Lorsqu’ils ont commencé en 2010, la gourde était, au mieux un accessoire réservé aux randonneurs et aux campeurs, au pire un attribut peu flatteur. 13 ans plus tard, Gobilab a réussi à l’inviter dans tous les bureaux et à en faire l’objet iconique de la lutte contre le plastique. La co-fondatrice Florence Baitinger raconte…
Dix ans avant tout le monde ! Lorsque Florence relate l’histoire de Gobi, petite entreprise devenue grande, elle aime rappeler le contexte de l’époque. « En 2010, déjà 10 millions de tonnes de plastique finissaient dans les océans mais pourtant, dans les esprits en France, il n’y avait qu’une solution magique : le recyclage. À cette époque, le concept de réutilisable vs jetable n’existait presque pas.» En bons défricheurs, Florence Baitinger et ses associés qui ne peuvent plus supporter que 650 gobelets jetables soient utilisés par personne et par an et que seulement 1% soit recyclé, se lancent un défi : ils vont créer une gourde de bureau la plus éco-conçue possible et en faire un premier pas pour interroger les usages et les impacts de nos habitudes pour boire et manger quand on n’est pas à la maison.
«On s’est dit qu’on était face à un beau sujet, mais on voulait être sûrs que c’était une vraie bonne idée. On a échangé avec le WWF, Greenpeace, on a découvert le métier d’écoconception et puis on a rencontré la coopérative MU qui nous a accompagnés.» L’agence en éco conception examine le projet à l’aune de 13 caractères environnementaux, se penche sur les analyses du cycle de vie, propose des leviers d’amélioration… «On a pris conscience de pas mal de choses qu’on n’avait pas imaginées, en particulier qu'il n'y avait pas d'éco-matériau dans l'absolu, chacun ayant des impacts à différents niveaux du cycle de vie : très importants par exemple pour l'inox au stade de la fabrication alors que le plastique pose surtout un problème en fin de vie.» Gobi sera donc un modèle de gourde légère, en plastique réutilisable et en verre, fabriquée en France.
Time to market quand tu nous tiens
Si l’idée est bonne, elle a pourtant du mal à décoller pendant les 5 premières années. «C’est bien d’être pionniers mais quand il n’y a pas de marché c’est la galère. Au début, on était contents d’avoir gardé nos boulots à côté en Freelance. Deux ans pour lancer une boîte, c’est chaud !» Il faudra attendre 2015 pour que 3 lettres fassent décoller Gobilab. «On a gagné la COP 21, on a produit 40 000 Gobi pour les 36 000 participants venus à Paris, on était partout.» À l’époque Le Parisien titre : «Gobi, la PME francilienne qui met le monde à l’eau du robinet». «Ça a été un incroyable accélérateur en termes de notoriété, derrière on a eu un ras-de-marée médiatique.»
Il faudra pourtant patienter encore quelques années pour que Gobilab devienne une vraie boîte selon Florence. «En 2019, le sujet du plastique dans les océans est devenu majeur, à partir de là on est passés de 5 à 25 salariés.» Si les mentalités ont changé, si la gourde est devenue un objet branché, c’est grâce à tout le travail des associations qui sensibilisent au problème du plastique et du jetable et qui ont poussé pour la loi AGEC du 1er janvier 2020 qui interdit la vaisselle jetable dans les bureaux.
«Notre initiative a bénéficié de ce formidable travail d’éducation fait par des structures comme Surfrider, makesense et bien d’autres encore. Alors quand on a commencé à gagner de l’argent en 2019, on a voulu leur en reverser une partie grâce au 1% for the planet. De cette manière-là, on finance des actions de protection, de sensibilisation et de lobbying, je trouve que c’est non seulement juste mais en plus pertinent.»
Aujourd’hui, Gobi c’est près de 2 millions de personnes équipées, bientôt une lunchbox, des modèles que l’on retrouve dans les entreprises des plus petites aux plus grandes mais aussi les usines, les clubs de sport et les collèges et des chiffres qui poursuivent une belle ascension. «Ce qu'on adorerait désormais c'est voir nos gourdes partout aux JO de Paris 2024. Des gourdes éco-conçues, fabriquées et assemblées par des personnes en situation de handicap et d'insertion en Île-de-France, ça raconterait beaucoup de choses concrètes sur la transition écologique et sociale...»