PFAS. Encore un acronyme qui renferme une très mauvaise nouvelle et un scandale (de plus) encore trop peu connu. “Les polluants éternels” pointent le bout de leur nez sur la scène politique et donc médiatique. Qui sont-ils ? Que renferment-ils ? Que nous veulent-ils ? Décryptage pas vraiment rassurant.
Explique-moi ce que sont les PFAS
Il y a encore deux décennies, ils étaient fantomatiques. Une bombe silencieuse au nom barbare de substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) que nous appellerons plutôt les “polluants éternels”. Les PFAS sont en fait partout dans nos vies, nos journées, dans les objets qui nous accompagnent, dans ce que nous mangeons… et donc dans nos petits corps.
Ces substances regroupent aujourd’hui 4 500 composés selon les dernières études. Et c’est une histoire qui ne date pas d’hier. Au lendemain de la guerre, ces dernières ont été beaucoup utilisées dans l’industrie. Et aujourd’hui, elles nous rendent la vie “facile”. Elles sont utilisées parce qu’elles ont le pouvoir de rendre les choses antiadhésives (comme ta belle poêle en Téflon pour ta soirée crêpes), imperméables (comme ce manteau que tu étrenneras lors de tes vacances normandes) et résistantes à de fortes chaleurs (comme ce papier cuisson que tu utilises à 200°C pour faire cuire ta tarte aux poireaux).
Et tous les les secteurs sont concernés : le bâtiment (la peinture), l'agriculture (revoilà les pesticides), l’alimentation en général (parmi les aliments les plus contaminés : les poissons et les fruits de mer ainsi que le bétail élevé sur des terres polluées), le textile, les cosmétiques, les transports (dans certaines pièces des avions - idée : arrêtons l’avion ?), l’énergie (même dans les éoliennes) et, ironie du sort, on les retrouve même dans certains équipements… médicaux ! Super bonus : sachez qu’en 2021, des tests effectués par des ONG ont montré la présence de PFAS dans des emballages alimentaires de “grands noms” comme McDonald’s, KFC ou Subway. La classe.
Pourquoi c’est plus que dangereux ?
Le grand problème, c’est que ces molécules sont très stables chimiquement et donc ne se dégradent pas - d’où leur sobriquet de “polluant éternel” - et qu’elles sont bioaccumulables, c’est-à-dire qu’elles entrent en nous facilement et y restent. Classées toxiques, elles constituent l’une des plus graves contaminations de notre temps. Eau, air, sol en sont désormais remplis.
Et notre corps alors, comment il se dépatouille avec ça ? Il ne se dépatouille pas, justement. Autour de nous, certaines PFAS sont présentes dans le sang de 100% des Français et Françaises d’après les résultats du programme de biosurveillance Esteban en 2020. Cette étude publiée par Santé Publique France a testé près de 1 000 personnes. Ces composés ont même été repérés chez des ours polaires, à des centaines de kilomètres de toute activité humaine…
Revenons chez nous : d’après les estimations, 15,6 millions d’Européens seraient touchés par des pathologies dues à une exposition aux PFAS. Même ingérées à faibles doses, les PFAS auraient sur nous des effets affolants, en vrac :
- La perturbation du système endocrinien (notamment de notre thyroïde)
- l’augmentation de cancers (rein, testicule),
- la baisse de la fertilité
Aujourd’hui, la fertilité est l’une des grandes victimes de la civilisation thermo-industrielle et de ses excès. Et les PFAS, vous vous en doutez, font partie des petits pions du jeu. Des études épidémiologiques montrent qu’un niveau élevé de polluants éternels dans le sang entraîne un risque pour le développement du fœtus (malformations congénitales notamment), un risque de fausse-couche, de naissances prématurées voire d’enfants mort-nés, une diminution du poids de naissance des bébés, une fréquence accrue d’hypertension artérielle pendant la grossesse… Terrifiant.
À notre échelle : limiter la casse
Une fois qu’on sait que les PFAS sont partout, difficile de les éviter. Mais si vous ressortez de cette lecture avec quelques bons réflexes, ce sera toujours ça de gagné. On vous en donne 5 très pratico-pratiques :
À vos poêles anti-adhésives qui libèrent des PFAS, préférez les poêles en inox ou en acier.
Pour vérifier la quantité de PFAS dans l’eau du robinet, on n’a pas encore trouvé d’outil accessible … Si ce n’est une analyse généraliste ici. Dans tous les cas, il peut être bon de la filtrer avec une carafe filtrante (type Brita), encore mieux un système à charbon actif et encore mieux (mais cher) un filtre à osmose inverse.
Concernant les emballages en papier ou en carton qui sont résistants à l’eau ou aux graisses, ils sont souvent enrobés de PFAS… Donc filons vers le vrac ou le verre et le métal. Gros plus si l’emballage est labellisé « OK Compost ».
Concernant vos vêtements, là c’est chaud. Vos petites vestes « outdoor » sur lesquelles rien n’accroche, tout ça sent le PFAS à plein nez… Proposition : 1) achetez d’occasion, une partie des PFAS auront été “perdus” en route, 2) si vous voyez les labels Bluesign, GOTS et OEKO-TEX, c’est a priori sans PFAS ou minimal et 3) sachez que l’asso The Good Goods répertorie les marques qui n’utilisent pas de PFAS, c’est toujours ça de pris.
Source : The Forever Pollution Project - des journalistes traquent les PFAS à travers l'Europe
À l’échelle globale : agir vite, très vite
Comme toujours, on aurait envie de dire “bon, maintenant qu’on sait, on arrête, non ?”. Mais la réalité, les enjeux financiers, les entreprises, bref les rouages de notre monde font toujours de l’inacceptable la règle du jeu, malgré nous.
Côté verre à moitié plein, certaines substances (les PFOS ou PFOA par exemple) ont commencé à être interdites, ce sont les PFAS dites à « chaîne longue ». Côté verre à moitié vide : les procédés industriels qui en avaient besoin les ont remplacés… par d’autres PFAS ! Surprise ! Même si ces derniers sont à « chaîne courte » (moins de 6 atomes de carbone si tu veux tout savoir), ils restent toxiques. Blague générale.
Le gouvernement a publié l’année dernière, le mardi 17 janvier 2023, un “plan d’action sur les PFAS”. Ça sonne bien ça, non ? Mais quand le ministre de l’écologie explique l’intention, là encore, on déchante : “Il s’agit dans un premier temps de mieux connaître ces substances dans l’environnement, les quantifier et les mesurer, et ensuite de mettre en place des actions de réduction à la source chez les principaux émetteurs”. Mieux connaître ? Quantifier ? Monsieur le Ministre, sachez que tout cela a été fait depuis longtemps, notamment grâce à un travail de journalisme de fourmis. Les décodeurs du Monde.fr publiaient par exemple une carte interactive agrégeant un grand nombre de données à travers toute l’Europe. L’ampleur de la contamination n’est plus à prouver, on peut directement passer à la phase action Monsieur le Ministre !
Le chantier est immense, où que l’on porte le regard. L’une des urgences parmi les urgences est peut-être l’eau que l’on boit, que les bêtes boivent, le maillon indispensable à toute vie. Dans un rapport publié le 12 janvier 2023, l’ONG “Générations Futures” déclarait que la contamination des eaux de surface en France était non seulement “généralisée” mais en plus “largement sous-évaluée”...
Du courage politique ou rien
Faire des économies, le gouvernement ne jure que par ça ces jours-ci. Qu’à cela ne tienne ! Un rapport du Conseil nordique des ministres a donné une fourchette allant de 52 à 84 milliards d’euros pour estimer le coût annuel de l’inaction des gouvernements face aux polluants éternels. S’attaquer à ce sujet, c’est donc aussi un investissement pour le futur, dans tous les sens du terme.
Ces jours-ci à l’assemblée, ça bouge. Une proposition de loi du député écologiste Nicolas Thierry propose d'interdire progressivement la majorité des usages des PFAS à partir de 2025. Le texte est examiné ce mercredi 27 mars en commission à l'Assemblée nationale. Distinguer les recours "essentiels" de ceux qui sont "superflus", voilà l’esprit du député et des ONG qui soutiennent son action. Autrement dit, des PFAS pour fabriquer des skis semblent moins justifiés que pour du matériel de santé qu’on ne sait, à ce jour, pas fabriquer autrement…
Le 9 juin prochain, nous élirons de nouveaux députés européens. Eux et elles vont aussi avoir un rôle capital à jouer sur ces enjeux. L’interdiction à l’échelle européenne est plus que jamais nécessaire. “La priorité des autorités françaises est l’aboutissement du processus d’interdiction en cours au niveau européen”, disait Christophe Béchu. Finis les mots, donc. Désormais on avance, on vote, on protège le vivant.
Sources
- Quels effets des PFAS sur la santé ? - Le Monde
- Carte de contamination des polluants éternels - Le Monde
- PFAS : le plan d'action du gouvernement contre les polluants éternels - Le Monde
- Comment se protéger des PFAS - Ecoconso.be
- Polluants éternels : une proposition de loin examinée à l'assemblée pour réduire leur usage superful à partir de 2025 - France Info
- À voir aussi : PFAS : comment les industriels nous empoisonnent - Avant l'orage
Résumé synthétique (sans PFAS)
Les PFAS, ou substances per- et polyfluoroalkylées, sont des polluants chimiques omniprésents dans notre quotidien, présents dans l'eau, les produits de consommation, et même dans nos corps. Utilisées pour rendre les produits antiadhésifs et imperméables, ces substances regroupent plus de 4 500 composés et sont extrêmement stables, ce qui les rend dangereuses pour l'environnement et la santé.
Effets sur la santé : perturbation endocrinienne, cancers, baisse de la fertilité, risques pour le développement fœtal. En 2020, 100% des Français avaient des traces de PFAS dans leur sang selon l'étude Esteban.
Mesures politiques : En France, un "plan d'action sur les PFAS" vise à réduire les rejets, mais les actions restent insuffisantes. Une loi propose d'interdire les PFAS dès 2025. À l'échelle européenne, des efforts sont nécessaires, notamment avec les élections de juin.
Réduction de l'exposition : Utiliser des alternatives comme des poêles en inox, filtrer l'eau du robinet, et éviter les emballages avec PFAS.