Rénover sa maison avec des matériaux écolo, récit d’une victoire semée d’échecs

Rénover sa maison avec des matériaux écolo, récit d’une victoire semée d’échecs

Quelle belle idée que de rénover une maison, de faire du neuf avec du vieux et d’y ajouter une belle pelletée d’écologie. Toutafé, sauf que c’est pas si simple et pas toujours gagné. Louise a testé.
20 February 2025
par Louise Pierga
6 minutes de lecture

Salut mes petits opercules de yaourts triés dans la poubelle jaune, aujourd’hui j’ai décidé de vous raconter comment j’ai acheté une maison (mais qui en fait était une ruine) et comment j’ai voulu la rénover avec des matériaux écolos (afin de me la péter).

Bilan des courses, j’ai dépensé beaucoup (beaucoup) plus que prévu, j’ai aujourd’hui une maison qui a l’air de tenir la route énergétiquement, mais pour quel prix ? 15 tonnes de gravats à la benne et une quantité astronomique de déchets en tout genre pas vraiment sains. Est-ce que ça valait le coup de faire tout ça ? Les DPE sont-ils vraiment fiables ? La réno est-elle toujours mieux que le neuf ? Autant de questions existentielles que je me suis posée au fil de ces longs mois de travaux qui ne m’ont pas du tout plongée au fin fond du désespoir.

Kink écolo 2025 : un bon gros DPE

Depuis le 1er janvier il n’est plus possible pour un propriétaire de logement classé G de le louer sans effectuer des travaux (la loi s’appliquera aux logements classés F en 2028 et E en 2034). Il peut toutefois le vendre mais doit fournir le diagnostic ; s’il est mauvais, cela participera fortement à la dévaluation de la maison. Petit hic, cela concerne beaucoup de monde. En 2024, 15% de la population française était en situation de précarité énergétique (ce qui se passe quand on vit dans une passoire thermique) et seulement 6 % des logements étaient classés A ou B. Si l’on veut atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, 90% des logements devront rejoindre la team. Alors oui, on risque d’entendre pas mal parler de rénovation dans les prochaines décennies.

Problème : les DPE c’est bien joli mais il y a encore un petit flou autour de ce nouveau secteur. Les tarifs ne sont pas encadrés par l'État, il faudra compter entre 200 et 800 euros (pour les gens comme moi qui adorent payer le prix fort) et peuvent être largement erronés (comme le révèle cet article ébouriffant de  UFC que choisir). Pas difficile de faire grimper ton logement à D si le diagnostiqueur accepte de fermer les yeux sur certains aspects du logement qui mérite un F (et inversement). Bref, le DPE c’est un début mais ce n’est pas une fin en soi, d’autant plus que qu’un mauvais diagnostic entraîne “seulement” une interdiction de louer et non pas une obligation de faire des travaux ce qui mène à des abus.

Session marteau piqueur pour démolir la dalle de béton qui avait été coulée à l'étage (ne reproduisez pas ça chez vous)

La plus grosse poubelle de France

Après l’agriculture et les transports, le bâtiment est le secteur le plus émetteur de carbone. Il y a un paquet de façons de limiter cette empreinte à commencer par rénover plutôt que construire du neuf (yaaaay), favoriser l’habitat collectif (aïe, c’est pas mon cas sauf si on part du principe que vivre avec mon keum et mon chat c’est collectif) pour mutualiser les énergies et de préférence en ville (aïe, c’est encore pas mon cas) pour limiter les trajets en transports (l’autosolisme : se déplacer solo en bagnole). Deux mauvais points pour moi avec ma maison de campagne paumée dans la brousse, je l’emporterai pas au paradis… Y’a intérêt à se rattraper sur les travaux.

Eh oui car le gros problème du bâtiment en France c’est qu’on construit encore du neuf : 70% de la production de déchets provient directement du secteur de la construction ! Sans compter qu’il y a plus de 3 millions de logements vacants et, tenez-vous bien, on compte à peu près autant de personnes sans domicile fixe en France (c’est pas moi c’est l’Insee qui le dit). Dans ce contexte, le concept de résidence secondaire et de construction neuve semble tout à fait dépassé.

Pause intermédiaire après la première grosse étape de destruction de l'étage, qu'on a reconstruit avec un mezzanine avant d'entamer les travaux d'isolation.

Passion réno (pas le chanteur qui fait “tintintin”)

Pour en revenir à mon cas de néo-rurale en quête de pâquerettes, les travaux effectués ont répondu à deux urgences : “alléger” la maison (il a fallu péter un étage en béton armé beaucoup trop lourd et dangereux pour les pauvres solives), assainir ses murs (gratter les enduits pour laisser respirer et faire apparaître les pierres d’origine) et opter pour une isolation chanvre-chaux. 

Attention, c’est pas exactement le même chanvre qu’on fume en pétard, donc venez pas fumer mes murs ça vous fera rien, si le chanvre et le cannabis appartiennent à la même espèce leur teneur en THC est très différente et le chanvre du bâtiment ne produit aucun effet. L’alliance des deux matières est une solution d’isolation très noble, les matériaux biosourcés ne dégagent pas de matières toxiques (contrairement à la laine de verre) et sont vivement recommandés pour conserver le cachet des vieilles bâtisses. Leur coût n’est pas tant élevé mais le temps de pose est bien plus long. Il faut préparer un strict mélange chanvre-chaux-eau à l’aide d’une bétonnière, ramener le tout dans une brouette, et vous amuser à balancer ce qui s’apparente à une grosse bouse de vache sur votre mur. Une fois que le mur est enduit, il faut attendre quelques heures pour attaquer la deuxième couche et idem pour la troisième couche. Puis il faut à nouveau attendre un ou deux mois pour que le mur soit définitivement sec. Patience est mère de vertu (en FIV).

Pour les rampants, on a plutôt opté pour la laine de bois pour des raisons purement gravitationnelles (difficile de projeter les bouses de chanvre-chaux au plafond). Si la laine de bois est bien plus saine que la laine de verre, beaucoup d’artisans refusent de travailler avec car elle est fastidieuse à couper : il faut la tronçonner et cette manoeuvre dégage une quantité infinie de poussière qui se font un plaisir d’aller se nicher dans leurs bronches.  

C’est seulement aujourd’hui que je découvre l’existence d’un label Chantier z0ro carbone menée par L’Association Recherche Qualité Environnementale qui a l’air d’être un coup de main peu coûteux (1% du budget alloué aux travaux) et fortement utile. Ce sera pour la prochaine fois ! (non).

Pour résumer et peser le pour et le contre :

Autoflagellation “louise tu pues”

  • Préférer une maison dans un coin paumé à un appart en ville, non mais pour qui j’me prends en fait ?
  • Mettre 15 tonnes de gravats (principalement des blocs de béton et de la laine de verre moisie) à la benne qui partira en déchetterie loin des yeux loin du cœur mais pas loin de mon bilan carbone.
  • Ne pas avoir résolu la problématique des déchets impossibles à jeter comme l'acide chlorhydrique ou la peinture (personne n’a vraiment de solution donc on finit par les jeter dans un trou la nuit loin des regards avec une cagoule.
  • Le bordel inhérent à un chantier avec sa dose de poubelles interlopes et de pots cassés.

Autocongratulations “louise tu es un être fait de lumière”

  • Rénover une maison totalement pourrie en la rendant habitable et agréable à vivre.
  • Enduire tous les murs d’un revêtement chanvre-chaux, sain et durable qui permet un confort thermique (genre dormir dans une maison à 18°C en hiver, alors qu’avant on dépassait pas les 6°C et ça piquait un peu)
  • Choisir des peintures peu toxiques (du coup) et faire en sorte d’en gaspiller le moins possible.
  • Avoir fait un château de sable avec le sable jaune qui restait (et qui vient de la région).

Piquetage des murs en pierre et dressage des murs de la chambre à l'étage avec un animal épanoui.

Tout ce que je peux dire de cette expérience à mon petit niveau (bien éloigné des enjeux de l’habitat collectif mais qui a la modeste prétention de concerner d’autres riverains néo-ruraux fan de kéfir comme moi), c’est que la rénovation d’un logement, bien que salutaire est un travail de longue haleine entravé de surprises (parfois mauvaises) et nécessite une haute flexibilité financière et émotionnelle. Mes conseils, sans rentrer dans les détails de ma vie personnelle : s’entourer d’une équipe d’artisans (avec une garantie décennale ou au moins une assurance pour les travaux de plomberie et d’électricité). Il est aussi possible de faire appel à des mains volontaires bénévoles (et des pros) avec des chantiers participatifs par exemple sur le site Twiza qui permet de rejoindre un projet ou de proposer le sien tout en bénéficiant d’un accompagnement. 

De manière générale, même si vous n’aimez pas trimballer des brouettes ou manipuler le marteau piqueur, je ne peux que conseiller de faire une partie des travaux collectivement, et tant pis si vous n’êtes pas manuel (d’ailleurs votre prénom c’est Philippe). On ne comprendra jamais rien aux travaux tant qu’on n’aura pas mis les mains dans le camboui. 

Bref, il faut savoir prendre son temps et ne pas trop en perdre. Ça ferait une super épitaphe.