Parce qu’il va falloir encore cette année écouter les poncifs de Tonton Michel, voici un petit guide de survie à consulter sous la table de Noël et quelques conseils de lectures/podcasts à consulter dès maintenant.
Vous passez la journée à écouter “All I want for Christmas” de Mariah Carey ? Il ne reste que quelques jours avant de finir votre calendrier de l’Avent ? Vous n’avez encore trouvé aucun cadeau ? Bravo, vous êtes officiellement dans le rush de Noël. Qu’on adhère ou non à ces festivités de la consommation et du p’tit Jésus, difficile de passer à côté de ce mastodonte de fin d’année sponsorisé par Amazon, le foie gras et surtout les réunions de famille interminables… Voici donc quelques arguments de survie pour vos retrouvailles (si votre famille est parfaite et que vous n’êtes pas en possession d’un oncle réac, je vous invite tout de même à lire cet article car j’y ai glissé les résultats du prochain tirage loto).
Patience est mère de vertu
Avant de monter sur vos grands chevaux parce que…
- vos parents ont acheté un SUV
- votre frangin vous traite de wokiste
- votre tante rafole de foie gras
- votre oncle pense que l’écologie c’est un truc de bobo
- votre neveu déteste le cadeau fait-main que vous lui avez concocté
- tout ça à la fois
… Prenez une grande inspiration. Quand on veut sensibiliser ses proches il faut y aller en douceur et préférer encourager plutôt que donner des leçons. Soyez ouvert·e au dialogue, écoutez ces gens bizarres qui font partie de votre famille : le dialogue est votre meilleur allié. Et en attendant, quelques éléments de réponses à la terrible FAQ familiale de Noël…
… Prenez une grande inspiration.
“Oh tu nous embêtes avec tes histoires de réchauffement, à quoi ça sert de faire des petits gestes alors que ce sont les Chinois qui polluent ?”
On commence très fort avec une belle sortie de tonton Michel dès l’apéro. Certes la Chine est le plus gros émetteur de gaz à effet de serre (en cause, son énergie au charbon), mais si l’on regarde l’empreinte carbone par habitant, elle est deux fois moins élevée que celle d’un Américain. Par ailleurs, quand on achète des produits “Made in China” on contribue de la même façon à la pollution du pays. Ce serait donc chouette de ne pas rejeter la faute sur les autres alors qu’on est tous dans le même bateau (le Titanic, YAY). Le réchauffement climatique est bien là et on doit tous et toutes s’y mettre, même à un niveau individuel : les “petits gestes” peuvent nous permettre de baisser jusqu’à 25 % de notre empreinte carbone, y’a de quoi se motiver non ?
À mettre sous le sapin
Atlas de l’Anthropocène, de François Gemenne, Aleksandar Rankovic
“L’humain est super fort, on trouvera toujours des solutions grâce à la technologie, non ?”
Ah sacré beau-frère fan de high-tech. Installer des miroirs spéciaux pour réfléchir les rayons du soleil, pas plus fou que le ministère du climat chinois censé contrôler la météo du pays ? Avec son arrière-goût de SF, la géo-ingénierie climatique a de quoi séduire. Mais est-ce que tout ça tient la route quand on ne vit pas dans Interstellar ? Pas vraiment. D’abord à cause de l’inertie du changement climatique (quoi qu’on fasse, notre empreinte sur le climat mettra des siècles à disparaître si tant est qu’on arrête tout dès aujourd’hui), mais aussi des ressources (toute technologie nécessite des ressources qui ne sont pas infinies). Bref la géo-ingénierie ça sert vachement à Elon Musk pour créer sa secte sur Mars mais c’est pas ce qu’il y a de plus utile pour préserver notre planète.
À lire et écouter (sous la couette)
- La bande-dessinée Le Monde sans fin, de Christophe Blain et Jean-Marc Jancovici
- Le podcast “Le temps du débat” (France Culture) “La géo-ingénierie peut-elle nous sauver du péril climatique ?
“Nucléaire ?”
Même pas besoin de formuler une phrase, le simple mot fâche tout le monde et vous vous en doutez bien on ne va pas régler ici un débat de plusieurs décennies. Retenons simplement quelques faits : le nucléaire représente environ 6% de la production d’énergie mondiale (contre à peine 1% pour les énergies renouvelables). Dans cette conjoncture, si l’on veut se passer de nucléaire (et naturellement de toutes les énergies fossiles ultra polluantes telles que le charbon), il va falloir être prêt à baisser plus que drastiquement nos besoins en énergie. Cela dit il va falloir s’y préparer même avec le nucléaire donc l’un dans l’autre…
À potasser quotidiennement
Tous les articles du site Bon Pote, un média ultra chouette qui traite du changement climatique à travers plein d’articles passionnants, parfois drôles et qui vous aideront à étayer vos arguments. Une mine d’or à mettre dans toutes les mains.
“Pourquoi tu manges pas de foie gras cette année, t’es devenu végan ?”
Alerte définition : être végan c’est exclure tout produit d’origine animale (alimentaire ou autre). Un végan ne mangera pas de foie gras mais un non mangeur de foie gras n’est pas forcément végan pour autant. Il se trouve que non, tu n’es pas végan (même si à terme tu pourrais l’envisager, mais on commence mollo), tu n’as juste plus envie de consommer cet aliment depuis que tu as rencontré une oie avec qui tu souhaites te marier. OK c’est faux, mais cette pirouette t’évitera de rentrer dans un argumentaire sur la souffrance animale que ta famille recevra comme une accusation pour elle-même avant de te rétorquer “Mais les huîtres t’adores ça, ça te gêne pas de les manger vivantes ?” Touché. Oui, on peut être paradoxal dans la vie, c’est pour ça qu’il ne faut juger personne.
À écouter avec une purée de brocolis
Le podcast “Peut-on cuisiner des animaux morts” (Arte Radio)
“On part en Thaïlande en février en famille, tu viens avec nous ?”
Et nous y voilà. Je précise : on n’a rien contre la Thaïlande, si vous prévoyez trois mois de vacances en y allant en train tout va bien (bon courage). C’est bien l’avion qui pose problème. Petit rappel, afin de respecter les Accords de Paris (2015) visant à rester en dessous des 2°C de réchauffement climatique d’ici 2100, nous devons réduire considérablement notre empreinte carbone : en France elle s’élève à 12 tonnes par an et devrait donc être divisée par 6. Or, 2 tonnes c’est déjà peu ou prou ce que représente un aller-retour Paris/New York. A moins de vouloir s’offrir une planète flambée au dessert, il est donc indispensable de limiter drastiquement nos déplacements en avion. Et si ces vacances se passaient plutôt en France, ou même en Europe dans un coin accessible en train ? Laissons la Thaïlande tranquille.
À écouter les pieds sur terre
Le podcast De cause à effet “Encore un avion pour la route” (France Culture)
“Non mais c’est quoi encore cette histoire de iel dans le dico, toi aussi t’es wokiste ?”
Ouhla, attention. Quand les mots “wokisme”, “iel” et “islamo-gauchisme” sont prononcés, on se dirige tout droit vers un débat sur Zemmour et on est tous et toutes d’accord pour dire qu’on en a déjà assez soupé. Le wokisme c’est quoi ? Terme principalement employé par ses détracteurs pour dénoncer une “idéologie” qui appartiendrait à la gauche “bien-pensante”. Pratique pour en faire un mot fourre-tout englobant un tas de trucs pittoresques que les détracteurs revendiqués du wokisme n’apprécient guère : anti-racisme, féminisme, décolonialisme, déconstruction du genre, ou encore les Lego oubliés par terre au milieu du salon... Beaucoup de craintes pour un terme qui qualifie simplement un état d’esprit citoyen. Dans ce contexte, il était peu étonnant que l’arrivée du pronom “iel” dans le dictionnaire fasse parler. Je vous rassure, si ça ne vous convient pas, personne ne vous oblige à l’utiliser donc restez stable. Et retenez une chose : l’Académie française est un observatoire de la langue, elle ne décide pas des mots qui vont être utilisés dans la langue mais recense ceux qui le sont déjà. Allez, on se détend ?
À déguster à tout moment de la journée
Le podcast Les couilles sur la table, de Victoire Tuaillon sur Binge Audio. Et tant qu’on y est, n’hésitez pas à écouter aussi Le Coeur sur la table.
“Mouaif de toute façon moi je vote pas, à quoi ça sert ?”
Comment donner envie à quelqu’un de voter quand il ne croit plus en rien ? C’est certainement le défi le plus difficile à relever. Et pourtant l’engagement politique est ce qui peut nous aider à changer le plus les choses. On a assez remarqué que les ministres de l’écologie n’avaient pas une grande marge de manœuvre dans un gouvernement peu porté sur le sujet. Mais si on se bat pour un gouvernement écologique dans son essence, on aura plus de chance de voir un véritable changement. Et le vote ce n'est pas que pour la présidentielle, les municipales ont encore plus leur rôle à jouer de par leur présence directe sur le terrain. Alors faites péter le bulletin, nom d’une pipe en granulés de bois.
À méditer avant mars prochain
- Le podcast Politique ! Sandrine Rousseau : "Une écologie radicale doit avoir une place dans cette campagne"
- Le podcast Thinkerview Le rapport qui annonce l'apocalypse ? Valérie Masson-Delmotte et Pierre Larrouturou
Bon allez, on fait une petite pause trou normand. Joyeux Noël à toutes et à tous.