Suivre les chemins tout tracés ? Trop peu pour elle. Alexandra aime les grands écarts, entre bureau et poireaux. Elle nous raconte sa transition qui l’emmena de Paris à Reims, des tours de verre aux champs de terre…
Trente-sept ans. Trois enfants. Et toutes ses dents ! Alexandra a pourtant fait un choix que d’aucun jugeaient “casse gueule”, quand elle abandonna sa carrière de CSP+ pour se lancer… dans les potagers collaboratifs. On rembobine ?
Le temps d’avant…
Dans sa première vie, Alexandra enchaîne les succès en mode fast-life. Diplôme à l’école de commerce de Reims. Premier job au grand magasin Le Printemps. Puis des cabinets de conseil en finance. Une histoire d’amour la fait revenir à Reims où elle se fait embaucher par une grosse maison de champagne. Elle y reste sept ans, et se sent de plus en plus attirée par le terroir… Elle se souvient :
“En marketing, tu es déconnecté de la production. Je voulais sortir des bureaux. Faire des choses concrètes… Et puis, il y avait l’urgence écologique. Moi, dans mon bureau, je vendais des paillettes ; l’utilité sociale du champagne est très limitée.”
Et puis il y a la mort, aussi. Celle d’un ami, qu’elle accompagne jusqu’au bout. Cet épisode lui fit dire : “Il faut que j’en profite.” Alors elle mûrit son projet. Cherche des idées. S’oriente vers les secteurs de l’agriculture, de l’alimentation, qui résonnent avec ses aspirations profondes.
“Je suis du genre à tout préparer, tout organiser… Je ne fais rien à l’arrache ! Mais je n’ai pas attendu le burnout non plus.”
Il y a trois ans, elle se sent enfin prête. Elle annonce son départ à sa direction. La chose se passe en douceur et dans le respect mutuel. Ce climat apaisé permet à Alexandra de bénéficier d’une rupture conventionnelle. Une aide qui lui sera très utile.
“On a deux ans de chômage en France, c’est génial ! Cela laisse vraiment le temps de monter un projet, pour peu qu’on soit méthodique !”
La méthode Alexandra
“J’ai suivi une méthode simple : la méthode des petits pas. Tous les jours, j’ai fait quelque chose qui me faisait avancer vers mon but.”
Consciente de ses forces et de ses faiblesses, Alexandra commence par se former. D’abord en apiculture (une activité qu’elle poursuit en amatrice, encore aujourd’hui). Puis elle suit des cours en ligne, rencontre des gens, fait des stages auprès de maraîchers… Elle tient d’ailleurs à préciser que le chômage autorise “des immersions en entreprise de 15 jours” - ce dont elle a largement profité pour mettre les mains dans la terre aux côtés de vrais professionnels. Elle a même fini par obtenir une certification en permaculture !
Pour autant, Alexandra ne souhaite pas devenir paysanne. Car elle l’admet tout de go : pour elle, le potager n’est qu’un alibi.
“C’est un outil formidable pour améliorer la qualité de vie au travail, créer du lien social, mais aussi pour sensibiliser sur les questions d’alimentation, de bien-être, d’écologie…”
Autant de sujets qui la passionnent et qu’elle investit avec sa nouvelle entreprise : Happy Culture.
Le résultat : une micro-entreprise florissante
Avec Happy Culture, Alexandra propose d’installer et d’animer des potagers collaboratifs. Ses clients sont des bailleurs sociaux, des villages, des maisons de retraite, des prisons, des entreprises… Désormais, c’est sur ce dernier secteur qu’elle concentre ses efforts.
“Moi, j’aurais adoré avoir un potager au bureau… Mais les entreprises ne sont pas encore mûres pour investir dans la qualité de vie au travail. À nous d’aller les chercher et de les convaincre !”
Pour le moment, Alexandra est seule à bord de son entreprise. Elle estime pouvoir gérer quinze, peut-être vingt potagers en simultané, notamment grâce au soutien de l’association TAPAJ, qui lui envoie des jeunes en réinsertion dans le cadre de missions courtes et rémunérées (une journée en moyenne). Et après ? Après, elle verra…
Après trois ans, le bilan !
“J’ai pris des risques mesurés, dit Alexandra. Quand tu bifurques, tu utilises aussi tes anciennes compétences. J’ai changé d’univers, mais j’utilise encore mes acquis de commerciale, de marketing, de communication.”
D’un point de vue strictement financier, elle n’a presque rien perdu, sauf évidemment les avantages du salariat : stabilité, retraite, mutuelle… Mais heureusement sa nouvelle vie lui paraît plus riche de sens, de possibilités, d’adrénaline, et surtout, d’avoir un meilleur équilibre entre le professionnel et le personnel.
Alexandra n’a pas de regret, bien au contraire. Elle l’affirme, un brin philosophe, en empruntant une phrase de Sylvain Tesson : “On sait qu’on est sur la bonne voie parce qu’on a plus envie de se retourner !”
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