makesense en partenariat avec Socialter organisait le 20 février dernier une soirée “paumé.e.s dans mes nouveaux récits” avec deux membres du collectif « Les Parasites » et les réalisateur.ices du documentaire Foutu pour Foutu ! à L’Arche dans le 12e arrondissement à Paris.
Plus de 70 participants ont bravé la pluie ce jeudi pour se rendre l’apéro paumé.e.s à l’Arche ce jeudi 20 février. Mathilde, bénévole “superpaumé.e.s”, aka “un membre active de la communauté paumé.e.s”, accueille les participants avec un grand sourire et leur tend deux bols avec des bouts de papiers dans lequel chacun pioche un nom et adjectif qui fera office de sobriquet pour la soirée.
Un participant, dont on dirait qu’il vient de sauter tout habillé dans une piscine, se voit ainsi affublé du surnom “Simone de Beauvoir dans un concours canin” tandis qu’un autre écope d’un plus pragmatique “Leonardo DiCaprio dans une tente de sudation vaudou”.
La soirée commence par un “icebreaker” géant : l’animatrice demande aux participants d’imaginer en binôme ce à quoi pourrait ressembler “le grand basculement du 16 février 2023”, puis de fusionner leur histoire avec un autre binôme jusqu’à constituer un récit patchwork sorti du cerveau d’un groupe de 8 personnes.
Magali vient partager devant tout le monde le récit “fusionné” de son groupe impliquant, un trou noir, Donald Trump, et des “laméléphants”, “une nouvelle espèce née d’un choc atomique”. Une preuve de plus que l’intelligence collective a encore de beaux jours devant elle.
Si l’intention de cette soirée est de faire échanger les participant.es en évitant au maximum une posture “passive”, elle n’en est pas moins de les faire réfléchir. Un rapide rappel de la raison du choix de ce thème d’apéro est proposé par l’animatrice et réalisatrice du podcast paumé.e.s : “De plus en plus d’acteurs du changement se heurtent à un constat : si aujourd’hui ni les chiffres alarmants ni les alternatives proposées ne suffisent pas à pousser une majorité des habitants de cette planète à l’action, c’est qu’il manque un nouveau récit enviable qui se substituerait au récit dominant”.
« Si aujourd’hui ni les chiffres alarmants ni les alternatives proposées ne suffisent pas à pousser une majorité des habitants de cette planète à l’action, c’est qu’il manque un nouveau récit enviable qui se substituerait au récit dominant”.
Elle enchaîne : “Aujourd’hui nous sommes de plus en plus à nous sentir paumé.e.s, c’est à dire en quête de sens. Ce sens, ce sont les récits qu’on se raconte et que la société produit qui le donne en grande partie. Or, nous n’adhérons plus aux récits dominants de la carrière toute tracée, de la consommation, du mythe de la croissance infinie dans un monde fini. En perte de repères, nous avons besoin de nouveaux récits qui nous embarquent pour faire nous faire passer à l’action à grande échelle”.
La chroniqueuse Lucie prend le relai pour partager la manière dont on se construit un récit personnel tout au long de sa vie: “Le premier récit, c’est celui que ma famille m’a laissé en héritage. Des faits qui se sont passés avant ma naissance, sur lesquels je n’ai aucune prise, racontés n’importe comment. Et pour ajouter un peu de saveur, ce récit est raconté de façons différentes selon les personnes”.
Un point de départ personnel pour mieux parler d’un autre récit, celui-ci plus grand et inclusif : “Je milite pour le droit à ne pas jouer le jeu du récit préécrit. Le droit d’imaginer un autre récit. Je choisis non pas le comme d’habitude, ni le très individualiste “à ma manière”, mais un récit qui réussit à inclure le “nous” “
Pour mieux connaître l’appétence des participants à divers récits existants, l’animatrice propose un débat mouvant où les participant.es doivent se placer dans la salle selon deux axes “sexy, pas sexy” et “réalistes pas réalistes”. Sont projetées sur un écran les affiches du blockbuster Hunger Games”, du documentaire “Demain” de Cyril Dion, et la couverture des livres “Les Furtifs” d’Alain Damasio, de “Bâtir Aussi”, d’”Ecotopia” de Ernest Callenbach, un récit datant de 1972 décrivant une société utopique où les mécanismes de domination sont un lointain souvenir et le vivant mis au centre de l’activité sociale.
C’est au tour des intervenants, qui se plient au jeu d’un débat inversé, où ce sont les participants qui répondent aux questions du panel. Guillaume Desjardins des Parasites se lance dans un sondage à main levés : “C’est quoi les types de récits qui vous ont fait changer d’avis sur un sujet et passer à l’action ?”. Les mains se lèvent timidement quand il évoque la fiction, un peu plus plus franchement quand il propose le documentaire… L’unanimité se fait par un raz-de-marée de bras levés quand il suggère “les conversations avec des amis”, la preuve que la force du pair à pair, des récits de “bouche à oreille” sont encore très puissants.
Les intervenant.es, qui ont pour point commun leur adhésion au récit de l’effondrement, ont été choisi.es pour leurs approches différentes et complémentaires de ce dernier : très intime et personnel pour Romain et Agathe les réalisateur.ices du documentaire Foutu pour Foutu, plus anxiogène et “hollywoodien” pour les Parasites qui mettent en scène les jours suivant un “effondrement” en 8 épisodes en plan-séquences, dont l’intensité n’a rien à envier aux plus gros blockbusters du genre.
Deux recettes efficaces pour provoquer le questionnement, puis l’action chez les spectateurs.
Pour Romain et Agathe, la démarche était cathartique : comment se sortir de la torpeur quand on apprend que le monde dans lequel on vit s’effondre ? Quand on sait que cet effondrement crée des chocs aux conséquences dramatiques sans retour possible pour le vivant ? En partant avec leur caméra interroger leurs proches et comprendre leurs états-d’âmes mais aussi des expert.es et des personnes portant des alternatives. “En dévoilant l’intime, en osant nous montrer vulnérables et en posant les questions qui nous touchent vraiment, on touche à l’universel, c’est pour ça que le documentaire parle à autant de gens”.
Pour Guillaume et Jérémy des Parasites la démarche est différente. Passionnés par le medium de la vidéo, c’est leur prise de conscience progressive qui leur donne envie de mettre leur talent de réalisateur.ice au service de leur engagement. “La série “effondrement” est née de notre envie de peindre ce qui se passerait si le monde s’effondrait, certains nous ont dit qu’ils trouvaient ça trop bisounours, d’autres nous ont dit que ça ne donnait pas d’espoir…”.
“Moi, c’est la peur qui m’a toujours donné envie de me bouger” répond Guillaume des Parasites. Pour Jérémy, c’est la sensation d’injustice qui est un moteur puissant. Pour Agathe, c’est la colère. “La colère est une émotion qui fait bouger mais qui use à force”. Guillaume répond “Oui, c’est pourquoi c’est important en même d’aussi co-construire dans la joie !”.
La soirée se termine par un apéro informel. L’occasion pour les paumé.e.s participants d’échanger sur leurs récits préférés entre quelques chips à la betteraves et tartines de houmous. Quelle meilleure manière que de refaire le monde que d’en discuter une bière à la main ?
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