Feve - Financer la transition grâce à des foncières solidaires

Feve - Financer la transition grâce à des foncières solidaires

Avec Vincent Kraus, cofondateur de FEVE.
24 July 2025
par Paloma Baumgartner
4 minutes de lecture

Fermes en Vie (FEVE) est une foncière solidaire créée en 2020 : elle achète des fermes via l’épargne citoyenne pour les louer à des jeunes agriculteurs bio et accélérer l’agroécologie 

FEVE, foncièrement engagée

D'ici 2030, un quart des agriculteurs et des agricultrices partira à la retraite. Avec un secteur de moins en moins rentable et une transition qui reste à faire pour proposer des pratiques plus vertueuses, durables, souveraines, travailler la terre est devenu cher et moins attractif. C’est pour cette raison que Vincent, Marc et Simon, tous ingénieurs de formation, ont décidé de construire de nouveaux modèles pour financer la transition agricole et alimentaire.

Pour financer la transition agroécologique, FEVE, dont le nom s’apparente à une légumineuse particulièrement utile à la régénération des sols, agit sur plusieurs leviers. Le premier est d’aider les porteurs de projets agricoles à financer l'acquisition de leur ferme via un mécanisme de location avec option d'achat.

Le deuxième levier est l’épargne citoyenne, collectée via des foncières solidaires, pour acquérir des fermes en agroécologie et les mettre à disposition de la nouvelle génération. Une manière de répartir le pouvoir et la richesse grâce à un système astucieux qui fait le lien entre celles et ceux qui nous nourrissent et les consommateurs.

Enfin, FEVE accompagne la transmission d'exploitations agricoles et facilite l'installation de fermes agroécologiques partout en France, grâce à un suivi particulier des agriculteurs et des agricultrices pour les faire monter en compétences.

Comment on fait ?

Pour mettre en place ces actions, FEVE a articulé un modèle d’activité, de structuration et de gouvernance assez unique.

D’abord, via un système de financement qui fonctionne à travers des foncières solidaires. Une foncière solidaire est une entreprise qui détient des biens immobiliers à des fins d’utilité sociale. Dans le cas de FEVE, les citoyens et citoyennes peuvent investir dans des terrains agricoles en versant leurs participations à la foncière. FEVE attribue ensuite les financements aux terres sélectionnées. C’est donc la foncière, et donc FEVE, qui loue ou achète les terres. À terme, les agriculteurs ont la possibilité de racheter la ferme à la foncière, non pas au prix du marché mais à la hauteur de toutes les participations avec intérêt, ou de continuer à la louer. Les citoyen·nes peuvent alors récupérer leur investissement avec un rendement attendu entre 2% et 4%.

Si la foncière finance, l’accompagnement se fait via la Grange, une plateforme d’accompagnement gratuite pour appuyer la montée en compétences des agriculteurs sur la transition écologique et la gestion économique des terres. Tout est digitalisé et les interventions sont notamment calées avec des associations paysannes locales. Aujourd’hui, 25 000 personnes sont inscrites sur la plateforme, potentiellement autant de futurs agriculteurs qui prendront la relève et auront des terres à financer.

Toute cette organisation repose sur les besoins du monde agricole et des personnes qui le financent. Le modèle de gouvernance de FEVE reflète la pluralité des acteurs, avec un comité de mission constitué d’agriculteurs, de salariés et d’investisseurs. Le comité de surveillance est quant à lui composé des investisseurs.

Tout est clair, documenté, transparents. Les retours des agriculteurs sont très positifs, les salariés sont engagés et ont un fort sentiment d’appartenance, les citoyens et institutionnels sont convaincus et il y a un fort taux de ré-investissement.

Partager le pouvoir… de conviction ?

Pour que le modèle fonctionne, il faut réussir à embarquer toutes les parties prenantes, sinon l’équilibre financier peut basculer. Pour convaincre les citoyen·nes d’investir dans un compte au rendement équivalent à celui d’un livret A, il faut trouver les bons arguments. À travers ses contenus, FEVE vulgarise le fonctionnement financier et l’impact environnemental du secteur agricole. L’entreprise valorise également l’argument de la défiscalisation, puisque l’investissement se fait via une foncière solidaire. Des arguments qui mêlent conviction, pouvoir d’agir et avantage économique, pour embarquer un maximum de particuliers, mais aussi d’institutionnels, dans la transition.

Afin de travailler au plus proches des agriculteurs et faire valoir leur modèle, FEVE est en lien avec les différents syndicats, pour comprendre et entendre les demandes du secteur, adapter leur modèle et faire valoir leur solution. FEVE dialogue régulièrement avec les chambres d’agriculture et est aussi impliqué dans un certain nombre d’actions de plaidoyer.

En partageant le pouvoir et la valeur, FEVE en est convaincu, on peut redonner de la robustesse à l’agriculture tout en accélérant la transition vers des pratiques qui respectent le vivant dans sa globalité. Aujourd’hui, FEVE a permis le financement de 40 fermes.

Les conseils de Vincent à l’entrepreneur·se en devenir :

  • Lance-toi sur un sujet qui te plaît. Entreprendre, c’est compliqué, stressant, il faut pouvoir supporter tous les coups durs. La passion peut aller de pair avec l’apprentissage, c’est plus important d’avoir cette envie qu’une expertise sans grande motivation.
  • Quand tu recrutes tes premier·es salarié·es, fais très attention à l’alignement des valeurs. Avec FEVE, on a beaucoup travaillé sur “les valeurs qui nous animent” et c’est important qu’elles soient partagées par les nouvelles recrues, c’est ce qui permet d’avoir un faible turnover.
  • Dans le milieu de l’entrepreneuriat social, on arrive souvent avec des convictions assez fortes. Il faut conserver sa ligne directrice, mais accepter de sortir de sa bulle pour aller transformer les choses. Il ne faut pas se braquer ou refuser d’entendre certains points de vue, tout en restant solide sur ses appuis.

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