Avoir froid chez soi, une fatalité ?

Avoir froid chez soi, une fatalité ?

Quelles solutions et acteurs pour lutter contre la précarité énergétique ?
01 February 2017
par makesense
5 minutes de lecture

La vague de froid de laquelle nous sortons a été extrêmement dure pour un Français sur 5. Focus sur un phénomène méconnu mais pour lequel des solutions existent : la précarité énergétique.

Ce n’est pas nouveau, le problème date même des années 70. Le choc pétrolier, qui a fait comprendre aux Terriens que l’or noir s’apprêtait à devenir une denrée onéreuse, a aussi fait monter les factures de chauffage. Résultat : maintenir des logements conçus comme des passoires à une température décente s’est mis à réellement coûter de l’argent. Un acte de naissance “idéal” pour un problème de société plus présent que jamais aujourd’hui : la précarité énergétique touche 5,1 millions de ménages (12 millions d’individus), qui se ruinent à maintenir une température de vie correcte chez eux, ou qui finissent par vivre dans le froid, faute de moyens pour se chauffer correctement.

En bref, plus d’une personne sur cinq déclare souffrir du froid dans son logement.

Comment faire pour en sortir ? Quels sont les défis à résoudre ? Qui s’occupe de donner un coup de main à ces précaires énergétiques que le débat public de surface ignore, malgré les problèmes de santé publique que cela engendre ? Nous avons parlé chauffage avec Marie Moisan, qui travaille au CLER (association oeuvrant pour la transition énergétique) comme chargée de mission sur le sujet de la précarité énergétique. Que faut-il savoir ?

Santé et budget, les deux manières de subir la précarité énergétique

Officiellement, la définition est la suivante : “Est en situation de précarité énergétique […] une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat.” En clair, être précaire énergétique, c’est souffrir des conséquences d’un logement mal isolé ou d’installations de chauffage vétustes et énergivores.

Cela se traduit donc de deux manières différentes :

  • Soit le ménage doit, pour pouvoir se chauffer correctement, dépenser plus de 10% de ses revenus en énergie, ce qui s’avère particulièrement difficile pour les personnes aux revenus les plus modestes,
  • Soit les personnes habitant un logement qui nécessite de fortes dépenses énergétiques choisissent délibérément de ne plus se chauffer.

Marie Moisan relève donc une conséquence notoire de cet état de fait : “les conséquences en termes de santé publique, si elles sont dures à quantifier, sont réelles. Lorsqu’on vit dans un logement où la température ne dépasse jamais les 15 degrés, cela agit sur le taux d’humidité des lieux, leur salubrité, et sur la santé des habitants”.

Un problème difficile à assumer, une prise de conscience tardive

La prise de conscience autour de la précarité énergétique date du début des années 2000. Et résulte d’un processus de remontée des informations qui diffère de la plupart des problématiques sociales ou environnementales, selon Marie Moisan. “Les pouvoirs publics nationaux ont compris les enjeux de la précarité énergétique parce qu’il y avait déjà des structures locales qui travaillaient concrètement à résoudre le problème sur le terrain. Les collectivités ont pris conscience du problème, puis c’est remonté du niveau local au niveau national”. Les ménages, cependant, gardent la plupart du temps ce problème pour eux : “Pour beaucoup, ce n’est pas un problème valable, il y a aussi une sorte de honte à en parler autour de soi. Avoir froid chez soi ou se mettre en situation de difficulté financière pour se chauffer correctement, c’est quelque chose de dur à avouer, y compris à soi ! Et il y a aussi un côté ‘c’est comme ça, on n’y peut rien’ qui vient alimenter ce mode de pensée”… Le résultat, c’est que beaucoup (trop) de précaires énergétiques continuent à subir leur situation.

Les locataires sont sur-représentés

34% des locataires sont en précarité énergétique – et 39% pour les locataires du parc social. Ce qui dit déjà quelque chose sur les populations touchées par le problème : plutôt jeunes, aux revenus modestes et habitant des appartements. Ce qui complique encore la chose pour eux, c’est qu’ils doivent en référer à leur propriétaire, qui, légalement, n’est pas (encore) tenu d’améliorer la situation : “il n’existe, à ce jour, aucune loi ou aucun décret qui oblige un propriétaire de logement à en améliorer sa consommation énergétique. Du coup, c’est au détriment du locataire, qui ne dispose d’aucun moyen d’action pour améliorer son cas de manière durable”. Un projet de décret, qui affine ce que propose la loi Transition Energétique sur le sujet, devrait voir le jour bientôt. Les précaires propriétaires, eux, sont majoritairement âgés (25% des précaires énergétiques ont plus de 60 ans), et habitant depuis longtemps dans des logements du parc immobilier français qui datent d’une époque révolue. “À un moment, dans les années 60 et 70, c’était open bar : l’énergie était considérée comme inépuisable, et ne valait pas grand chose. On pouvait donc chauffer les logements sans se soucier de dépenser des fortunes, et notre conscience environnementale ne nous disait pas encore que ce genre de comportement était irresponsable”, souligne Marie Moisan.

Des solutions existent… Mais elles sont mal connues

Le chèque énergie, ça vous parle ? C’est une mesure prise par le Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer, et qui permet aux ménages ayant des revenus modestes et des dépenses d’énergie disproportionnées de toucher, une fois par an, une somme qui permet de régler une partie de ces dépenses, voire d’entamer des travaux. “Mais la somme est rarement élevée et ne permet pa vraiment de se lancer dans des rénovations importantes, c’est surtout utile pour régler son électricité ou son fioul pendant l’hiver”, explique Marie Moisan. Qui précise tout de même qu’une palette d’aides à la transition énergétique des logements existe, notamment pour aider les précaires énergétiques à sortir de leur situation. Un guide en ligne a même été édité.

“Mais l’information est encore très difficile à faire passer aux bonnes personnes, qui sont souvent dans l’intériorisation de leur problème, parce qu’elles éprouvent une gêne à en parler. Et surtout, c’est le fatalisme qui prévaut : peu de gens imaginent pouvoir apporter une solution à ce problème. Alors qu’une fois les premiers coups de fil passés, le plus dur est fait !”

La précarité énergétique est un sujet essentiel sur lequel MakeSense s’engage aux côtés de AG2R, dans le cadre de son programme Porteurs Idées Énergétiques. Lancé en partenariat avec le CLERSolibri et la BCE, il finance et accompagne des projets qui s’attaquent au problème de la précarité énergétique. MakeSense s’engage à donner la parole à ces projets et à donner de l’écho aux solutions, on vous en reparle très prochainement !

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