En 2023, la Fondation IFRAP dénombrait 34 787 maires en France. 34 787 vies trépidantes, remplies et au service des villages et villes qui quadrillent notre pays. Trop trépidantes, trop remplies ? Rien n’est moins sûr. En témoigne une enquête du 14 novembre dernier qui démontre que 58% des maires envisagent de se représenter aux prochaines élections municipales de 2026, soit 9 points de plus par rapport à la même période en 2019. Laissons-leur la parole et effritons nos idées reçues. Haut les coeurs des élus ?
1. Les maires et l’épreuve de l’équilibre vie pro vie perso
“Le maire est maire 24 heures sur 24. Les fêtes de village, les événements, c'est aussi le week-end. Si vous n'y êtes pas, ça ne passe pas bien. Et au quotidien, il y a beaucoup de réunions le soir, je rentre rarement tôt chez moi, si je rentre avant 19h, c'est la fête." (...) "C'est vrai que cela demande beaucoup d'énergie, du temps. Il ne faut pas se leurrer, c'est beaucoup, et cela a des conséquences évidemment sur la vie de couple".
Joris Bénier, maire sans étiquette des 1 900 habitants des Trois-Lacs dans l'Eure
2. Les maires et l’épreuve de l’agenda
"C'est devenu beaucoup plus compliqué, parce qu'on a multiplié les structures dans lesquelles on est obligé d'être au niveau local. J'ai un agenda qui vaut celui d'un Premier ministre à l'heure actuelle, alors que je suis maire des Voivres, village de 300 habitants, ce n'est pas possible !"
Michel Fournier, maire de Voivres et président de l'Association des maires ruraux de France
“En France, on veut que les maires soient responsables, disponibles, compétents et bénévoles !”
Pierre Leroy, maire sans étiquette du Puy-Saint-André.
3. Les maires et l’épreuve de la solitude
"Quand on est maire, si on n'est pas appuyé par son entourage, ça ne marche pas"
Jérôme Ricardou maire-démissionnaire de Conflans-sur-Loing dans le Loiret
"Il faut armer le maire pour qu'il ne se retrouve pas dans une solitude et une pression qui est énorme. Quand vous êtes maire, vous êtes maire tout le temps. Quand vous vous promenez, vous vous promenez comme un maire, vous repérez quelque chose qui ne va pas, un éclairage public qui ne fonctionne pas, quand vous êtes ailleurs, vous repérez les bonnes idées en vous disant qu'il faudrait la reproduire... La fonction de maire vous envahit totalement et tout le temps, parce que vous portez une responsabilité assez unique. Je ne pense pas qu'il y ait un autre mandat aussi engageant et dévorant que celui de maire."
Françoise Gatel, ancienne maire de Châteaugiron en Bretagne et sénatrice Union centriste, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation
Rassemblement des maires de France au Palais des congrès mercredi. (Photo Corentin Fohlen pour «Libération»)
4. Les maires et l’épreuve de la durée
“On ne s'invente pas candidat à une élection municipale, on ne s'invente pas maire, on ne s'invente pas adjoint, on ne s'invente pas conseillers municipaux, parce qu'aujourd'hui les freins à l'engagement sont tels que si on n'y répond pas, ce sont des maires qui vont jeter l'éponge."
Murielle Fabre, secrétaire générale de l'Association des maires de France
5. Les maires et l’épreuve de l’impuissance
“Depuis 50 ans, on considère que la métropolisation, c’est la seule finalité intelligente en matière de développement et de mode de vie... On a facilité la mobilité de métropole à métropole et on a oublié que la France n’était pas que des métropoles.”
Vanik Berbérian, maire sans étiquette de Gargilesse-Dampierre-en-Berry (290 habitants) dans l’Indre, ex-président de l’Association Nationale des maires ruraux de France (AMRF)
“A Chanteloup-Les-Vignes, la collectivité et les associations se substituent à l’action publique, comme dans la ruralité.”
Catherine Arenou, maire divers droite de Chanteloup-Les-Vignes dans les Yvelines
6. Les maires et l’épreuve de la temporalité
"Deux ans d'autorisations administratives [pour démolir un château d'eau vide et vétuste construit à côté d'une voie ferrée]. D'abord il y avait la présence d'hirondelles, donc il a fallu construire un hôtel à hirondelles. Pendant ce temps-là, on ne pouvait pas le démolir, ça a mis des mois. Ensuite, il fallait discuter avec la SNCF sur le mode de destruction du château d'eau, explosion, déconstruction ou grignotage, ça a pris du temps. Et puis je pensais que c'était bon, enfin, parce que je n'en dormais plus. Et là-dessus on nous a fait faire une nouvelle étude puisqu'il semblait que le château d'eau pouvait être favorable à la présence du chiroptère, c'est-à-dire la chauve-souris qu'on n'avait jamais vue. On a dû construire un hôtel à chauves-souris. Et là, on nous a donné trois mois pour démolir, sans quoi on était repartis pour une saison à cause de la nidification des oiseaux. Je suis très attaché à la nature en ville et aux oiseaux. Mais il y avait là un enjeu de sécurité, comme le château d'eau était désaffecté, les jeunes allaient faire ce qu'on appelle des 'escape game' dedans. On aurait probablement pu faire les choses de façon beaucoup plus rapide et efficace si l'autorité locale avait eu pleine compétence. Donc ce qu'il faut, c'est qu'on arrête d'être plusieurs sur le même sujet".
Antoine Homé, mairie socialiste de Wittenheim, en Alsace, 15 000 habitants
"Nous sommes aujourd’hui dans une société de consommation ultra rapide, on commande un livre, le lendemain, il est dans la boîte aux lettres, on pose une question au maire, on veut la réponse tout de suite".
Amaury Caulier, 40 ans, maire de Oisemont, une commune de 1 150 habitants, dans la Somme.
7. Les maires et l’épreuve de la motivation
"Il y a un regain d'intérêt de la fonction, surtout pour ceux dont c'était le premier mandat. Ils se disent que lors du premier mandat, on prépare tout et que la réalisation concrète n'arrive qu'au deuxième mandat à cause de la lourdeur administrative de toutes les autorisations qu'il faut avoir.”
Jacques Cornec, maire de Bourgheim
“Je me représente, car je pense que le mandat de maire est un mandat absolument magnifique."
Benjamin Huin, maire de Zimmerbach
8. Les maires et l’épreuve de l’âge
"C'est l'état d'esprit qui est important. Je connais dans l'agglomération des maires âgés qui sont en réalité très jeunes dans leur tête, très au fait de tout, et finalement bien plus jeunes que certains jeunes"
Joris Bénier, maire sans étiquette des 1 900 habitants des Trois-Lacs dans l'Eure
Au Congrès des maires, porte de Versailles (Paris), le 18 novembre 2025 ©AFP - Thomas SAMSON
9. Les maires et l’épreuve de la fracture numérique
“Un citoyen sur cinq est en difficulté avec le numérique et ne peut pas faire les démarches tout seul.... Des gens du village, qui se sont toujours débrouillés seuls, qui étaient autonomes, se sont retrouvés avec cette dématérialisation dans l’obligation de venir en mairie demander de l’aide. Ça c’est une catastrophe dans l’esprit de nos concitoyens.”
Dominique Dhumeau, maire sans étiquette de Fercé-sur-Sarthe (630 habitants)
10. Les maires et l’épreuve des centres commerciaux
“C’est toujours le même argument, partout en France, quand on construit un centre commercial, c’est l’emploi... Quand on creuse un peu ce n’est plus 400 emplois, puis c’est 300, puis c’est 200 et au final quand on lit les rapports d’études on détruit plus d’emplois que ceux qu’on crée.”
Bertrand Veau, maire sans étiquette de Tournus
11. Les maires et l’épreuve de la démocratie
“Je pense que les élus ont piqué la démocratie et les citoyens étaient bien contents. Quelque part il y a eu une espèce d’arrangement.”
Pierre Leroy, maire sans étiquette du Puy-Saint-André.
“Plus les gens sont impliqués en citoyenneté, moins ils votent FN.”
Jean-François Caron, maire EELV de Loos-en-Gohelle
12. Les maires et la joie de l’épreuve
“Globalement, les conseils municipaux sont de beaux moments. C’est vraiment là où se passe cette démocratie dont tout le monde parle aujourd’hui et qui est bien en difficulté. C’est un bel outil.”
Dominique Dhumeau, maire sans étiquette de Fercé-sur-Sarthe (630 habitants)
“A Loos-en-Gohelle, on n'arrête pas de rêver ! On a lancé l’inscription du bassin minier à l’Unesco. Grâce à des choses qui sont parties de Loos-en-Gohelle, on peut dire que l’histoire des mineurs vaut l’histoire des rois !”
Jean-François Caron, maire EELV de Loos-en-Gohelle
“Le poste de maire, c’est vraiment celui où on change la vie des gens.”
Dominique Cap, maire de Plougastel-Daoulas et président de l’Association régionale des maires de Bretagne.


