Trop de bio tue le bio ? Retour sur une success story en panne.

Trop de bio tue le bio ? Retour sur une success story en panne.

La vente des produits bio est en baisse depuis 2021. Doit-on y voir le signe d'un désintérêt durable pour la filière ?
19 January 2023
5 minutes de lecture

La vente des produits bio est en baisse depuis 2021. Une baisse d’1,3 % qui a déjà fait couler beaucoup d’encre, après une croissance exponentielle du bio ces dix dernières années. Doit-on y voir le signe d’un désintérêt pour le bio ? Faut-il s’en inquiéter ? Tour d’horizon de la filière bio en France.

Une croissance à faire pâlir Elon Musk

Des ouvertures de magasins en pagaille, la plus grande surface cultivée d’Europe, une croissance annuelle à deux chiffres, le marché bio français a tout d’une success story cocorico ! Dans la liste de ses performances, notons également que la France occupe la deuxième place au sein du marché européen, derrière nos voisins germaniques, et que plus de 58 000 fermes sont engagées en bio, soit 13 % des fermes en France.

Mais, et oui il y a un mais, depuis 2021, ça coince. Après avoir doublé entre 2015 et 2020, les ventes de produits bio enregistrent une première baisse en 2021. Une tendance qui persiste en 2022. 

Le bio en berne 

Alors que l’inflation s’envole et que le prix du panier moyen augmente, le pouvoir d’achat est la première préoccupation des Français.es. Le prix des produits bio, généralement 30 à 50 % plus chers que les produits conventionnels, constitue le premier obstacle à leur consommation. Qui plus est, la majorité des Français.e.s (53 %) ne s’explique pas la différence de prix entre produits biologiques, et non biologiques, et estime cet écart anormal. Ce chiffre est néanmoins mis en balance par la même étude de l’Agence bio qui estime que 9 Français sur 10 consomment bio plus ou moins régulièrement.

Le prix n’explique pas tout. Ces dernières années, la grande distribution a vu fleurir des nouvelles marques et labels plus ou moins bios. Si les supermarchés généralistes proposent effectivement des produits issus de l’agriculture biologique, estampillés AB ou label européen – la feuille verte -, leurs rayons sont également parsemés de labels bien moins exigeants. Cette profusion génère finalement plus de confusion qu’autre chose parmi les consommateurs ainsi qu’une perte de confiance dans le bio en général. C’est d’ailleurs dans les enseignes de grande distribution, où ont lieu 50 % des ventes de bio, que la baisse est la plus forte : - 3,8 % en 2021. Une baisse qui semble se confirmer sur 2022.

Enfin, le bio a fait l’objet d’erreurs tactiques, notamment dans les grandes surfaces. Consommer bio, c’est s’engager pour sa santé, mais aussi pour celle de la planète. À ce titre, proposer des produits bios, mais sur-emballés de plastique, c’est faire un pas en avant, puis trois en arrière. Même topo pour des fruits et légumes bio, mais hors saison ou qui ont traversé la moitié de la planète. Le cahier des charges bio est respecté, mais l'esprit n’y est pas. Cela explique en partie le désamour pour les produits bio dans la grande distribution.

Peut-on vraiment parler d’une chute ? 

Les ventes de bio se sont tassées et le marché pèse moins lourd en 2021 qu’en 2020. C’est un fait. Mais à y regarder de plus près, cette perte de vitesse ne semble pas être synonyme d’un désintérêt pour le bio et le « consommer mieux » en général.

Pour y voir plus clair, parlons chiffres. En 2021 et 2022, crise oblige, les Français.es ont moins consommé. Cinq milliards d’euros de moins pour être exact, soit une baisse de 2 % du budget dédié à la consommation alimentaire. Le bio n’a pas été épargné et sa consommation a donc baissé en volume. Mais elle a par contre augmenté en part de marché. Si les cours d’éco sont un peu loin, cela veut dire grosso modo qu’on dépense moins pour s’alimenter, mais que la part du bio dans notre alimentation augmente légèrement. Une bonne nouvelle donc.

Autre point intéressant : la baisse ne touche pas tous les canaux de distribution. Si la grande distribution et les enseignes spécialisées, type Biocoop, sont en berne, les réseaux de vente directe ainsi que les artisans commerçants ne connaissent pas la crise. Avec 11 % des parts de marché du bio et une croissance continue depuis 2012, la vente directe a même carrément la cote. Le vin, la bière, le pain (on ne se laisse pas abattre) dynamisent particulièrement les ventes en direct (alcool) et celles des artisans (boulangerie).

Le fait que ces réseaux de distribution aient le vent en poupe traduit bien une recherche de confiance par l’interconnaissance et la proximité, des critères plus importants que les labels pour certains. Cela démontre aussi une volonté de s’impliquer et de soutenir la production locale à travers sa consommation. Les voyants ne sont donc pas tous au rouge, loin de là !

Pourquoi consommer bio ?

À toute chose malheur est bon, dit l’adage. L’essoufflement des ventes est une occasion de se rappeler des bienfaits de la filière bio. Et ils sont nombreux.

Pour la santé d’abord. « Moins de cancers, moins de risques de surpoids ou d’obésité, moins de pesticides dans les urines », souligne le magazine Reporterre au lendemain de la parution de la plus importante étude sur les conséquences d’une alimentation bio sur la santé.

Pour l’environnement. L’agriculture biologique produit 30 % de biodiversité en plus, l’eau utilisée pour l’irrigation ne doit pas être retraitée, et l’absence d’engrais de synthèse limite considérablement les émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour se faire une petite idée des ordres de grandeur sur le sujet : l’agriculture est le deuxième secteur le plus émetteur de GES en France, les fertilisants et autres apports azotés (les engrais donc) sont à l’origine de 42 % des émissions de l’agriculture. C’est considérable.

Pour l’emploi. Moins de pesticides, c’est plus de bras. Les fermes bio emploient en moyenne 30 % de main d’œuvre supplémentaire qu’une ferme non bio.

Un coup de pouce pour la filière

L’avenir du bio repose sur les épaules des consommateurs et consommatrices, mais pas que. Depuis le 1er janvier 2022, dans le cadre de la loi Egalim, la restauration collective doit introduire au minimum 20 % d’agriculture biologique dans ses achats alimentaires. Avec seulement 6,6 % des achats en bio en 2021, l’objectif est encore loin d’être atteint, mais il ouvre de belles perspectives de développement pour le bio.

En parallèle, la France prévoit de passer à 18 % de territoires agricoles en bio d’ici 2027, contre un peu plus de 10 % aujourd’hui. L’enjeu est donc aujourd’hui de sensibiliser les particuliers, restaurateurs et autres amateurs de bio pour assurer les débouchés d’une filière dont la production va continuer à croître sur les prochaines années !