaucoup à déconstruire !