La montée des extrêmes droites en Europe, ça a changé quoi ?

La montée des extrêmes droites en Europe, ça a changé quoi ?

L’extrême droite au pouvoir ça change quoi ? Petit tour du côté des pays européens qui ont déjà expérimenté ce type d’idées dans leur gouvernement. Spoiler alert, ça craint !
13 June 2024
par Marie Hazan
5 minutes de lecture

Dimanche 9 juin 2024, c’est la douche froide. Aux élections européennes, en France, c’est Le Rassemblement national de Jordan Bardella qui domine le scrutin, avec 31,37% des voix. Un résultat d’autant plus effrayant quand on le met en regard de l’Europe : le cas de la France est loin d’être isolé. L’extrême droite grimpe en flèche de tous les côtés.  Et les répercussions sur la vie quotidienne sont loin d’être anodines.

L’extrême droite est à la tête des gouvernements italien et hongrois. Dans ces deux pays, tout comme en Autriche et en Belgique, elle finit également première du scrutin européen. En Finlande et en Slovaquie, cette idéologie participe à l’exécutif. Au Portugal, le parti Chega effectue une percée historique en mars. Au Pays-Bas, le PVV (anti-immigration et climatosceptique) gagne 37 sièges sur les 150 du parlement. En Allemagne, l’AfD arrive en deuxième position des Européennes. Bref, « ils sont partout », et c’est flippant. Désolée de casser directement le délire, mais les conséquences déjà observables de cette montée de l'extrême droite sur le continent ne vont pas nous rassurer. La preuve. 

Des idéologies racistes et anti-immigrations en veux-tu, en voilà. 

Alors, clairement, nous, on n’en veut pas. Mais le gouvernement de Giorgia Meloni, dirigeante du parti postfasciste Fratelli d’Italia depuis fin 2022, lui, ne jure que par ça (ou presque. Ils sont aussi homophobes et pas très modernes sur leur considération de la femme, mais on y reviendra plus tard.) 

Le 5 mai 2023, une nouvelle loi sur l’immigration est publiée au journal officiel italien : c’est le décret Cutro. Son objectif ? Réduire les droits des exilés. Le texte prévoit notamment de restreindre la « protection spéciale » (un titre de séjour accordé aux migrants exposés à des risques humanitaires), de lutter contre les passeurs qui peuvent désormais écoper de 30 ans de prison ferme, ou encore, de réduire le nombre de demandes d’asile. Bonne ambiance. 

Ces idées ne s’arrêtent pas à la frontière italienne : pendant que des migrants cherchent une vie meilleure en Europe, l’Allemagne, la Suède, la France, le Danemark ou encore le Royaume-Uni multiplient à leur tour des mesures pour limiter ou contrer l’immigration.  

Le 10 janvier 2024, le média allemand Correctiv fait une révélation glaçante : en secret, une réunion de représentants des mouvances néo-nazies et des membres du parti Alternative für Deutschland (AfD) s’est formée autour d’une volonté commune :  expulser plus de 2 millions de personnes hors du pays, simplement parce qu’elles sont étrangères ou d’origine étrangère. 

Oui, nous sommes en 2024, et l’impression historique de « déjà-vu » à laquelle nous ramène ce projet à de quoi nous glacer le sang.

Un pas en avant, 15 pas en arrière dans la lutte pour le droit des femmes 

Les mouvements d’extrême droite sont conservateurs, et attachés à l’image de la petite famille nombreuse et hétérosexuelle comme modèle de réussite. Naturellement, ces politiques ne sont pas favorables à l’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) pour toutes. Certaines l’encadrent drastiquement, d'autres vont jusqu'à rendre la pratique illégale. 

Et malheureusement, les exemples se donnent au pluriel. En 2020, la Pologne restreint l’accès à l’IVG : les femmes ne peuvent plus y recourir qu’en cas de viol, d’inceste, ou si la grossesse représente un danger pour la vie de la mère. 

Depuis 2022, en Hongrie, les femmes qui veulent avorter sont obligées d’écouter le cœur de leur foetus battre avant de procéder à l’interruption. C’est d’une violence inouïe. 

Il y a quelques mois seulement, en Italie, le gouvernement fait adopter une mesure permettant aux militants anti-avortement d'accéder aux cliniques publiques, alors même que celles qui avortent sont obligées de passer leurs portes. 

Chez nous, le RN, arrivé majoritaire aux Européennes n’est pas gage de mieux : le parti s’est opposé à plusieurs reprises à l’avortement. En avril 2024, aucun de ses eurodéputés ne votent pour l’inscription du droit à l’avortement dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Ça ne s’arrête pas là. En mai 2023, le même groupe d’eurodéputés s’abstient sur la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Abject, vous avez dit ? 

Idem pour les droits LGBT+ 

En Pologne, le discours homophobe et anti-LGBTQIA+ se diffuse depuis l’arrivé au pouvoir du PiS (parti “Droit et Justice”) en 2015. En 2020, plus de cent collectivités locales à travers le pays (soit, un tiers du territoire) se sont déclarées  « zones libres d’idéologie LGBT ». Autrement dit, elles se proclament ouvertement homophobes, et interdisent les subventions aux associations de défense des droits LGBTQIA+, ainsi que les Pride. Le mariage homosexuel y est encore interdit. 

En Hongrie, Victor Orban, Premier ministre conservateur mène une politique discriminatoire et homophobe. En 2021, il adopte une loi interdisant la « propagande » de l’homosexualité, ou de la transition de genre auprès des mineurs. Un mois après, la Commission européenne ouvrait une procédure d’infraction contre le pays, pour « atteintes aux valeurs fondamentales de l’Union européenne ».

Un rappel à la loi qui ne décourage pourtant pas l’Italie. En mars 2023, Giorgia Meloni, qui a fait de la tradition du modèle familial hétérosexué son vrai fer de lance, émet une circulaire. Dedans, elle demande aux maires de ne plus transcrire les actes de naissance des enfants nés de GPA à l’étranger (puisqu’interdite en Italie, évidemment). Peu après, elle élargit la demande aux enfants conçus par PMA par des couples homosexuels.

Coup dur pour la planète

L’extrême droite n’a jamais été reconnue pour ses prises de conscience écologiques, et pour cause : ces partis n’ont aucune conscience écologique. Au contraire, ils se reconnaissent davantage dans un discours climatosceptique. 

En 2018, un ministre du Fidesz hongrois déclare que « le degré auquel les activités humaines impactent le climat est discutable ».

Récemment, aux Pays-Bas, le PVV de Geert Wilders a basé sa campagne sur des idées climatosceptiques, minimisant l’ampleur de la crise climatique, et refusant la coopération internationale sur le sujet. Parmi ses préconisations : davantage d’extraction de pétrole et de gaz de la mer du Nord, et le maintien des centrales au charbon et au gaz. Nice. 

Pendant ce temps, l’AfD allemand continue à remettre en question l’origine humaine du réchauffement climatique, le RN s’oppose à l’installation d’éoliennes, et l’ensemble des partis d’extrême droite s’accorde pour critiquer et remettre en cause le Pacte vert de L’Union Européenne. 

Démocratie chérie 

En résumé, la montée des extrêmes droites aux quatre coins du continent affaiblit les droits humains, notamment les droits des femmes, des membres de la communauté LGBT+, ou des personnes d’origine étrangère. En Italie, Pologne ou Hongrie, la liberté de la presse, elle aussi, en a pris un coup. 

L’extrême droite est une menace pour nos avenirs. Pour les élections européennes, c’est déjà trop tard. Mais pour les législatives, on peut encore faire front. Le 30 juin et le 7 juillet, tous et toutes aux urnes !