Comment répartir le pouvoir et la valeur grâce à des BSPCE universelles ?

Comment répartir le pouvoir et la valeur grâce à des BSPCE universelles ?

avec Maxime Durand, fondateur de BeyondGreen
20 May 2025
par Paloma Baumgartner
4 minutes de lecture

BeyondGreen, groupe de marques alimentaires, aide les agriculteur·ices à se convertir au bio pour en vivre dignement. Comment ? En commercialisant des produits en cours de labellisation bio qui rétribuent justement les producteur·ices. Parmi les marques développées, on retrouve PourDemain, Transition et Vivants.

De l’équité pour bien manger

Les terres agricoles en France métropolitaine représentent plus de 50% de la superficie du territoire. Pourtant, le secteur agricole et alimentaire manque cruellement d’une structuration économique et financière juste et pérenne. Cela a impact sur la rétribution des producteur·ices locaux et au sein des réseaux de distribution. Les écarts de salaires sont démesurés (en 2024, Le patron de Carrefour est payé 426 fois plus que ses salarié·es) et les profits sont extrêmement concentrés, sans forcément être réinvestis dans les terres qui nous nourrissent.

BeyondGreen a dès le départ voulu aller à contre-courant de ce système inéquitable, qui nourrit la surproduction, l’artificialisation des sols, et la précarité du milieu agricole. Le partage du pouvoir et de la richesse est un des principes fondateurs de la startup.

D’abord, en déterminant les prix des produits en dialogue ouvert avec toutes les parties prenantes. Objectif : garantir une rémunération juste pour les agriculteur·ices tout en finançant leur transition vers le bio. Ce principe est aussi appliqué au sein même de l’entreprise. “On souhaite que nos salarié·es participent à la création de valeur de la boîte tout en se sentant légitime d’en faire partie”, explique Maxime.

Comment on fait ?

Au départ, Maxime souhaitait créer une boîte dans laquelle tout le monde aurait la même rémunération. Mais le principe du salaire universel étant encore inadapté aux normes sociales et économiques, l’idée reste en réserve. Alors quels leviers utiliser pour garantir une juste répartition du pouvoir et la richesse ?

Premièrement, à travers une transparence obligatoire et des limites claires. Il n’existe que quatre paliers de rémunération. Le plus gros salaire ne peut être plus de 4 fois plus élevé que le plus petit.

Puis, en créant un système de gouvernance décentralisé et non pyramidal, avec une majorité de décideur·ses issu·es des actionnaires de la boîte, notamment après une levée de fonds citoyenne sur LITA.

Enfin, à travers des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise (BSPCE) universels, qui permettent à chaque salarié·e de partager la valeur de l’entreprise. Condition pour en bénéficier : avoir intégré l’entreprise depuis plus d’un an et s’y projeter. Le point différenciant par rapport au BSPCE “classiques” ? Chaque salarié·e détient la même part du capital et donc le même pouvoir décisionnaire. En tout, 10% du capital est destiné à être reversé en BSPCE. En novembre 2024, 4% du capital est déjà attribué et 6% sont réservés aux futur·es salarié·es. Le comité de gouvernance, qui réunit tous les associé·es, décide de la charte et de son évolution.

Cette mesure présente de nombreux avantages. Le partage du pouvoir et de la richesse permet aux contributeur·ices de BeyondGreen de voir leur travail valorisé, en faisant réellement partie du projet. Ils et elles se sentent investi·es dans la gouvernance, le taux de turnover est très faible. Une pratique entrepreneuriale qui favorise donc la robustesse interne de l’entreprise.

Vers une transformation globale du secteur ?

Cela dit, Maxime le confirme, cett pratique reste encore isolée des normes dans l’écosystème. Les prix demandés par BeyondGreen ne sont pas toujours appréciés et acceptés des distributeurs avec lesquels ils négocient. La concurrence est rude et la volonté d’aller vers une alimentation plus durable n’est pas suffisante pour signer des contrats. “Pour que les choses changent vraiment, il faut légiférer”, nous dit Maxime. Ce n’est pas suffisant que les entreprises pensent leur système de partage de la richesse en interne ou avec les parties prenantes. Le pouvoir public doit le favoriser. Les agriculteur·ices sont majoritairement rémunérés par des subventions publiques, donc en période de crise ou de coupes budgétaires, le secteur manque cruellement de moyens. Il faut que les acteur·ices de la chaîne alimentaire s’engagent pour déterminer ensemble une production et une distribution équitable. On a besoin de réinventer nos modèles. C’est uniquement par le partage de cette valeur que le système sera robuste et résilient.

Les conseils de Maxime à l’entrepreneur·se en devenir :

  • Bien s’entourer. Celles et ceux qui financent et accompagnent ton projet auront un impact déterminant sur la direction que tu vas prendre. Sélectionne avec réflexion et intuition tes premier·es salarié·es et partenaires.
  • Le partage du pouvoir et de la richesse est précieux car il permet de construire un engagement collectif qui tient sur la durée. Investir dans ses salarié·es est le meilleur investissement qu’un·e entrepreneur·se puisse faire.
  • Pour celles et ceux qui entreprennent dans le secteur agro-alimentaire → prenez le temps de rencontrer les producteur·ices et surtout de comprendre leurs revenus, leur modèle économique et leurs besoins. Construisez un modèle pérenne qui permettent à chacun·e de vivre dignement de ses activités.

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