Les luttes réussies de l’écologie populaire

Les luttes réussies de l’écologie populaire

Ils se sont rassemblés pour défendre leurs territoires, leurs emplois ou leur santé. Petit tour des luttes de l’écologie populaire qui ont fait gagner l’environnement et la justice sociale.
19 August 2024
par Hajar Ouahbi
5 minutes de lecture

Côté médailles, l'écologie populaire en a décroché quelques-unes ces dernières années et ouvert dans le même temps de nombreuses poches de résistance à travers la France. Pour les militants-combattants de ces bastions contestataires, il s'agissait de défendre leurs territoires, leurs emplois et leur santé. “Les luttes locales sont clairement devenues un mouvement social qui ne s’ignore plus”, affirme Chloé Gerbier, juriste et cofondatrice de Terres de luttes, dans les colonnes de Politis. On vous en présente quelques-unes ?

Le Larzac, la convergence des luttes

C’est l’histoire d’un combat, contre l’extension d’un camp militaire, pour le maintien de l’agriculture paysanne. C’est l’histoire du Larzac, théâtre d’une mobilisation plurielle qui a marqué les années 1970 en France.

On résume. En 1971, le gouvernement annonce un projet d'agrandissement du camp, menaçant d'expropriation une centaine de fermes. Les paysans, soutenus par une vaste coalition de militants écologistes, pacifistes et syndicaux, entament une résistance non violente. 

Les initiatives sont à la fois créatives et participatives. L’idée est d’embarquer un maximum de monde dans ce combat. En 1972, l’opération "Fermes ouvertes", relayée notamment par Charlie Hebdo permet d’accueillir plusieurs milliers de personnes sur le Larzac pour visiter les exploitations et les bergeries, rencontrer la population. Lors des deux veillées, tout ce joli monde commence à se mélanger. Des discussions s'engagent entre les agriculteurs chrétiens et les « chevelus », hippies et jeunes contestataires, venus de toute la France et même d'ailleurs.

Rapidement, 200 comités de soutien au Larzac sont créés dans plusieurs villes qui relaient le combat en distribuant brochures et tracts. Déjà à l’époque, environnement et emploi sont indissociables. Des liens forts sont tissés avec les ouvriers de Lip récemment licenciés en masse.

La lutte alterne entre actions locales et mobilisations nationales. Pour se faire entendre, les paysans montent à la capitale. En 1972 pour installer leurs brebis sous la Tour Eiffel et attirer l’attention des médias. En tracteurs l’année suivante, puis à pied en 1978. 

L’été, des grands rassemblements sont organisés sur le Larzac pour médiatiser la lutte des paysans et mobiliser l'opinion publique en faveur de leur cause. Un genre de Woodstock local où l’on fait la fête, refait le monde et renforce la solidarité entre les différents acteurs de la lutte. Une alchimie inédite qui fait encore école aujourd’hui. Toute cette émulation crée des liens entre les différents mondes et finit par porter ses fruits.

Il faudra attendre 1981, après une décennie de lutte, pour que François Mitterrand, élu président annule le projet, marquant la victoire des opposants.

Des luttes locales aux impacts mondiaux

Un autre exemple marquant de la mobilisation populaire se trouve dans le combat pour la sauvegarde du marais poitevin, une vaste zone humide entre Niort et La Rochelle. Dans les années 1970, face aux projets de drainage pour l'agriculture intensive, écologistes, agriculteurs conventionnels et habitants unissent leurs forces. Leur lutte acharnée mène au classement du marais poitevin en “Parc naturel régional” en 1979, label perdu en 1996 puis récupéré en 2014. 

Également, les conséquences de la marée noire provoquée par le naufrage du pétrolier Amoco Cadiz en 1978 au large des côtes bretonnes marquent une étape décisive dans la prise de conscience environnementale en France. La mobilisation massive des habitants et des pêcheurs pour nettoyer les côtes et réclamer des mesures de prévention contre de telles catastrophes conduit à des régulations maritimes internationales renforcées, soulignant l’impact global des luttes locales.

EuropaCity, un projet controversé à Gonesse

L'essor industriel des décennies suivantes n’a pas épargné d’autres régions françaises. Au début du XXIe siècle, de nouvelles menaces émergent sous forme de grands projets d'infrastructure. À Gonesse, au nord de Paris, un immense centre commercial et de loisirs nommé EuropaCity devait être construit sur des terres agricoles. EuropaCity promettait d’attirer 30 millions de visiteurs par an avec un cocktail de parcs de loisirs, d’équipements culturels, d’hôtels et de commerces. Ce projet, nécessitant un investissement de plus de 3 milliards d’euros, aurait entraîné l’artificialisation de 80 hectares de terres céréalières.

Là encore la population se mobilise. Dans les manifestations on peut lire sur les pancartes : « Des terres, pas des actionnaires », « Des navets sous les pavés », « Des radis, pas des caddies ! ». Des alternatives sont proposées par les militants pour éviter ce projet fait de centres commerciaux et de pistes de ski artificiel. En 2019, après des années de manifestations, de pétitions et de recours juridiques menés par le Collectif pour le Triangle de Gonesse, le projet a été abandonné.

Bien que le collectif soit composé de diverses associations implantées en banlieue, il est difficile de déterminer l’origine sociale des personnes mobilisées. Toutefois, cette lutte a bénéficié à tous les habitants, y compris ceux des quartiers populaires. Le réalisateur Geoffrey Couanon a voulu illustrer cette histoire dans le documentaire “Douce France”. Amina, Sami et Jennyfer, trois lycéens, mènent une enquête avec leur classe de première sur le projet EuropaCity. En tant qu’habitants de cités, ils remettent progressivement en question l’aménagement de leurs territoires et se rendent compte qu’ils ont - eux aussi - leur mot à dire. 

Les zones urbaines naturelles sont aussi menacées

L'affaire EuropaCity a montré que les zones urbaines ne sont pas épargnées par la destruction des milieux naturels. En 2021, Grand Paris Aménagement présente le projet de piscine d'entraînement pour les Jeux olympiques de Paris 2024, menaçant de destruction les jardins ouvriers des Vertus à Aubervilliers, une des villes les plus pauvres du département le plus défavorisé de France, avec seulement 1,42 m² d'espaces verts par habitant… 

Face à cette menace, un groupe de jardiniers dissidents forme le Collectif de défense des Jardins ouvriers d’Aubervilliers à l’été 2020. Ce collectif, réunissant des jardiniers modestes et âgés ainsi que de nouveaux membres plus jeunes et politisés, attire rapidement l’attention des écologistes locaux et de militants de mouvements tels qu'Extinction Rebellion, Youth for Climate et Alternatiba. Tous dénoncent une dépossession démocratique et l’aggravation des inégalités environnementales. Les jardins ont fini par être détruits. Cependant, une semaine après leur destruction en février 2022, la justice a donné raison aux jardiniers. La Cour de justice a souligné l'importance écologique du site, une victoire symbolique mais trop tardive pour les défenseurs des jardins.

Cette lutte fait écho à celle des habitants de Montreuil, qui, en 2020, préoccupés par les effets des ondes électromagnétiques, se sont opposés à l’installation d’antennes-relais de téléphonie mobile près des zones résidentielles et des écoles. Leur mobilisation aboutit au déplacement de certaines antennes et à une sensibilisation accrue sur les impacts des ondes, prouvant que même dans un environnement urbain dense, la défense de la santé publique reste primordiale.

Ces combats, anciens et récents, sont amplement documentés. En France, les associations ZEA, Notre Affaire à Tous et Terres de Luttes ont diffusé en 2021 une étude intitulée « Les David s’organisent contre les Goliath », présentant un tableau détaillé des citoyens opposés aux projets nuisibles. Kevin Vacher, sociologue, a utilisé la carte des résistances dressée par Reporterre, recensant 370 points de contestation contre des initiatives telles que des entrepôts Amazon, des fermes-usines, des extensions d’aéroport, des centres de stockage de déchets ou encore des projets routiers. Ces luttes montrent que la résistance face aux projets industriels, qu’ils soient sportifs, commerciaux ou urbains, est loin d’être vaine. Elle est la preuve que chaque voix, chaque action, peut contribuer à préserver notre environnement et notre qualité de vie, même face à des enjeux économiques colossaux. Aujourd’hui, dans les combats pot de fer contre pot de terre, ce n’est plus forcément le métal qui gagne.


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