Dîner de Noël et politique. Il suffit de les accoler pour que les visages pâlissent, que les coeurs se serrent et que les larmes coulent. La politique dans la famille, c’est comme le clou de girofle. Il en faut peu pour que ça prenne toute la place. Mais il n’est pas question de fuir. Ce Noël 2025 sera celui de la bravoure créative. De nous à vous : on va le gagner ce dîner. Mieux, on va le gagner en ayant abordé l’explosif sujet politique. Voici les 5 questions qui ouvriront des débats apaisés et riches, saveur cannelle.
“Tu aimerais t’engager en politique, toi ?”
La pire idée en matière de débats d’idées,... c’est de se cantonner aux idées.
Pour désamorcer la bombe et préserver les assiettes Ikea de votre famille, nous vous proposons une première piste pour couper l’herbe sous le pied aux éditorialistes politiques de la famille : dans les retraites entre facilitateurs et facilitatrices, on dirait : “Parler en son je” (en faisant palpiter ses paupières “ouvertes” - “fermées” très vite). Dire “je”, c’est éviter les généralités, “on dit”, “les Français”, “les gens”. Quelqu’un qui dit “les militants climats sont tous des écoterroristes”, est bien différent de “Je me suis fait agressé par des jeunes écolos en manif”, vous en conviendrez.
Parce que oui, parler comme un éditorialiste, sans connaître, commenter sans avoir vécu, juger sans avoir éprouvé, c’est facile parce que ça n’engage pas, personnellement, ce qui est un problème quand on parle “d’engagement politique”, justement. “Je” est l’antidote ultime aux polémiques stériles. Pulvériser l’idéologie pour ouvrir un espace d’authenticité, voire (si vous êtes très doué ou douée) de vulnérabilité.
Le nec plus ultra : avoir un complice dans le groupe qui ouvre le bal. Parler et dire “je” en dehors de X et insta est devenu difficile, voire intimidant. C’est donc lui ou elle qui montrera l’exemple et sans vous en rendre compte, vous arriverez à la bûche de Noël sans vous être mangé d’arbre avant.
“Vous avez suivi le débat sur la fin de vie, vous ?”
Dans la liste des sujets qui ont tout pété à l’assemblée : la rigueur budgétaire, la santé, les retraites, l’agriculture et la loi Duplomb, la nomination du Premier Ministre, les méga bassines, … et parfois, il y a des exceptions.
“C’est un débat qui transcende les courants politiques” nous dit le député PCF Yannick Monnet. Ce débat, c’est celui qui a eu lieu sur la fin de vie. Lu sur “L’Humanité” : “les discussions se déroulent dans un climat serein, loin des polémiques et des invectives : plus encore qu’un affrontement idéologique, c’est une question de société. Quelle vie offre-t-on aux malades en fin de vie ? Comment ne pas imposer la souffrance ? Comment protéger les plus vulnérables ?”
A l’image de ces quelques lignes, cette question de la mort, de la dignité de nos derniers instants, de la liberté et de sa définition,... tout cela est à la fois profondément personnel, philosophique et sensible. Et comme par enchantement, des images d’une assemblée s’écoutant, réfléchissant, pesant ses mots a jailli.
Si le haut-lieu des engueulades politiques qu’est l’Assemblée Nationale a abordé le sujet paisiblement, alors votre salon devrait survivre, mieux il pourrait connaître le même enchantement sur cette question brûlante de la fin de l’existence.
À discuter jusqu’à ce que vie s’en suive ?
“L’année prochaine, les municipales arrivent. Si demain tu es maire, tu fais quoi en premier ?”
Vous retrouvez ici notre règle d’or : la parole individuelle, le “je” plutôt que le “on”, “tu”, “vous”. Cette fois-ci, c’est cependant la carte de l’imagination et des rêves qu’on vous propose de jouer, plutôt que celle du réel et du vécu. Quoi de mieux que de parler de cadeaux lors de la veillée de Noël ?
L’année prochaine, et ça pour le moment tout le monde (ou presque) s’en fout, les élections municipales vont donner une couleur nouvelle à nos communes. Villes et villages vont débattre, faire campagne et imaginer les scénarios pour rendre la vie plus douce, plus heureuse. L’échelle municipale est stratégique pour éviter les incendies du 24 décembre. Parce que la ville, c’est concret. Ce rond-point, c’est concret. Ce projet de centre commercial, c’est concret. La médiathèque, c’est concret. Ici, plus question de droite ou de gauche (quoique ça devrait vite être mis sur la table tout de même), c’est un avis plus terre-à-terre (et non moins complexe !) qui invite à dissiper les brouillards des habituelles litanies politiciennes.
Posez-donc cette question et faites un tour de table : si demain tu es maire, mairesse, quel est le premier projet que tu portes ? De votre sœur comédienne habitant à Niort, à votre cousin parisien richissime, de votre maman prof d’anglais à Mâcon à son compagnon au chômage depuis 5 ans, vous récolterez immanquablement un bouquet royal aux couleurs chatoyantes.
“C’est quoi l’actu du moment sur laquelle tu es le plus ignorant ?”
Cela pourra donner l’impression que nous voulons transformer votre veillée en “dîner de cons”, c’est pourtant l’exact opposé ! Si “le silence est la plus haute forme de la pensée” comme le dit Christian Bobin, alors ne pas se prononcer sur tel ou tel sujet par conscience de sa propre ignorance devient un acte d’une grande noblesse intellectuelle.
Sur le conflit israelo-palestinien : il faut être clair et tranché. Sur la dermatose nodulaire contagieuse et l'abattage des bovins : il faut être pour ou contre. Sur la taxation de l’héritage : il faut sortir des chiffres qui impressionnent. En posant cette question à votre tablée, vous étouffez avant même qu’elle ne prenne racine, la plante invasive de l’injonction collective à avoir un avis.
Voilà donc ce à quoi pourrait ressembler l’exploit humblo-politique de votre famille, made in Christmas : “le nucléaire, j’ai jamais pigé”, “le vote à la proportionnelle, vous m’expliquez ?”, “la 5G, je ne sais plus trop ce que c’est”, “Mélenchon, c’est qui ?”.
“Y a-t-il un sujet sur lequel tu as changé d’avis cette année ?”
Et comme ce terrain du doute, vous commencez à l’adorer, on continue à creuser ce sillon. Dans l’espoir que nos élus et élues nous suivent un jour et osent dire “je ne sais pas”, “j’hésite”, voire même graal à atteindre “j’ai changé d’avis”.
Sur cette question, il va peut-être falloir laisser un peu plus de temps à vos convives pour répondre. Profitez d’une pause avant le dessert ? Du trou normand ? De la tisane quand la messe est dite ?
Comprendre pourquoi votre frère qui était végétarien est en train de virer de bord ou à l’inverse pourquoi votre cousine qui adorait le boudin noir est en passe de devenir porte-parole d’un mouvement vegan national, voilà qui va rendre les choses captivantes. Un individu qui vous raconte l’avancement de son existence, c’est toujours intéressant. Un individu qui vous raconte les ratés, les ruptures, les virages de son existence, ça l’est encore plus.
“All I want for Christmas is you” à la fin, c’est Maria qui a raison. Et quand le “you” aura été entendu, compris dans toute sa complexité… alors, oui le “we” (mais ça fait deux fois oui) pourra être délicatement discuté. Et alors le chemin politique sera aussi beau qu’une truffe au chocolat aux éclats de noisettes caramélisées. Vive la République et vive Noël.