On a d’abord eu envie de retracer l’histoire des COP, version verre à moitié plein, et d’attribuer à chaque conférence SA victoire, sa grande avancée. Le problème, c’est que la réalité est moins brillante que ça. Et qu’une COP n’est pas toujours synonyme de réussite, bien au contraire. Retour sur le tortueux chemin des négociations climatiques, COP après COP. Et bon courage à tous et toutes pour les prochaines.
©UNFCCC
Aux origines du début du commencement
Les COP trouvent leur étincelle dans l’année 1992 durant laquelle 178 pays participent au fameux Sommet de la Terre de Rio. C’est pendant cette grande boum diplomatique que seront posées les bases et le cadre d’une coopération pour lutter contre les dérèglements climatiques. Plus précisément, le bébé adopté ce soir-là s’appelle la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC ou UNFCCC si tu es bilingue). C’est notamment dans ce texte qu’est lancé le bal des COP, “Conference of Parties”. Et la première aura lieu chez nos voisins allemands, à Berlin, en l’an de grâce 1995.
1995 : Avec les copains pour COP 1 à Berlin
C’est donc la toute première version de la Conférence des parties. Dates : du 28 mars au 7 avril 1995. Et ce n’est pas pour ça que la gentillesse est de mise. Cette ouverture est aussi le théâtre d'une confrontation entre pays “riches” et pays “pauvres”, en gros entre ceux qui se servent sans compter et ceux qui pâtissent des premiers effets de la crise climatiques, qui ne sont pas prêts à respecter des restrictions avant même d’avoir amorcé leur développement. Rien de concret pour cette première, donc, mais les premières briques d’un protocole de Kyoto.
1996 : COP 2, COP de l’avant à Genève
Direction nos amis les Suisses pour la COP 2. “De l’avant” parce que Genève n’a pas de grande déclaration ou accord à se mettre sous la dent mais représente néanmoins la dernière étape, nécessaire, à la préparation de la COP 3 qui sera la première à finaliser un accord digne de ce nom. Cette année le GIEC, le récent Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, publie la deuxième édition de ses rapports sur l’évolution du climat et atteste que “les changements climatiques représentent un danger pour l’humanité”. À suivre, on se revoit au Japon.
1997 : Premier coup de bélier à Kyoto lors de la COP 3
2 ans après sa naissance, la COP tient enfin sa première fierté, son accord historique. À Kyoto, les pays dits “développés” s’engagent en effet à tenir des engagements contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre, à avoir réduit leurs émissions de GES de 5% en 2012 par rapport au niveau de 1990. Ce qu’on appellera “Le protocole de Kyoto” est donc la première marque de l’injustice climatique à combattre, de la plus lourde responsabilité des pays occidentaux dans la situation de l’époque et d’aujourd’hui.
1998 : Et ça coptinue, encore et encore à Buenos Aires
La COP 4, c’est un peu la bonne pâte, le bras droit d’un boss visionnaire qui organise les choses et les rend opérationnelles. En Argentine, on parle d’ailleurs du “Plan d'action de Buenos Aires” qui réfléchit à la mise en œuvre concrète des engagements pris à Kyoto, du fameux protocole. Comment surveiller que les états tiennent leurs engagements ? Comment coopérer entre Sud et Nord ? C’est notamment cette année que des échanges “de crédits d'émission” - une bonne idée, vraiment ? - est proposée.
1999 : Cette Bonn vieille COP 5
Écrire ici en résumé “pas grand chose” ne serait pas respectueux pour ceux et celles qui se sont activés cette année-là. Sinon sur la COP 5 : pas grand chose.
2000 : Un petit bilan à La Haye pour la COP 6
Est-ce l’effet du nouveau millénaire ? La COP grandit, mûrit, et vient l’heure du premier bilan. Il est bien pâle. Bien sûr les émissions ne sont pas revenues au niveau de 1990 comme l’espéraient les premiers engagements de l’UNFCCC. Et les scientifiques commencent à se faire entendre : des représentants de 63 académies nationales des sciences font une déclaration commune pour alerter sur ce qu’ils voient et découvrent un peu plus chaque jour : le climat bouleversé nous prépare un avenir catastrophique.
2001 : La Conférence à Marrakech pour la COP 7
2001 est tout d’abord l’année du troisième rapport du GIEC. À Marrakech, et peut-être influencés par les conclusions scientifiques au ton de plus en plus alarmant, un accord est trouvé sur la mise en œuvre des mécanismes prévus par le Protocole de Kyoto. Oui, oui, c’est toujours là-dessus que planchent les États, et ce n’est pas une mince affaire, les États-Unis, ô surprise, refusent de ratifier le Protocole par exemple.
2002 : Rien de New à New Delhi, nous sommes à la COP 8
Rien n’avance en Inde. Voire tout recule. Un autre pays poids lourds des émissions de gaz à effet de serre, l'Australie, refuse à son tour de ratifier le protocole de Kyoto. On n’est pas sorti de l’auberge climatique.
2003 : on est sérieux à Milan pour la COP 9
Cette COP saveur milanaise aboutit à plusieurs procédés un peu “techniques” mais néanmoins importants pour rabibocher pays du Nord et du Sud sur la question de la dette climatique. On y parle notamment des puits de carbone et de leur rôle potentiel dans le jeu de chaises musicales du carbone. De son côté, l'UE établit un système d'échange de quotas d'émissions de gaz à effet de serre.
2004 : retour en Argentine, bienvenue à la COP 10
C’est donc à nouveau à Buenos Aires que les négociations reprennent. En 2004, c’est un “Programme de Travail sur des Mesures d'Adaptation et de Réponses” qui est adopté. Pas de contraintes tonitruantes, pas d’engagement historique mais un signe tout de même que la démarche n’est pas anodine : les USA freinent des quatre fers en Argentine et refusent d’entamer de véritables négociations multilatérales sur les suites à donner au Protocole de Kyoto.
2005 : Conférence de Montréal COP11
Enfin. Suite à la ratification de la Russie, le Protocole de Kyoto entre en vigueur. Cela fait en effet 55 États, émettant au moins 55% des émissions de gaz à effet de serre en 1990 qui le ratifient, le compte est presque bon mon général. Et après ? Que faire ? Comment continuer la lutte climatique ? Voilà une des questions qui occupera la COP 11 de Montréal. Officiellement, les Parties sont donc satisfaites des discussions sur l’après Kyoto. Officiellement. Parce qu’en attendant, 2005 devient l'année la plus chaude jamais enregistrée.
2006 : Nairobi, c’est un bonne situation pour la COP 12 ?
Franchement ? Voilà.
2007 : Ca balise à Bali ou bien ? COP 13
Alors oui les amis, c’est bien vous avez bossé, oui c’est super, vous avez même adopter un truc officiel, mais derrière, quand on s’y penche, ce n’est qu’une “feuille de route” qui elle-même est censée “préparer”, préparatifs en vue de “négociations” pour l'après Kyoto… Bref. Ces méli-mélo intellectuels ne sont pas réjouissants, surtout lorsqu’ils coïncident avec le quatrième rapport d'évaluation du GIEC aux prévisions de plus en plus pessimistes.
2008 : On ne veut pas s’arrêter en si bon chemin à Poznań pour la COP 14
En deux mots : la suite. Quel nouveau protocole international pour faire suite à celui de Kyoto ? Telle est la question que l’on se pose en 2008. Et on se donne jusqu’à…2013 pour trouver.
2009 : le flop total à Copenhague pour la COP15
Voici le vilain petit canard des COP, celle qui a déçu tout le monde. On attendait un truc fort, puissant, une glorieuse suite au protocole de Kyoto, qui fixerait un objectif à l’échelle planétaire. Et puis, non. Aucun accord, aucune déclaration, nada alors que les attentes étaient grandes. Alors oui, en grattant un peu on trouve cette déclaration finale qui souhaite limiter le réchauffement à 2 degrés par rapport à l’ère préindustrielle. Vous avez bien lu : 2 degrés. Pas 1,5 ce qui était pourtant le souhait des pays insulaires très exposés à la montée des eaux. Mais la fracture Nord-Sud cristallise les tensions.
Allez, remontons tout de même le moral des troupes. L’élection d’Obama cette année-là laisse espérer de nouvelles perspectives dans les négociations à venir et la déclaration finale sera tout de même, après coup, considérée comme un embryon d’embryon de l’Accord de Paris…
2010 : Quand qu’on avance ? COP16
Cancún n’avance pas, en tout cas. Calme plat cette année-là…
2011 : Nouveau coup Dur-ban pour la COP 17
Pas beaucoup mieux à Durban pour la COP 17. Pas de lumière au bout du tunnel. Si, une petite ampoule tout de même quelque part dans l’obscurité. A Durban, on décide de prolonger Kyoto après 2012. Et on entre dans ce que certains appellent la deuxième période d'engagement du protocole de Kyoto.
C’est aussi lors de cette COP que se prépare un nouvel instrument juridique pour inclure les pays les plus pollueurs (on a bien dit “se prépare”. Objectif : être utilisable en 2020).
2012 : Bienvenue à Doha pour la COP 18
La seconde période d’engagement est donc ouverte et durera jusqu’à 2020 grâce à “l’amendement de Doha” (vous noterez la grande créativité des termes, tous plus solennels les uns que les autres : l’accord de, le protocole de, la déclaration de, la feuille de route de…). Celui-ci se permet même la petite folie de proposer un nouvel objectif : celui de réduire les émissions de 18 % par rapport à 1990. Mais en dehors de l’UE ou de l’Australie, peu de pays valident l’engagement. Bonne ambiance.
Verts de rage à Varsovie pour la COP 19
Connaissez vous le formidable univers du greenwashing ? Sinon demandez aux militants climat de vous raconter la COP polonaise de 2013. Cette conférence restera dans les mémoires comme celle qui, pour la première fois, obligea les ONG écolos à quitter les négociations tant l’influence des multinationales,notamment pétrolière, est forte. Seule décision qui n’en est pas une : repousser l’accord post-Kyoto à 2015. On touche le fond.
2014 : Veille de teuf à Lima lors de la COP 20
La COP 21 est proche, et pourtant rien ne laisse présager la fin du brouillard. À Lima, la même rengaine est sifflotée par Sudistes et Nordistes. Les premiers reprochant aux second d’oublier qu’ils ont la responsabilité de la situation et qu’ils sont les seuls à devoir payer !
2015 : Et la lumière fut accordée à Paris pour la COP 21
Il est enfin là le digne successeur de Kyoto. Un engagement, un vrai, ambitieux (assez ?), l’accord de Paris déclare vouloir maintenir “l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels” et ajoute inviter à “poursuivre les efforts pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C”. Fabius tape avec son marteau, les larmes plein la gorge, le sort en est jeté. Derrière ces grands mots, on promet des financements (beaucoup), de la collaboration Nord-Sud, et des projets de “contributions nationales” qui détaillent les engagements de tous les pays, développés et en développement, vis-à-vis des objectifs énoncés juste avant.
2016 : Le calme après la tempête à Marrakech pour la COP 22
Le soleil marocain voit l'Accord de Paris ratifié par 111 pays en plus de ceux de l'Union européenne. À ce moment-là, on y croit. À ce moment-là.
2017 : Retour à Bonn pour la COP 23
Oui, retour aux sources, mais non sans peine. 2017 c’est l’année de l'élection de Trump à la tête du pays le plus puissant du monde. Le monsieur aux cheveux orange se retire de l’Accord de Paris sans plus attendre. Petite embellie avec la sortie du charbon engagée par une vingtaine de pays (dont nous petits Français, tout comme le Canada ou encore le Royaume-Uni).
2018 : la France est championne du monde, pas le climat à Katowice pour la COP 24
À Katowice on finalise les règles d'application de l'Accord de Paris mais aucune décision importante ou contraignante n'est prise. Première grosse déception après l’euphorie de Paris. Cette année marque aussi les importantes mobilisations des jeunes derrière Greta et leur Fridays for Future.
2019 : Basta la société civile, COP 25
Le ton monte à Madrid. Des représentants de la société civile sont interdits de négociations, jusqu’à être exclus. Le peuple crie, les politiques sont sourds, le mauvais film, toujours.
2020 : Cop Covid, bonne nuit à tous et toutes
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2021 : On s’y remet à Glasgow avec la COP26
À Glasgow, une écrasante majorité des pays (dont les États-Unis !) ont bel et bien déposé leur contribution à l’accord de Paris. Le "Pacte de Glasgow pour le climat" est signé. Mais on commence à ne plus être dupes. Signer des pactes, d’accord, mais s’engager et voir le changement, pour de vrai, c’est pour quand ?
2022 : La tristesse à Charm el-Cheikh lors de la COP27
La Conférence de Charm el-Cheikh restera gravée d’une image : celle du président de la conférence, le Britannique Alok Sharma, en larmes, qui dévoile les termes de l'accord édicté à Glasgow. Se disant «profondément désolé», il déplore le bilan décevant et les inutiles 39 heures de retard des négociations…
2023 : Les vertiges de Dubaï pour la COP28
Sommet climatique à Dubaï. Bonne ou mauvaise idée ? Symbole ou provocation ? On ne sait pas trop. Ce qu’on sait c’est que les énergies fossiles ont focalisé l’attention et que leur réduction, “annoncée”, n’en reste pas moins incertaine.
Et arrive cette année la Conférence de Bakou, la COP 29 et la trentième aura lieu à Belém… Nous reste-t-il un peu d’espoir ?