El Niño, top 10 des choses à savoir sur l’anti-héros de 2023

El Niño, top 10 des choses à savoir sur l’anti-héros de 2023

Si tu ne connais rien au phénomène climatique qu'est Niño, on te donne ici les 10 grandes infos à l’aide de 10 petits chiffres.
20 September 2023
par Vianney Louvet
6 minutes de lecture

On dirait le nom d’une nouvelle série Netflix de qualité moyenne où tu sais que le truc va mal finir. El Niño est un phénomène climatique dont on entend parler régulièrement et rarement pour des raisons réjouissantes. Si tu ne connais rien à ce truc, on te donne ici les 10 grandes infos à l’aide de 10 petits chiffres.

Petit 1, pourquoi El Niño s’appelle-t-il El Niño ?

El Niño est un phénomène climatique saisonnier, c’est-à-dire qu’il revient chaque année et notamment autour de Noël, où il atteint son apogée. Son nom fait référence à ce bon vieux Jésus, à l’enfant Jésus.

D’ailleurs, la chanteuse Angèle s’appelle Angèle, mais son prénom complet, c’est Angèle Van Laeken. Et bien pour El Niño, son prénom complet c’est « El Niño-oscillation australe ». Ses potes avec qui il joue au foot le mercredi aprèm l’appellent ENSO.

Petit 2, définir El Niño avec tact pendant un dîner

Tu as déjà galéré à raconter El Niño entre la poire et le fromage ? Voici un mini résumé tous terrains. En deux mots, El Niño est un phénomène météorologique qui se produit périodiquement (genre tous les 2 à 7 ans), réchauffe les eaux de surface de l’océan dans la région équatoriale, ce a des répercussions à l’échelle mondiale.

Dans un monde normal, les eaux Pacifique sont plus chaudes à l’ouest qu’à l’est. Cette différence de température, et donc de pression dans l’atmosphère, contribue à la formation de vents, les Alizés. Et plus ça souffle (des côtes de l’Amérique du sud en direction de l’Indonésie donc), plus l’eau froide remonte le long des côtes péruviennes, l’écart de température est maintenu, le système s’auto-entretient, tout baigne.

Si un petit El Niño s’invite à la fête, cela donne lieu à une suite d’évènements inhabituels :

-         Les Alizés s’affaiblissent

-         L'océan Pacifique le long des côtes de l'Amérique du Sud et centrale se réchauffe donc plus vite que d'habitude, puisque les remontées d’eau froide s’interrompent.

-         L’absence de ces eaux froides, véritable « climatiseur de la planète » - mots empruntés à Jérôme Vialard, climatologue et chercheur à l’IRD – a pour conséquence directe le réchauffement de l’atmosphère, à l’échelle locale et planétaire.

-         Avec ce réchauffement, des petites zones de basse pression se forment dans l'atmosphère.

-         Cette modification des systèmes de pression entraîne des pluies abondantes et plus d’orages notamment sur la côte ouest du continent américain.

© Louise Allain / Reporterre

© Louise Allain / Reporterre

Petit 3, si El Niño pète de travers ça change quoi ?

Beaucoup trop de choses.

Si ce monsieur décide subitement de changer de vie et de tout plaquer, les quatre coins de la planète en ressentent les effets. En 2015 et début 2016, El Niño s’est légèrement modifié. C’est un fait, les dérèglements climatiques actuels entraînent un réchauffement rapide de notre planète mais quand en plus celui-ci est doublé d’un événement El Niño particulièrement fort, comme en 2016, alors tout dérape :

-         En Amazonie, les forêts noircissent. La diminution des précipitations en Amazonie pendant la saison humide et une saison sèche record ont fait exploser le risque d’incendie.

-         En Océanie, les coraux blanchissent. Plus 2016 avançait, plus les océans se sont réchauffés, plus la Grande Barrière de Corail (au large de l’Australie, des îles Fidji et jusqu’à Hawaï), ont commencé à être malades et à blanchir, et dans certains cas à mourir.

-         En Asie du Sud-Est, les humains perdent leur couleur. Une étude, publiée en 2015 dans la revue de l’Académie des sciences des États-Unis prouve également le lien entre El Niño et les épidémies de dengue en Asie du Sud-Est

-         Partout, la carte rougit. Cette période de douze mois (2015/2016) a été la plus chaude jamais enregistrée.

Petit 4,  vous pouvez faire une pause dans cet article

Et aller danser nu dans un champ de coquelicots par exemple.

Petit 5, El Niño, surtout pas qu’une histoire de climat

Je continue les anecdotes, même si je sens que l’ambiance est en train de s’alourdir.

Comme souvent, tout ce qui touche au climat a très vite des répercussions économico-socialo-politiques. Prenons l’exemple d’un pays au cœur de la zone de turbulence, le Pérou. El Niño version 1972-1973, ce sont les océans qui grillent, notamment au large de ses côtes. Sans apport d’eaux froides riches en nutriments, le plancton est décimé entraînant dans sa chute les petits poissons qui en dépendent et notamment l’anchois dont l’industrie est essentielle pour tout le pays.

El Niño version 1997-1998, ce sont des déluges si forts que des villages entiers ont glissé sur les flancs des montagnes, causant plus de 3,5 milliards de dollars de dommages à l’échelle nationale.

Petit 6, ça veut dire quoi « c’est une année El Niño » ?

Ça veut dire que c’est une année qui aura tendance à être plus chaude et qui a de forte chance de cacher des sales surprises météorologiques, sales dans le sens dramatiques, tout au long de l’année. D’autres questions ?

LCI

Petit 7, La Niña, ça existe aussi

On ne prend pas les mêmes, et on recommence. La Niña, c’est la phase opposée d’El Niño. Elle provoque un refroidissement à grande échelle des températures de surface et entraîne une sécheresse persistante dans la Corne de l'Afrique et dans une grande partie de l'Amérique du Sud. La bande de chaleur et de pluie basculant de l'autre côté de l'océan, amène à l'Australie, l'Indonésie et l'Asie du Sud-Est plus d’humidité et de températures élevées.

Petit 8, El Niño y La Niña dans la boule de cristal

Le futur ? La meilleure réponse est de ne pas se risquer à en donner. Ces phénomènes existent depuis plusieurs milliers d’années et nous savons dire qu’ils persisteront dans le futur. Là où les choses sont moins claires pour les scientifiques, c’est quand il s’agit de parler de la suite. Certains modèles climatiques prévoient que le cycle s'intensifiera à mesure que la planète se réchauffera, à savoir El Niño qui devient plus chaud et humide quand La Niña, elle, devient plus sec. Des modifications qui auront des effets énormes sur nos vies. Mais ce ne sont que des hypothèses. Et les conséquences de nos folies émettrices de gaz à effet de serre sont encore difficiles à déterminer également. Éric Guilyardi, océanographe et climatologue au CNRS le confirme « les interactions d’El Niño avec un climat qui change demandent encore de la recherche ».

Petit 9, le monstre des étés qui arrivent

Rappelons une première chose. L'année 2022 se classe à la première place des années les plus chaudes en France, très loin devant le record de 2020. À cela, ajoutons qu’elle est la deuxième année la plus sèche de notre histoire. Et maintenant lisez la suite en vous accrochant bien à vos pluviomètres.

À très court terme, le retour annoncé cette année d'El Niño est source de grandes inquiétudes chez les climatologues. En effet depuis trois ans, et ces années donc caniculaires, nous traversons les courants « froids », supposément froids, de La Niña. Et à partir des mois qui arrivent, ou de 2024, un courant chaud El Niño pourrait être observé. Selon l’Organisation météorologique mondiale (OMM), la probabilité que ce phénomène météorologique se développe d’ici fin juillet est de 60 %, et même de 80 % d’ici fin septembre. Sous l’effet conjoint d’El Niño et du réchauffement climatique, la hausse de la température globale pourrait selon certains scientifiques être supérieure d’1,5 °C à la période pré-industrielle avec de nombreux effets sur les écosystèmes (et notamment la mort du plancton, point de départ de toute l'activité biologique de la mer, à la base de toutes les chaînes alimentaires aquatiques).

La venue d’un probable El Nino 2024 est en tout cas guettée tous azimuts par les scientifiques, notamment par le NOAA, National Oceanic and Atmospheric Administration. Dès qu’on se balade sur son site on trouve des gros titres en rouge de ce type : “ ENSO Alert System Status: El Niño Advisory”

Terminons de décupler nos angoisses proprement : dans le contexte du réchauffement climatique, « même un El Niño riquiqui (…) devrait être suffisant pour atteindre un record de température globale » l’année prochaine. C’est en tout cas ce que disent les climatologues James Hansen, Makiko Sato et Reto Ruedy, de l’université Columbia.

Petit 10, une information pour Pascal Praud

Cher Pascal, Lauriane Batté, climatologue à Météo France t’adresse ce message simple et tendre. Les vagues de froid ou de chaleur, les tempêtes ne sont pas à imputer à nos Niños. Ce serait trop facile et cela donnerait trop d’eau à ton moulin “Tout ça c’est naturel”. Les conséquences de nos actions et celle d’El Niño se superposent. "Les coupables, ce sont les émissions de gaz à effet de serre. Mais, voilà, la grosse chose qu'on cache derrière ces phénomènes, c'est que, c'est nous qui causons l'augmentation de la température globale de la Terre". Bien à toi.