Les 10 conseils de Rilke pour la rentrée (et pour toute l’année)

Les 10 conseils de Rilke pour la rentrée (et pour toute l’année)

La poésie sauvera le monde ? Peut-être. Tenez, Rainer Maria Rilke a plein de choses à nous souffler en cette rentrée qui a déjà bien commencé. Vianney a tendu l’oreille et revient les mains chargées de trésors à méditer.
02 October 2024
par Vianney Louvet
6 minutes de lecture

Rilke. Un petit nom discret, quelques petites lettres qui en cachent d’autres qui ont inspiré des masses d’âmes humaines. “Lettres à un jeune poète”, ce titre vous parle ? Si non, vous avez une chance folle. Comme quelqu’un qui s’apprête à goûter du chocolat noir cajou caramélisée pour la première fois. Ce monsieur Rilke, Rainer Maria de son vrai nom, est un poète autrichien, né en 1875 à Prague. Le réduire au “poète” est un manque d’exactitude. Artiste, mystique, créatif, un sage même, Rilke, c’est peut-être tout ça à la fois. Une star internationale en beaucoup mieux, beaucoup plus discrète. 

Nous aurions pu éplucher de nombreux ouvrages du monsieur. Les Élégies de Duino et Les Sonnets à Orphée datant tous les deux de 1922, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge écrits 12 ans plus tôt ou encore les Notes sur la mélodie des choses, qui, rien que par leur titre, donnent envie de ralentir et de contempler. 

Mais ce sont les fameuses “Lettres à un jeune poète” écrites à Leipzig en 1929 qui seront à l’honneur dans cet article. Ce recueil de dix lettres adressées à “un jeune poète” donc, un certain Franz Xaver Kappus entre 1903 et 1908, est un ouvrage aussi simple que vertigineux de profondeur. Chaque lecture puis relecture ouvre à des infinis en nous, complètement ignorés, complètement géniaux. On va vous en présenter des petits bouts, chose douloureuse que de devoir choisir, mais PAR PITIÉ lisez-le, un jour, demain par exemple, en entier !

Conseil 1 : une rentrée réussie est une rentrée en soi

“La destinée ne vient pas du dehors de l'Homme, mais elle sort de l'Homme même.” Relisez plusieurs fois cette phrase. Normalement au bout de quelques répétitions, vous aurez l’impression qu’on vient de retirer une couche de stress à votre existence. Non, ce n’est pas votre n+1, votre voisin ou même meilleur ami qui détient la clé d’un lancement d’année scolaire réussie. C’est bien quelque part en vous que cela se passe. Quel mystère délicieusement éprouvant.

Conseil 2 : une question pour répondre à la question

“Pour l'instant, vivez les questions. Peut-être, un jour lointain, entrerez-vous ainsi, peu à peu, sans l'avoir remarqué, à l'intérieur de la réponse.” Si vous lisez ces mots à chaque début de mois, vous verrez que ces mots sont des caméléons existentiels. On lit, on croit comprendre, on a compris, on n’a pas compris, on veut comprendre, on comprendra ? Finalement, on questionnera et ce sera déjà très bien pour aujourd’hui. 

Ce qui est sûr c’est que cela prendra du temps. Et que ce temps est tout sauf perdu. “Laissez à vos jugements leurs développements propres, silencieux. Ne le contrariez pas, car, comme tout progrès, il doit venir du profond de votre être et ne peut souffrir ni pression ni hâte. Porter jusqu'au terme, puis enfanter: tout est là.”

Conseil 3 : la rentrée sera belle, et seulement belle

“Les œuvres d'art sont d'une infinie solitude.” Rainer Maria vous a perdu ? Contemplons ensemble cette scène. Un musée en plein week-end, du bruit, des pas, de la hâte. Et cette personne, figée, devant une petite sculpture de Camille Claudel, “la Petite Châtelaine”. La personne bouge encore moins que la Châtelaine. Et à cet instant, la beauté qui l’a saisie n’a d’égal que la solitude qui est la sienne. “Pour les choses les plus profondes et les plus importantes, nous sommes inqualifiablement seuls.” La rentrée serait-elle l’occasion d’explorer l’infinie solitude dont nous parle Rilke ? Peut-être, et l’ascenseur le plus efficace, qui ne restera jamais bloqué, ce sont les œuvres d’art qui nous attendent, ici et là. Partout nous dit-il même : “Si beaucoup de beauté est ici, c'est que partout il y a beaucoup de beauté.”

Rainer Maria Rilke avec le jeune Balthus et sa mère, Baladine Klossowska.

Conseil 4 : laissons les enfants nous enfanter

“Les enfants sont toujours comme l'enfant que vous fûtes : tristes et heureux ; et si vous pensez à votre enfance, vous revivez parmi eux, parmi les enfants secrets. Les grandes personnes ne sont rien, leur dignité ne répond à rien.” Faut-il rajouter à la cathédrale de ces phrases mes échafaudages de décryptage ? Non, cela gâcherait le paysage. 

Conseil 5 : la rentrée dans le dur

“Confiez-vous toujours davantage à tout ce qui est difficile et à votre solitude. Pour le reste, laissez faire la vie. Croyez-moi, la vie a toujours raison.” Celle-là est peut-être plus facile à entendre quand le “difficile” s’est un peu éloigné de nous pour nous laisser un petit bol d’air. Et demandons à Rilke d’écrire sur notre frigo que “la vie a toujours raison”, histoire qu’on ne l’oublie pas trop vite. 

Conseil 6 : rien ne sera anodin

“Pour se conseiller, pour s'aider l'un l'autre, il faut bien des rencontres et des aboutissements. Toute une constellation d'événements est nécessaire pour une seule réussite.” Il y a eu ce rien entre vous et ce chauffeur de bus ce matin, et puis ce coup de fil que vous n’attendiez pas, et puis ce café que vous avez bu avec délice, et puis cette émission radio que vous découvrez et puis l’échange sur le palier avec le nouveau du dessus. Rien de tout cela ne semble avoir sa place dans le dossier “inutile” pour Rilke. Tout contribuera… à quoi au fait ?

Conseil 7 : faisons la rentrée de l’amour

“L'amour, c'est l'occasion unique de mûrir, de prendre forme, de devenir soi-même un monde pour l'être aimé. C'est une haute exigence, une ambition sans limite, qui fait de celui qui aime un élu qu'appelle le large.” Lire et relire ce passage donne envie d’aimer. Presque égoïstement, parce que Rilke considère la voie amoureuse comme le chemin le plus efficace pour accéder à cette immensité en soi, monde hors du monde. À partir de là, quel que soit cet être aimé, il y aura cette part d'altérité, de mystère, d’inexploré à accepter. “Aimer, c'est devenir un monde, un monde en soi pour quelqu'un d'autre.” Ainsi, aimer, cette année, ce serait paradoxalement accepter de ne pas pouvoir se lier à l’autre jusqu’au bout. Parce qu’au bout du bout, nous nous retrouvons inéluctablement face à elle, notre solitude. “Dans la mesure où nous sommes seuls, l'amour et la mort se rapprochent.”

Le couple Rainer Maria Rilke et Clara Westhoff

Conseil 8 : créons pour en perdre la raison

“Si votre vie quotidienne vous paraît pauvre, ne l'accusez pas; accusez-vous plutôt, dites-vous que vous n'êtes pas assez poète pour en convoquer les richesses. Pour celui qui crée, il n'y a pas, en effet, de pauvreté ni de lieu indigent, indifférent.” Le conseil n°1 de cet article nous rappelle la clé du dedans face à la tentation du “tout-dehors”. Et à cela Rilke ajoute la pierre angulaire d’une joie profonde (le mot est-il trop osé ?). La création. La poésie. Arme de guerre constituée de quelques fleurs et autres détails inutiles de nos vies. 

Conseil 9 : on est prêt ?

“Seul celui qui est prêt à tout, celui qui n'exclut rien, pas même ce qui est le plus énigmatique, vivra la relation à quelqu'un d'autre comme si elle était quelque chose de vivant, et y jettera même toute son existence.” Point à la ligne. 

Conseil 10 : faisons le tri seulectif

“Seules sont mauvaises et dangereuses les tristesses qu'on transporte dans la foule pour qu'elle les couvre.” Oui le jeu de mot de ce dernier conseil est regrettable et d’avance je vous présente mes excuses publiques. La solitude, encore. Mais cette fois-ci sous un autre visage. Moins lumineux peut-être que celui du mouvement créatif. 

Le brouhaha des collègues à midi : la foule. Les écrans : la foule. Mon agenda obèse : la foule. La fatigue de journées millimétrées : la foule. Les voitures, instagram : la foule. Le dossier “foule” de nos vies est beaucoup trop documenté, beaucoup trop étalé sur le bureau de nos quotidiens. La foule qui couvre est parfois aidante pour avancer. Mais quand l’élan de l’écart est là, tentons un truc, et voyons ce qui se passe… Une dernière couche de solitude, une sorte de bilan à garder dans nos besaces, pour finir : “Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer durant des heures personne, c'est à cela qu'il faut parvenir. Être seul, comme l'enfant est seul…” Voir conseil 4. Et 1 et 2 et 3 et… voir toutes ces lettres. Et revoir. Et relire. Et rentrer. Et revivre. 


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