Quand les agriculteurs prennent du champ

Quand les agriculteurs prennent du champ

Et si des entrepreneurs et entrepreneuses aidaient le monde agricole à transitionner ? Petit tour des popotes pour voir ce qu'on mijote pour nos assiettes de demain.
01 March 2024
par Paloma Baumgartner
7 minutes de lecture

Tous les regards se tournent vers l’agriculture, et il était temps. Temps de valoriser le travail des agriculteurs et agricultrices, temps de repenser notre manière de consommer, de s’alimenter, de vivre en harmonie avec le vivant. À quoi ressemblera l’agriculture de demain, bonne pour nos assiettes comme pour la planète ? On a demandé à 4 porteurs de projets de nous projeter au bout du champ, là où l'avenir a commencé à pousser.


Hectarea, l’argent pousse dans les champs


Voilà la bonne idée : faire fructifier son argent dans la terre qui nous nourrit. C’est le parti d’Hectarea.io. D’un côté, les particuliers apportent des capitaux aux agriculteurs, épargnent de façon rentable ; de l’autre, les agriculteurs accèdent plus facilement à la terre ou financent leur transition écologique. On a demandé à Paul Rodrigues, cofondateur, de nous partager sa vision. 


Ton déclic sur le besoin d’agir dans l’agriculture, c’était quoi ?


J'ai grandi dans une exploitation agricole dans le Bordelais et j'ai toujours voulu revenir à ce secteur. Après une première partie de carrière en finance, je voulais entreprendre et travailler dans le milieu agricole. La rencontre de mon associé Adime Amoukou a précipité mon retour dans le monde agricole. Lui aussi fils d'agronome voulait y revenir et avec la naissance de son fils, il a eu un déclic. C'était le bon moment.


Un secteur agricole en bonne santé, ça ressemble à quoi ?


Nous prenons tous conscience que l'alimentation doit être un des premiers postes de nos dépenses personnelles et nous remettons l'agriculture au centre de nos vies en consommant local, en cuisinant des produits bruts et en inculquant ces valeurs dès l'école avec des cours dédiés, comme on peut l'avoir pour la musique au collège. En 1930, le budget des ménages pour l'alimentation était de 30%, de nos jours c'est entre 5 et 10%...


Demain, tu rêves d’entendre un·e agriculteur·ice te dire :


Que notre apport via Hectarea a permis de faciliter son métier et a été crucial dans le développement de son exploitation et l'obtention d'une rémunération juste.


2050, tu cuisines pour tes amis, qu’est-ce que tu mets dans ton assiette ?


Des produits français, de saison et cultivés selon des pratiques durables avec un respect de la terre et un respect du cheptel.


Le petit geste citoyen qui en dit long ?


Ne plus faire ses courses en grande distribution classique et acheter uniquement des produits de saison dont on connaît la provenance et cultivés en agriculture raisonnée. Cela permet aux agriculteurs et agricultrices de mieux financer leur production et de faire vivre les circuits courts de proximité.

ReSoil, préserver l’air dans la terre


Du carbone dans le sol et ça sauve la planète ! ReSoil aide les agriculteurs à financer leur transition bas-carbone en les mettant en relation avec des entreprises qui les soutiennent financièrement, via l'achat de crédits carbone certifiés. On a demandé à Grégoire Alston, co-fondateur, de nous partager sa vision des choses.


Ton déclic sur le besoin d’agir dans l’agriculture ? 


Ça a été le jour où j'ai compris les ordres de grandeur. Je suis quelqu'un de très rationnel et quand j'ai découvert l'impact de l'agriculture sur le climat (19% des émissions de gaz à effet de serre de la France, 25% au niveau mondial), en même temps que le potentiel inexploité de stockage de carbone dans le sol (21 millions de tonnes de CO2 par an en France), j'ai compris qu'il y avait un problème, et surtout des solutions. Quand on sait que près d'1 agriculteur sur 5 en France vit sous le seuil de pauvreté, il faut les aider à accélérer la transition agricole, à la fois pour mieux valoriser l'agriculture et pour notre bien commun.


Un secteur agricole en bonne santé, ça ressemble à quoi ? 


Ça ressemble à un secteur qui représente bien plus que 2% du PIB français comme aujourd'hui. C'est accepter de payer un peu plus cher, et surtout de mieux répartir la valeur dans la filière, pour donner naissance à une agriculture avec des cultures plus diversifiées : il faut par exemple créer une vraie filière légumineuses, qui est bonne pour le climat et pour notre santé (les lentilles c'est délicieux !). Un secteur agricole en bonne santé utilise plus d'engrais organiques et moins d'engrais de synthèse pour plus de circularité, avec des fermes moins spécialisées et plus de polyculture-élevage. La déspécialisation redonnera de l'intérêt et de l'attrait au métier d'agriculteur, à une époque où la moitié d'entre eux partira à la retraite dans les prochaines années en France. En fait, c'est le moment ou jamais de repartir sur des bases saines. Enfin, pour que le secteur agricole soit en bonne santé, il doit devenir une priorité pour tous et être un minimum protégé : on ne peut pas accepter d'importer des produits issus de pratiques agricoles interdites en France... Les règles du jeu doivent être justes.


Demain, tu rêves d’entendre un·e agriculteur·ice te dire :


Ma ferme émet 2 fois moins de GES qu'il y a 5 ans et stocke 2 fois plus de carbone dans ses sols. Le tout en étant beaucoup plus autonome, moins dépendante d'intrants extérieurs !


2050, tu fais à manger pour tes amis, qu’est-ce que tu mets dans ton assiette ? 


Un dahl de lentilles corail (françaises !). Avec un très bon fromage bien sûr. 


Le petit geste citoyen qui en dit long ? 


Acheter des produits locaux et privilégier les labels reconnus (Label Rouge, Agriculture Biologique). Encouragez les agriculteurs qui agissent déjà !

PourDemain, aider les agriculteurs aujourd’hui


PourDemain aide les agriculteurs à se convertir au bio puis à en vivre dignement ! Leur gamme de produits pas (encore) bio rétribue justement les producteurs durant cette difficile période de transition vers le bio. Cela permet à chaque agriculteur de produire durablement tout en rendant chaque citoyen acteur d'un modèle de consommation bénéfique à tous. La parole à Maxime Durand, cofondateur du projet. 


Ton déclic sur le besoin d’agir dans l’agriculture ?


On a la capacité de changer le monde 3 fois par jour avec nos repas (et même plus pour les gourmands). Cela ne dépend que de quelques choix alimentaires : en adaptant son alimentation, nous pouvons avoir un superbe impact et à un prix comparable en gaspillant moins et en achetant moins de viande... On commence quand ?


Un secteur agricole en bonne santé, ça ressemble à quoi ?


Des agriculteurs bien payés et en bonne santé. Des terres riches en biodiversité et fertiles qui captent du carbone. Des produits savoureux, sains et cultivés avec amour. Basique. Simple.


Demain, tu rêves d’entendre un·e agriculteur·ice te dire : “…”


Je suis heureux·se de faire mon métier. Je travaille dur mais on me rémunère justement et j'ai l'impression de faire le bien au quotidien.


2050, tu fais à manger pour tes amis, qu’est-ce que tu mets dans ton assiette ?


Rien de bien compliqué : des légumineuses françaises, des petites pâtes, un peu de fromage et beaucoup de légumes. Le tout provenant de producteurs en bio et pratiquant la conservation des sols. Sain, cultivé proche de chez nous et peu émetteur en carbone ! Et si c'est avec des amis, probablement une petite bière quand même... On est Lillois malgré tout.


Le petit geste citoyen qui en dit long ?


Limiter sa consommation de viande... C’est un geste peu contraignant, moins cher, meilleur pour la santé et pour l'environnement. Même si cela n'empêche pas les petits plaisirs à l'occasion.

Simple comme bonjour, cqfd


Casse-tête de trouver des produits laitiers en s’assurant de manger sain, local et bio ? C’est la promesse de Simple comme bonjour, qui cherche à relancer l’attractivité du métier d'éleveur laitier en valorisant des pratiques saines et durables. Pour accompagner cette transition, Simple comme bonjour propose aux agriculteurs un matériel et un réseau de distribution en misant sur un produit phare, le yaourt ! On a demandé à Christophe Audoin de nous partager sa vision du secteur. 


Ton déclic sur le besoin d’agir dans l’agriculture ?


J’ai eu un témoignage qui m’a beaucoup marqué il y a 15 ans de la part d’un patron américain qui a monté une entreprise de yaourt bio. Il m’a raconté son propre déclic, qui est devenu le mien : un jour il a réalisé que les agriculteurs en conventionnel, en rentrant du travail et des champs, étaient obligés de passer par un SAS pour se décontaminer, avant de pouvoir embrasser leurs enfants en fin de journée. Le premier impact de l’usage des pesticides est avant tout sur la santé des hommes et femmes qui travaillent. On en parle trop peu.


Un secteur agricole en bonne santé, ça ressemble à quoi ?


Ce sont des agriculteurs et agricultrices qui peuvent mettre en place des démarches de progrès en allant vers des modèles de cultures biologiques, pour éviter de se rendre malades et proposer des produits sains aux consommateurs, et tout en étant bien rémunérés pour ce qu’ils font. Pour cela, il faut encadrer pour faire de la place à une contractualisation équitable. Souvent, on a soit la rémunération, soit la bonne santé et la durabilité. Il faut les deux. 


Demain, tu rêves d’entendre un·e agriculteur·ice te dire :


C’est génial, on a enfin redonné à l’alimentation sa vraie place de l’alimentation dans la société, en lui accordant la place médiatique et la valeur qui lui correspond. On a réussi à mieux payer tout le monde, en travaillant dans de meilleures conditions.


2050, tu fais à manger pour tes amis, qu’est-ce que tu mets dans ton assiette ?


Pour le quotidien, je mettrais des plantes, peut-être moins consommées aujourd’hui, car on sera sur une alimentation très végétale. Pour des moments de célébration : quelques produits d'origine animale (comme un magnifique plateau de fromage, une très belle viande) qui auront leur place à ce moment-là, en tant que produits de qualité consommés dans des moments exceptionnels. 


Le petit geste citoyen qui en dit long ?


Manger bio car même si ce n’est pas un modèle parfait, c’est le modèle le plus abouti, donc il faut l’encourager. Deuxième geste : apprendre à jardiner soi-même et en transmettant aux autres, notamment aux nouvelles générations, pour se réapproprier ces pratiques agricoles et alimentaires.