Planète, planète suis-je la plus belle en ce pays ? Montre-moi tes cheveux et je te le dirai. Hum, ça serait pas des mèches par ici ?
L’autre jour j’étais chez le coiffeur. Non ce n’est pas le début de mon autobiographie, mais celui d’un terrible constat. J’ai beau ne plus prendre l’avion, me déplacer uniquement à vélo, manger de saison, arrêter (quasiment) la viande et me lever tous les matins avec le sérieux objectif de détruire le capitalisme (après mon premier café), il m'arrive de pécher. Pas des poissons, non… Comme tout écolo qui se respecte, j’ai mes fêlures et je vais chez le coiffeur. Où est le mal me direz-vous ? Nous sommes un million de personnes à nous y rendre chaque année en France. Pour ma part, je me fais teindre les tifs. Je me retrouve donc des heures durant seule face au reflet de ma tête enrubannée de 17 kilos d’aluminium et de films plastique, couverte d’un casque chauffant pour que les produits dignes de déchets nucléaires éclaircissent ma sombre chevelure afin d’en dissimuler ses rares cheveux blancs. En plus d’être une mauvaise écolo, je suis aussi une mauvaise féministe. J’alourdis la poubelle de déchets non-recyclables tout en me pliant aux injonctions de la jeunesse éternelle. Je suis la lie de l’humanité en bigoudis. Heureusement que mon magnifique tie & dye décolorant me permet de surpasser cette honte morale et nous donne ici l’occasion de nous pencher sur l’impact écologique de la coiffe.
Mettre l’eau (oxygénée) à la bouche
Le premier truc toxique dans les salons de coiffure c’est avant tout les jeux de mots avec “tif” et “hair” (prix Nobel de l’audace pour le salon “Faudra tif’hair”) mais ça, vous le saviez déjà. Aller se faire teindre le mulet nous expose par ailleurs à une infinité de produits toxiques, dont les coiffeurs sont les premières victimes : eau oxygénée, ammoniaque, parabène j’en passe et des meilleures peuvent entraîner allergies, maladies respiratoires et des cancers.
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C’est sans doute pour cette raison que le secteur s’est rapidement bougé pour devenir écoresponsable (ou presque). Car des solutions, il en existe un paquet. L’Union Nationale des entreprises de coiffure a mis au point un guide de transition écologique destiné aux salons pour limiter leur impact. Le guide reste toutefois succinct et propose des solutions qui relèvent avant tout du bon sens. Utiliser un mousseur ou un mitigeur pour consommer moins d’eau (un salon en consomme en moyenne 55 litres par jour), des ampoules LED, refaire l’isolation de son salon, commander des produits grands formats pour limiter les déchets, utiliser des gants lavables. Pour les déchets toxiques (détergents, dissolvants, colorants), on conseille d’utiliser un bac de rétention sans préciser quoi faire du contenu ensuite (et pour cause, il n’y a pas vraiment de solution appropriée de recyclage sans passer par une entreprise spécialisée).
Pour Thierry Gras, fondateur de l’association de Coiffeurs Justes, le problème vient en partie des produits vendus par les grandes marques. Avant on utilisait un grand tube de couleur fondamentale auquel on apportait des nuances de couleurs, ce système produisait beaucoup moins de déchets. Aujourd’hui les marques vendent des tubes avec des mélanges tout faits ce qui favorise naturellement le gaspillage. Quid des couleurs végétales comme le propose exclusivement la chaîne de salon Biobela ? Pour le coiffeur varois c’est une solution qui lui fait penser à la voiture électrique. Les couleurs végétales sont certes moins toxiques à l’usage mais tiennent moins longtemps, on en fait donc deux à trois fois plus et leur fabrication n’est pas neutre.
En revanche, il y a des déchets hautement précieux auxquels on n’avait pas du tout pensé et qu’on peut valoriser : les veuch.
Le gaspillage au grand hair
Chaque année en France on met en moyenne 4000 tonnes de cheveux à la poubelle où ils finiront cramés. Plutôt que d’émettre du CO2 par ce processus, il existe donc des alternatives pour donner une seconde vie aux tignasses. Thierry Gras a décidé de remédier au problème en 2015 avec son association. Aujourd’hui il a embarqué 6000 adhérents dans son aventure pas du tout capillotractée. Après avoir mis en place une collecte de cheveux auprès de salons de coiffure adhérents, la structure collabore avec plusieurs entreprises pour transformer cette matière première : par exemple, Sol-hair Insulation fabrique des panneaux d’isolation thermique à partir de déchets capillaires.
L’association Coiffeurs Justes s’est également associée à l’entreprise Ecofhair spécialisée dans… le boudin de cheveux. Non, ça ne se mange pas avec des pommes confites, ça sert plutôt à dépolluer les eaux. On dispose ainsi les boudins dans les cales de bateaux pour filtrer l’eau avant qu’elles ne soit déversée dans le port. Car le cheveu a plein de qualités : il est lavable (donc réutilisable), imputrescible (donc conservable), isolant et surtout il est lipophile ! Il absorbe les matières grasses contenues dans les hydrocarbures et les huiles de crèmes solaires qui laissent à la surface de l’eau une couche de filtre UV hautement dommageable au processus de photosynthèse de la biosphère marine ; un kilo de cheveux peut absorber jusqu’à 8 litres de ces matières selon le presque aptonyme Thierry Gras… Une fois le boudin souillé (au bout d’au moins un an), il est ensuite récupéré par une entreprise de revalorisation énergétique où il sera transformé en une nouvelle matière. L’importance de ces boudins, c’est qu’ils sont visibles par les plaisanciers et participent donc à faire de la pédagogie sur la pollution des eaux.
Dans un autre genre, Sébastien Vrac a inventé un filtre à cheveux (médaille d’or du concours Lépine de 2012 s’il vous plaît) qu’il installe dans les égouts afin de retenir les mégots, entre autres. Son entreprise Dépollu-mer basée à Cherbourg s’est exportée dans toute la région avec plus de cinquante filtres qu’il s’empresse d’aller vider lui-même tous les week-end (à vélo évidemment).
Bilan des courses : si les colorations entraînent des déchets difficilement recyclables, les cheveux coupés se révèlent quant à eux hautement utiles donc je n’aurai qu'une conclusion à tirer de cette invesTIFation, le meilleur déchet c’est celui qu’on ne produit pas, sauf les cheveux.