Acorus - Reprendre une entreprise en repensant son modèle de A à Z

Acorus - Reprendre une entreprise en repensant son modèle de A à Z

Avec Philippe Benquet, repreneur d’Acorus.
24 July 2025
par Paloma Baumgartner
5 minutes de lecture

Acorus intervient dans la réhabilitation, la maintenance et l’entretien de tous types de bâtiments. L’entreprise regroupe en interne les compétences et outils nécessaires pour mener à bien des projets d’éco-rénovation. Objectif ? Améliorer les conditions de vie, de travail et de confort des lieux.

Entrepreneur, repreneur ou les deux ?

D’ici dix ans, près de 700 000 entreprises — soit 20 % du tissu français — seront à reprendre. Pourtant, la reprise d’entreprise reste largement absente des discussions publiques, éclipsée par l’engouement autour des startups, des incubateurs et des levées de fonds.

Et si on changeait de perspective ? Dans un contexte marqué par l’urgence climatique et sociale, reprendre et transformer une entreprise existante peut s’avérer plus impactant que de créer une structure ex nihilo. Cette démarche permet non seulement de s’appuyer sur des actifs déjà en place, mais aussi de préserver des emplois locaux et d’engager une transition vers des modèles plus durables.

C’est le pari qu’a fait Philippe Benquet il y a quinze ans en reprenant Acorus, une entreprise spécialisée dans la plomberie et la rénovation. Sous sa direction, l’entreprise s’est imposée comme un modèle atypique, alliant impact social et environnemental : emplois en CDI dans un secteur dominé par l’intérim, gouvernance décentralisée, réemploi systématique des matériaux, semaine de quatre jours... En quatorze ans, Acorus est passée de 80 à 1 800 salariés, et son chiffre d’affaires de 24 à 280 millions d’euros.

Comment on fait ?

Lorsque Philippe Benquet reprend Acorus, en s’associant à un fonds d’investissement détenant 20 % du capital, il choisit de repenser entièrement le modèle de l’entreprise, pour en faire un « one-stop shop » de la rénovation. Pour lui, reprendre une entreprise signifie avant tout engager une transformation managériale. Dans un secteur souvent pointé du doigt pour ses délais et la qualité de son service, les marges de progrès sont importantes.

Mais comment améliorer la qualité et redorer l’image de la rénovation des bâtiments ?

D’abord, en pérennisant les emplois dans un secteur qui fonctionne avec beaucoup d’intérim et de sous-traitance. Les plombiers sont recrutés en CDI, ce qui renforce leur lien avec l’entreprise et permet de garantir un service rapide et de qualité. Pour parler chiffres : ce sont 500 emplois créés en 5 ans.

Ensuite, Philippe mise sur la montée en compétence des salarié·es tout en étendant les activités de l’entreprise. D’une PME dans la plomberie, Acorus se transforme pour se déployer sur un métier d’avenir : la rénovation plutôt que la construction. Au fil des recrutements et des acquisitions, le groupe intègre toutes les spécialités nécessaires à la rénovation d’un bâtiment.

Côté process, Philippe mise sur la co-responsabilité. Le recrutement est encouragé et est délégué aux managers des équipes. Il est même possible de recruter en amont des besoins, pour s’assurer d’avoir une équipe capable d’encaisser toutes les demandes entrantes. Grâce à la flexibilité et solidité du modèle, Philippe Benquet se libère du temps et des ressources pour penser la stratégie d’impact de l’entreprise. Les équipements sont notamment recyclés et achetés de seconde main, pour s’ancrer dans une économie de la fonctionnalité.

Le défi majeur des prochaines années ? Repenser la chaîne de valeur, en appliquant à cette entreprise de 15 ans, les principes du lean management. Agilité et amélioration continue doivent s’ancrer dans l’ADN de la boîte. Au quotidien, Philippe scrute ligne à ligne les processus et fonctionnements pour identifier là où il faut optimiser, réduire le gaspillage, améliorer le service rendu. Il met le doigt sur une des principales sources de gâchis de temps et de ressource : le mode “command & control”, qui repose sur un fonctionnement hiérarchique pyramidal. Le peintre ou le plombier connaissent leur métier, alors pourquoi tout faire passer par le contrôleur de chantier au risque d’enrayer la machine ?

Le nouveau mantra d’Acorus : “autonomie & accompagnement”. À mesure que le lean management est mis en place, les délais d’intervention sont raccourcis et l’autonomie génère de la confiance envers la boîte et un sentiment d’appartenance qui pérennise les emplois. Résultat : 95% des salariés sont satisfaits de leurs managers.

Gouvernance décentralisée, la clé du succès

En reprenant la boîte, Philippe décide de s’affranchir des modèles traditionnels pour aller plus loin dans l’autonomie et la responsabilité donnée aux équipes, et se tourner vers une organisation décentralisée ou “cellulaire”. Le groupe se structure en “mini entreprises” autonomes de 10 à 15 salarié·es, qui sont spécialisé·es dans un métier, une activité, un secteur géographique et un marché. Chaque mini-entreprise gère son recrutement, ses achats, son budget, comme une petite PME indépendante. Le “siège” devient alors un vrai service support et joue un rôle de guide et de soutien auprès des chefs d’entreprises et de leurs pilotes.

La gouvernance est mise en place en 2018 et un an plus tard, la rentabilité est de retour. Alors que la boîte grandit, à travers du recrutement et des acquisitions, le management se segmente. On en compte une centaine d’équipes autonomes chez Acorus !

Partager le pouvoir, c’est bien, partager la valeur, c’est encore mieux. L’entreprise partage 3% des résultats de manière équitable avec tous les salarié·es, qu’importe le salaire. Acorus a également mis en place des FCPE (Fonds Commun de Placement d'Entreprise), des actions gratuites dans la holding. Dernière expérimentation pour le bien-être des salarié·es : l’instauration de la semaine de quatre jours - les équipes qui participent au test passent de 39h en 5 jours, à 35h en 4 jours. Philippe fait le pari qu’on peut travailler moins et délivrer la même qualité de service, sans impacter le client. C’est aussi une façon de répartir la valeur car, plutôt que d’augmenter la marge, on choisit de donner de la qualité de vie au travail. Et le pire c’est que ça marche : le taux de turnover a diminué, les résultats de l’enquête de QVT sont au plus haut, et l’expérimentation s’apprête à être généralisée à toutes les équipes. Un environnement de travail sain dans une boîte qui va bien, qui dit mieux ?

Les conseils de Philippe Benquet à l’entrepreneur·se en devenir :

  • Pour donner de la liberté, il ne faut pas oublier de poser un cadre. Certaines crises de croissance découlent d’un manque de transmission de la culture de boîte. Le message n’est pas “On fait ce qu’on veut”, mais plutôt “On a le contrôle, et on est responsable du résultat”. Chez Acorus, il y a 50 règles, très simples mais nécessaires à formaliser, pour cadrer cette autonomie des salarié·es sans dégrader la qualité du service rendu au client.
  • Les dirigeant·es ont besoin de changer de lunettes pour réaliser que le fonctionnement “command & control” crée du gaspillage. Quand les compétences des salarié·es sont supérieures au contrôle qu’ils ont, ça génère de la frustration et des points de blocage. Il est nécessaire de lâcher prise pour alimenter l’agilité et créer de la valeur.
  • Se former au management, consulter ses pairs et faire appel à des spécialistes. Quand Acorus a lancé la formation continue de ses salarié·es, un membre externe a été recruté pour calibrer la trajectoire de montée en compétences. Philippe a également rejoint un club avec d’autres dirigeants d’entreprise pour échanger les bonnes pratiques. Tout cela est riche en ressourcess, en idées et en synergies.

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