Vesto - Revaloriser une économie de la fonctionnalité limitée

Vesto - Revaloriser une économie de la fonctionnalité limitée

Avec Bastien Rambaud, co-fondateur de Vesto.
24 July 2025
par Paloma Baumgartner
4 minutes de lecture

Vesto propose aux professionnels de la restauration du matériel haut de gamme reconditionné à des prix accessibles.

Vers une économie de la fonctionnalité

Dès le départ, Bastien et ses cofondateurs ont une thématique d’impact commune : la circularité, et notamment la seconde main. La réduction des déchets comme coeur de leur modèle, c’était une évidence. Bastien, qui était passé par un projet de conserverie dans les Yvelines, est un féru de cuisine. La restauration, ça le fascine. Alors pas de cauchemar en cuisine pour le matos abimé, c’est ainsiVque esto est né !

La proposition est simple. Chez Vesto, on remet en état et en service. Pas de brevets ni de technologies hyper développées. On fait.

Aujourd’hui, il y a justement un vrai enjeu à faire reconnaître la proposition de valeur du faire. Des clients leur disent parfois “Mais je pourrais le faire moi-même” et ils ont complètement raison, mais force est de constater qu’ils ne le font pas. Plutôt que de jeter ou d’acheter, il faut en effet apprendre à réparer. C’est moins cher et plus écolo. Mais comment on fait quand les ressources et le temps est limité ? Comment redynamiser une économie de la fonctionnalité ? Vesto fait émerger un nouveau métier aux savoir-faire anciens : les reconditionneur·ses.

Comment on fait ?

S’inscrire dans la circularité nécessite de renouer avec les compétences manuelles et industrielles. Prenons comme exemple l’histoire de l’industrie. Hier, pour monter une usine, on s’installait dans un village, on créait des relations avec la mairie, on formait les habitants et on faisait en sorte qu’ils souhaitent rester dans l’entreprise. L’ancrage territorial ne laissait pas la possibilité de faire autrement. Pour former leurs reconditionneur·ses, Vesto fait un choix similaire : l’équipe travaille directement avec le lycée professionnel du coin. L’entreprise accueille des jeunes en bac pro pour leur stage de seconde, première et terminale et les forme au métier du reconditionnement en parallèle des cours. En 2024, Vesto a accueilli sa première 'promotion complète' de salarié·es : des étudiant·es ayant effectué leurs trois stages au sein de l’entreprise. Un lien fort avec le lycée, qui permet d’assurer un vivier de nouvelles recrues sur le long terme.

Plus que l’opposition entre le neuf et le reconditionné, ce qui leur semble important chez Vesto, c’est le gap entre les produits conçus pour durer et ceux qui ne le sont pas. Leur objectif est de réduire l’impact de la production de matériel de restauration sur les ressources et donc de limiter la quantité de matériel neuf bas de gamme en circulation. Pour cela, ils ont tout simplement mis en visibilité les marques avec lesquelles ils travaillent et celles avec lesquelles ils ne travaillent pas. Le reconditionné permet donc aux fabricants de matériel haut de gamme conçu pour durer de tirer leur épingle du jeu devant l’émergence du low cost. Par ailleurs, les restaurateurs restent généralement fidèles à leurs fabricants de matériel. En leur donnant accès à du haut de gamme reconditionné, Vesto leur permet de tester ces équipements, augmentant ainsi les chances qu’ils se tournent vers les mêmes marques pour de futurs achats neufs

Respecter ses limites à tous les échelons

Savoir poser des limites pour Bastien va bien au-delà du respect des limites planétaires. Trouver la meilleure façon d’établir des limites acceptées et respectées n’a pas toujours été une évidence. Avant même de fonder Vesto, Bastien s’est fixé un seuil financier - de patrimoine personnel - à ne pas dépasser dans sa vie. Car le patrimoine financier peut rapidement devenir un ingrédient phare dans la motivation d’une vie entrepreneuriale. En se posant cette limite mentale, Bastien résout une dissonance cognitive, celle de savoir que les inégalités économiques nourrissent intrinsèquement la crise environnementale que nous traversons. Sans objectif de croissance financière, entreprendre redevient un jeu et une raison d’être sans contradiction interne entre ce qu’on défend et ce qu’on vit. Se poser des limites pour respecter celles de la planète et construire une économie sobre et fonctionnelle est un enjeu qui se joue à toutes les échelles.

Les conseils de Bastien à l’entrepreneur·se en devenir :

  • Il faut trouver un équilibre entre le succès de son projet et la redistribution de l’argent. Dans le cas de Vesto, on a d’un côté besoin de réduire les déchets de restauration et de l’autre un enjeu de ne pas concentrer les richesses. C’est assez facile en interne en proposant des salaires justes pour toutes et tous, mais c’est plus compliqué en externe. En faisant le choix de ne travailler qu’avec des acteurs haut de gamme, on concentre une partie de la richesse entre leurs mains.
  • Simplement assumer qui l’on est. Chez Vesto, on a d’abord tenté de faire de l’entrepreneuriat social avec les codes de l’entrepreneuriat, mais ça ne nous correspondait pas. Ce qui conditionnait nos décisions, c’était avant tout la notion de pouvoir : si on pouvait le faire, alors on le faisait. Aujourd’hui, les salariés ont envie de prendre leurs décisions aussi en fonction de ce qu’ils veulent. Par exemple, faire 12h de train pour aller à un salon au fin fond de l’Espagne car l’avion n’est volontairement pas une option. On l’a fait, mais la prochaine fois, Bastien affirme que les salariés diront simplement “Non, on n’a pas envie de faire 12 heures de train pour un congrès, ça ne nous semble pas justifié, et on n’ira pas”.
  • “Les gens sont imparfaits, et c’est ce qui les rend parfaits”, a dit Albert Moukheiber. On a trop tendance à vouloir lisser les choses et les gens, alors qu’on gagnerait tous à assumer nos bizarreries, et à donner du sens à nos imperfections. Alors faisons-le.

Pour aller plus loin

🎧 Se fixer des limites - Bastien Rambaud