Hey dis-moi, il vient d’où le bois de ton plancher ? Et cette belle commode en pin là, elle a été fabriquée avec des arbres scandinaves ? Et ce fauteuil de jardin, ça serait pas du bois exotique par hasard ? Voici quelques conseils pour choisir du bois qui n’enflamme pas la planète, expertes à l’appui.
On n’a plus le choix. Face à des forêts de plus en plus exposées et dégradées par le réchauffement climatique et les exploitations intensives, leur gestion de façon durable est devenue une nécessité. C’est dans ce contexte que les « labels et certifications de gestion durable des forêts » apparaissent comme de vrais outils d’aide à la décision (un peu comme quand tu inspectes les étiquettes de ce beau tee-shirt en coton bio avant de l’acheter). Ils permettent de garantir que les produits forestiers respectent ou non des normes strictes et responsables. Marina Offel et Claire Caillosse, toutes deux employées de l’interprofession Fibois d’Ile de France, constamment amenées à travailler avec ces certifications, nous aident à y voir plus clair.
Quels sont les principales certifications en France ?
Elles se comptent sur les doigts d’une seule main, puisqu’il n’y en a que trois : PEFC (Programme Européen des Forêts Certifiées), FSC (Forest Stewardship Council®, ou Conseil de Soutien de la Forêt) et Bois de France (le seul label de la bande).
Les deux certifications historiques, ce sont PEFC et FSC. Toutes les deux âgées d’une vingtaine d’années, elles garantissent que, lorsqu’on achète un livre ou un meuble, le bois vient d’une forêt « gérée d’une bonne façon ». Claire précise « ça veut dire qu’on a fait attention à la biodiversité, à la ressource en eau, aux milieux humides qui sont particulièrement importants en forêt, à la préservation des sols et enfin, à la sécurité de ceux qui travaillent en forêt ». Elle résume « Elles reposent tous les deux sur ces mêmes grands piliers. »
PEFC et FSC c’est kif kif bourricot ? Ce qui les différencie c’est surtout l’échelle. PEFC a vu le jour sur le sol français, et est devenu ensuite un référentiel mondial. Il reste quand même réfléchi sur la base des pays européens. De son côté, FSC a une dimension plus internationale, et de ce fait, prend en considération des problématiques plus larges. Il met notamment l’accent sur les droits des populations autochtones et les conditions de travail dans certains pays du globe.
Plus récemment, en 2020, Bois de France a rejoint la course. Ce label est spécifiquement orienté vers les secteurs de la construction et assure que les bois utilisés sont issus de forêts certifiées par au moins l’une des deux grosses certifications évoquées au-dessus. Il garantit aussi que plus de 80% de ce bois provient de forêts françaises, « et qu’il est à 100% transformé, assemblé et emballé, si besoin, en France », ajoute Claire.
Pourquoi les acteurs de la filière bois ont tout intérêt à se certifier ?
D’abord, il y a évidemment l’aspect écologique. En répondant aux normes imposées par les labels et certifications, les gestionnaires ou propriétaires de forêts délaissent les pesticides, passent aux huiles biodégradables et optent pour des machines moins agressives pour les sols.
Au-delà de ça, il y a également une dimension économique. Les certifications sont de plus en plus demandées pour pouvoir accéder à certains marchés publics. S’en priver, c’est passer à côté de plus en plus d’opportunités. Pas de label, pas de chantier.
De plus, des organisations comme l’ADEME subventionnent les entreprises certifiées. Pour Claire « même si ça a un coût de modifier ses pratiques, les subventions sont importantes et comblent généralement le manque à gagner. Le calcul est souvent vite fait. » À celles et ceux qui répètent que « l'argent ne pousse pas dans les arbres », prenez-en de la graine.
Quels sont les défis futurs ?
Aujourd’hui, 34% des parcelles forestières françaises sont certifiées (dont plus de 33% par PEFC). L’objectif principal c’est évidemment que ce pourcentage ne cesse d’augmenter. Dans les faits, c’est quand même complexe : dans ces 34%, la très grande majorité sont des forêts publiques relativement grandes. Le reste, ce sont de petits propriétaires privés, pour qui la certification est bien plus engageante.
Les forêts françaises étant particulièrement morcelées, ces petits propriétaires sont le principal levier pour que ce pourcentage augmente.
À titre d’exemple : 96% des propriétaires privés d’Ile-de-France possèdent moins de 4 hectares de forêt. « C’est très petit, et ce sont généralement des gens dont ce n’est pas le métier », explique Claire avant d’ajouter « pour relever le défi, il faut qu’ils soient sensibilisés aux bénéfices de la certification, mais c’est un travail de longue haleine, ça prendra du temps ».
Ces labels et certifications ont-ils leur(s) limite(s) ?
Si pour les deux salariées de Fibois FSC et PEFC s’appliquent à régulièrement se renouveler pour adapter leur cahier des charges au mieux aux nouveaux enjeux, l’association Canopée, elle, porte un regard davantage critique.
Sur son site, on trouve une pétition à l’intention de PEFC, décriant qu’il « certifie aujourd’hui comme durable la coupe rase de forêts naturelles et leur transformation en monoculture de résineux. », puis « les impacts de ces coupes rases sur le climat et la biodiversité sont pourtant démontrés par les scientifiques. »
Bien qu’ils restent des outils essentiels à l’encouragement des pratiques forestières responsables en France et dans le monde, ces labels sont encore en train d’essayer de s’adapter aux attentes, tout en cherchant l’équilibre avec ce qui est réellement réalisable.
On ne sait pas s’ils ont du pin sur la planche, mais en tout cas, c’est un sacré bouleau !
Comment s’y retrouver dans les rayons ?
Finalement, c’est assez simple : pour vérifier que nos meubles, notre papeterie, notre papier toilette ou certains emballages sont bien issus de forêts certifiées, il suffit de regarder au dos du produit, si un des deux labels apparaît bien. Généralement, il sont en gros.
D’ici quelques mois (à partir de fin décembre 2024), on pourra aussi vérifier la traçabilité : l’Europe est en train de mettre en place la RDUE (Règlement européen contre la déforestation et la dégradation). Ça nous permettra d’être sûrs que les produits qu’on achète ne sont pas issus de la déforestation pour les produits importés, ou de la dégradation d’une forêt.