Des forêts gérées par les citoyens, mais oui c’est possible !

Des forêts gérées par les citoyens, mais oui c’est possible !

À la fois représentation du sauvage et espace familier pour chacun d’entre nous, la forêt fournit une quantité incroyable de services aux sociétés humaines
16 July 2024
4 minutes de lecture

Il n’y a pas que les terres agricoles ou les énergies renouvelables qui peuvent être financées et gérées par des citoyens. Les forêts ont elles aussi leur dispositif : les groupements forestiers citoyens et écologiques, « GFCE » pour les intimes. On vous fait les présentations ?

Discorde sous la canopée

Ah la forêt, on aurait du mal à s’en passer ! À la fois représentation du sauvage et espace familier pour chacun d’entre nous, la forêt fournit une quantité incroyable de services aux sociétés humaines : refuge à la biodiversité, filtration de l’eau, fertilisation et maintien des sols, îlots de fraîcheur, captation carbone, création de pluies… Qui dit mieux ? Symbole de la richesse du vivant et de nos paysages, elle est aussi la manne financière d’un grand nombre d’acteurs de la finance et de l’industrie du bois française. Cette ambivalence a, depuis quelques années, placé les forêts au cœur des tensions qui dessinent le monde dans lequel nous évoluons. (Pssst pour en savoir plus sur les enjeux forestiers c’est par ici). 

En France, 14% des “forêts” sont des plantations d’arbres (Source IGN) destinées à satisfaire notre besoin - et parfois celui d’autres pays comme la Chine et les États-Unis - en bois énergie, en bois d’œuvre et en bois d’industrie. Planter 1 milliard d’arbres comme le préconise notre Président n’a rien d’une solution miracle. En effet, à l’heure où la biodiversité est en baisse et les températures en hausse, l’aspect qualitatif doit primer sur la dimension quantitative. Un forêt en monoculture n’a pas beaucoup d’intérêt sur un plan climatique et écologique. Là encore, on veut de la diversité et une bonne dose de « en même temps ». C’est-à-dire une forêt qui préserve le vivant et, dans le même temps, satisfait nos besoins en bois. 

Se rendre propriétaire

Une forêt qui préserve et produit, voilà le plan ! Mais comment s’y prendre dans un secteur aussi fermé qu’opaque ? Avant toute chose, il est une chose à savoir lorsqu’on décide de se frayer un chemin en forêt : à l’inverse du monde agricole, où il est possible de dissocier propriété et gestion via un bail rural, la propriété privée est absolue en forêt. Autrement dit, le droit français ne permet pas aux non-propriétaires d’avoir un droit de gestion ou même de regard sur nos forêts.

C’est en partant de ce constat que des collectifs de citoyens, souhaitant lutter contre des pratiques sylvicoles intensives et destructrices des écosystèmes et des paysages, se sont organisés dans le cadre de Groupements Forestiers Citoyens et Écologiques. À l’image de ce qu’on peut trouver dans le monde agricole avec des initiatives comme Terre de liens ou Fermes en vie, ces groupements forestiers ont décidé d’agir directement sur le marché foncier en acquérant des parcelles forestières pour les sortir d’une logique marchande, financière. Il existe à ce jour une vingtaine de structures de ce type, réparties dans les principales régions forestières de France, et à des stades de développement variés (la grande majorité des GFCE a émergé dans les cinq dernières années). Ces GFCE sont soutenus et animés par le Réseau pour les Alternatives Forestières (RAF) qui fédère les initiatives travaillant à une forêt plus vivante et habitée.

Pour ces collectifs citoyens la forêt n’est pas un actif financier, mais un bien commun. La grande différence tient en un mot : la multifonctionnalité. La forêt permet en effet de produire, d’exploiter et de vendre du bois, mais elle sert aussi d’habitat à un grand nombre d’espèces, elle joue un rôle essentiel dans la régulation du cycle de l’eau ou du carbone, elle fournit un espace de récréation, d’éducation ou de chasse pour les populations environnantes. Et bien plus encore. Il existe finalement de nombreuses façons de valoriser un écosystème forestier, et les groupements forestiers citoyens et écologiques qui essaiment à travers le territoire français l’ont bien compris en cherchant à prendre en compte toutes ces dimensions dans la gestion de leurs hectares.

Diversité, le maître-mot

S’ils partagent une vision commune de la forêt comme écosystème pluri-fonctionnel, ces nouveaux collectifs forestiers avancent sous le signe de la diversité. Voyez plutôt. Le Groupement de sauvegarde des feuillus du Morvan, structure pionnière créée dès 2003 à Autun, a pour objectif principal de montrer qu’une autre forme de sylviculture, sans coupes rases et plus proche des cycles de la nature, peut être tout aussi rentable sur le long terme.

Dans une logique similaire mais moins militante, les fondateurs d’Avenir Forêt, groupement présent dans le Limousin, ont montré de leur côté qu’il était possible de mettre en œuvre un projet entrepreneurial indépendant et pérenne en forêt, sans mettre le pied sur une prise en compte sérieuse des enjeux écologiques associés aux écosystèmes forestiers. Pour en découvrir plus sur Avenir Forêt : Arte - Sauvons nos forêts (épisode 3).

Enfin, évoquons Lu Picatau : dans le Périgord-Limousin où les enjeux liés à la ressource en eau se font particulièrement sentir, les associés du groupement ont développé une stratégie d’acquisition de forêts alignée avec ces enjeux. Ils acquièrent des ripisylves (forêts localisées en bord de cours d’eau) ou des forêts en zone humide et cherchent à collaborer de plus en plus avec les acteurs publics ou les agences de l’eau.

Une dynamique en croissance

À l’instar des mycorhizes (tu sais ce phénomène de symbiose entre un champignon et une plante), les groupements forestiers écologiques et citoyens ont bien l’intention de changer la donne en tissant un réseau d’initiatives portées par les populations locales. Ils illustrent aujourd’hui à merveille de nouvelles façons de gérer, de protéger, d’habiter nos forêts.

En plus de rendre la forêt plus citoyenne et de préserver les services écosystémiques qu’elle procure, les GFCE sont également engagés dans la dynamisation des circuits courts au sein de la filière bois et comptent bien concurrencer un jour les grandes enseignes de distribution qui se concentrent sur les labels de développement durable, plutôt que sur la provenance des bois.

Bref, vous l’aurez compris, ces GFCE méritent toute notre attention et représentent l’avenir de la gestion forestière, durable, respectueuse de la biodiversité et viable économiquement. Et si au lieu de planter des arbres, vous rejoigniez un GFCE ?

Et si tu devenais propriétaire forestier ?

Afin de participer à la gestion durable des forêts françaises, toute personne peut décider d’investir dans un GFCE, en acquérant une ou plusieurs parts sociales de celui-ci. Les GFCE étant, juridiquement, des sociétés civiles immobilières, tout acquéreur de part devient associé du groupement, et bénéficie donc d’un droit de vote à l’assemblée générale annuelle du groupement. Cet investissement est assorti d’exonérations fiscales importantes, prévues par le droit français. Comme souligné plus haut, la diversité du mouvement est importante : le montant des parts et les conditions d’engagement varient selon les GFCE. Pour en savoir plus, nous vous invitons donc à prendre contact avec eux.

Pour les identifier, une carte interactive est disponible sur le site Info GFCE.