Les associations Tirelires d’Avenir et Capitales ont officialisé leur fusion fin 2023 pour devenir une seule et même entité : Chapitre 2. Le projet a pour mission d’accompagner les jeunes de 14 à 25 ans en situation de vulnérabilité dans leur insertion et prise d’autonomie sociale et professionnelle.
Fusion et acquisition dans le monde des associations
Chapitre 2, c’est la fusion entre deux modèles associatifs aux histoires différentes.
D’un côté, Tirelires d’avenir, une association créée en mars 2020 pour lutter contre la précarité des jeunes en rupture familiale. Les cofondateurs, Benoit et Louis se rencontrent dans l’écosystème entrepreneurial de makesense alors que le sans-abrisme des jeunes de moins de 25 ans est en forte hausse (+300k en 20 ans). Benoit et Louis se rendent compte que la fin de la prise en charge des enfants par l’ASE à l’âge de 21 ans laisse de nombreux jeunes sans aide ni ressources. Ils mettent alors en place un accompagnement et un suivi sans conditions d’âge pour aider les jeunes précaires à se loger, se nourrir, passer leur permis, etc.
De l’autre, Capitales, une association créée en 1992 par Rémi Rambaud et Thierry Courmes pour permettre aux enfants pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance de reprendre confiance en eux. L’association propose alors aux jeunes des dispositifs pour les soutenir, dès leur plus jeune âge, dans leur projet de vie : rencontre avec des professionnels, ateliers de formation, coaching personnalisé.
Les associations Capitales et Tirelires d’Avenir se rapprochent en 2023 : les publics qu’elles accompagnent mutuellement se recoupent, leurs besoins aussi. Une fusion permettrait d’unir les forces et de créer un accompagnement global et complémentaire, d’avoir plus de poids, notamment vis-à-vis des pouvoirs publics et des demandes des associations sur les changements à opérer au sein de l’ASE.
Fin 2023, Tirelires d’Avenir et Capitales officialisent leur fusion et deviennent alors une seule et même entité : Chapitre 2.
Comment on fait ?
Premier enjeu à prendre en compte lors d’une fusion, les différences historiques des solutions :
- Capitales est une association d’entreprise de 30 ans, qui ne dépend pas de ses propres activités pour survivre. Tirelires d’avenir, à l’inverse, a un modèle associatif au cœur de sa structure.
- Capitales a un mode de fonctionnement plutôt descendant quand Tirelires d’avenir promeut l’horizontalité avec les jeunes pour créer du lien et gagner leur confiance. Il y a également une différence de générations entre les directions des deux structures.
Malgré ces différences, la raison d’être des deux associations est similaire. Et il existe des synergies et complémentarités :
- Capitales apporte les contacts institutionnels, un historique qui pèse davantage et des moyens financiers,
- Tirelires d’avenir a une expertise d’accompagnement en insertion et surtout une posture de proximité avec les principaux concernés. Sa capacité à tisser du lien social et à établir des relations de confiance durables avec les jeunes en situation de vulnérabilité est un vrai plus pour Capitales.
Quel modèle de gouvernance pour une structure issue de la fusion de deux équipes ? L’ancien directeur général de Capitales prend la présidence de Chapitre 2, fort de son ancrage dans le réseau de l’Aide sociale à l’enfance (ASE). Les cofondateurs de Tirelires d’Avenir, eux, conservent leur rôle de direction. Quant au conseil d’administration, il réunit six membres, répartis équitablement : des profils plus seniors et stratégiques du côté de Capitales, et des personnalités à la fois opérationnelles et visionnaires du côté de TA.
Une logique “d’aller vers”
En fusionnant leurs activités, les deux structures conservent une logique résolument partenariale : celle du 'aller vers'. D’abord en interne, avec des équipes réunies autour d’un projet commun. Puis dans une dynamique d’ouverture à la coopération, dépassant le seul périmètre d’action de Chapitre 2. Une posture héritée de la culture des deux entités fondatrices.
Au sein de Capitales, une seule personne est en charge de la coordination des activités. Sa principale mission : aller à la rencontre des foyers pour créer du lien, nouer des partenariats et intervenir avec eux.
De son côté, Tirelires d’Avenir s’est d’abord concentrée sur le lien direct avec les jeunes et les associations de l’écosystème, avant de mesurer l’importance d’un ancrage plus institutionnel. Avec la création de Chapitre 2, cette prise de conscience s’est traduite concrètement : un poste dédié a été créé pour renforcer les liens avec les partenaires de terrain — foyers, structures associatives et acteurs de proximité. La mission de cette personne ? Être présente chaque mois aux réunions des foyers, assurer une présence régulière sur le terrain et tisser une relation de confiance avec l’écosystème local.
Pour réussir une fusion en douceur et embarquer l’ensemble des salarié·es, les deux équipes ont collaboré étroitement pendant quatre mois. Si quelques départs ont eu lieu, notamment en raison d’écarts générationnels, ils se sont faits sans tension. Celles et ceux qui sont resté·es partageaient une confiance pleine et entière dans le projet de fusion et la création de Chapitre 2. Les motivations étaient claires, transparentes et librement discutées. Le changement de nom, logique et collectif, a été pleinement accepté. Il marquait une nouvelle étape : permettre à Tirelires d’Avenir de se structurer davantage, et à Capitales de faire émerger une association à part entière.
Résultat : un budget triplé, l’arrivée de nouvelles expertises, et une capacité renforcée à toucher un public plus large.
Les conseils de Benoit à l’entrepreneur·se en devenir :
- Ne pas aller trop vite. La fusion a été faite en 6 mois, mais elle aurait pu prendre plus de temps pour réellement fusionner les cultures. Normalement, il faut 1 an de due diligence, des rencontres et des ateliers réguliers.
- Aller sur le terrain ! Il faut prendre le temps de sortir de sa bulle pour entreprendre, aller à la rencontre des personnes avec lesquelles tu souhaites travailler et ce, dès le début. Il faut tester et comprendre leur manière de fonctionner, car tu n’es pas dans leur tête.
- Entreprendre avec ses tripes. Il faut que le problème que tu adresses te passionne vraiment, pas que ce soit un enjeu business. Si l’enjeu est purement business, la tentation d’abandonner sera bien plus grande dans les moments de creux.
- Etre deux. Avoir un·e confondateur·ice est une vraie source de motivation et de force dans un projet entrepreneurial.
Les ressources qui l’ont inspiré
- Ousama Amar de The Family. Il nous fait sortir des schémas mentaux, même si on peut être parfois très en désaccord. C’est intéressant de se projeter dans d’autres schémas de pensée, même et surtout s’ils ne sont pas les nôtres.
- Les accompagnements des centres pour l’entrepreneuriat d’HEC, Polytechniques, Live for Good et makesense.
- Le travail de Victoria Mandefield, directrice générale de lʼassociation Solinum, qui a réussi à mettre la tech au service de la précarité.