Élections européennes : qui propose quoi pour le climat ?

Élections européennes : qui propose quoi pour le climat ?

Tous les partis sont-ils tous engagés sur les questions climatiques ? Décryptage des programmes pour mieux savoir pour qui voter aux élections européennes du 9 juin.
06 June 2024
par Vert, le média qui annonce la couleur
11 minutes de lecture

Feuille de route. Alors que les élections européennes se tiendront ce 9 juin, Vert s’est penché sur les promesses de campagne des un·es et des autres. Pour connaitre les idées de chaque camp en matière de transport, d'énergie et de bâtiment, on a passé au crible les programmes des principaux partis français, en fonction des résultats aux précédentes élections et des intentions de vote.

👉 Dans les grandes lignes

Certes, tous les partis parlent bien des enjeux environnementaux et du climat (ouf !). Mais de manière plus ou moins précise, et plus ou moins ambitieuse. Le Rassemblement national (RN), porté par Jordan Bardella, promeut par exemple une «écologie raisonnable» plutôt que «punitive»et refuse «d’opposer l’Homme à la Nature et de criminaliser l’action du premier», pendant que les Républicains (LR), attaquent de front «l’écologie de gauche totalitaire». Le parti de François-Xavier Bellamy n’a pas envie de «subir» le dérèglement climatique, mais il n’est pas tout à fait prêt à agir non plus : «l’urgence est d’inciter les autres zones à réduire leurs émissions», en veillant à «ne pas se faire envahir de produits chinois».

Renaissance, le mouvement de la majorité présidentielle et à la tête duquel se trouve Valérie Hayer, mise tout sur le «progrès», se félicitant que nous soyons «le territoire le plus en pointe dans la lutte contre le changement climatique dans le monde». Le PS et Place publique avec Raphaël Glucksmann parie aussi sur des lendemains novateurs, et entend bâtir «une puissance pour le climat» voire une «révolution industrielle verte».

Pour L’Union populaire, la liste de La France insoumise (LFI) emmenée par Manon Aubry, les pollueurs et les plus riches doivent s’attendre à payer. Le parti refuse toute «pause» sur les règles environnementales — à l’inverse d’Emmanuel Macron — et assume vouloir renforcer le Pacte vert, un regroupement de lois pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Taxer les pratiques climaticides, et conditionner les prêts et aides européens à des critères écologiques, LFI entend taper au portefeuille.

Enfin, le projet des Écologistes, dont la cheffe de file est Marie Toussaint, repose sur le principe de  «mettre l’industrie au service de la transition écologique, de la sobriété, de la dépollution», en instaurant «un plafond environnemental à ne pas dépasser».

👉 Dans le détail

Les propositions des candidat·es pour le transport

Avec l’explosion des déplacements, le transport est le seul secteur économique où les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté au cours des 30 dernières années. Il est responsable d’un quart des émissions de gaz à effet de serre dans l’Union européenne (UE), dont 70 % pour le transport routier et 13% pour l’avion. D’ici 2050, l’UE entend réduire les émissions des transports de 90% par rapport aux niveaux de 1990.

  • Modes doux

La marche et le vélo, ces modes de transports dits actifs, ne sont pas évoqués dans tous les programmes. Si le PS-Place Publique promet d’y consacrer de l’argent, notamment pour des itinéraires cyclables, les Écologistes sont les seuls à donner un chiffre : 10 milliards pour le vélo. Ils proposent aussi de faciliter l’accueil des bicyclettes dans les trains, la location dans les gares et plus de moyens alloués aux collectivités pour les mobilités durables. Pour LFI, il s’agirait que des objectifs de pistes cyclables et d’infrastructures soient fixés pour chaque pays.

  • Train

Ce volet est parfois abordé assez succinctement. Le RN estime que l’Europe doit favoriser un redéploiement «massif» du transport ferroviaire, et veut, pour ce faire, «déroger aux règles européennes de concurrence». Renaissance s’engage à doubler la part du fret ferroviaire et des trains de nuit et à instaurer un Pass Rail illimité pour les jeunes (une promesse abandonnée par Emmanuel Macron, finalement mise en place temporairement cet été en France).

Cette idée de «pass» revient chez le PS-Place publique et Les Écologistes sous la forme d’un ticket-climat. Il coûterait 49 euros par mois pour le camp de Glucksmann et concernerait les transports de proximité. Et pour la team Toussaint, il prendrait la forme d’un abonnement mensuel, «pour permettre les déplacements partout en Europe dans les trains régionaux à un prix accessible». LFI parle plutôt d’un «ticket rail européen» sur le modèle d’Interrail et d’un pass de 6 mois offert aux 18–25 ans.

Le PS-Place publique envisage aussi d’augmenter les fonds destinés aux petites lignes, au train de nuit et au fret ferroviaire, lequel devra être mieux connecté aux ports fluviaux et maritimes. En réduisant les péages ferroviaires pour les trains de nuit, le parti mise sur une baisse des prix des billets. Des propositions, là encore, proches de celles des Écologistes qui veulent doubler la part du fret ferroviaire d’ici 2030 en taxant le fret maritime et aérien, en baissant les frais de péage ferroviaire et en haussant le tarif des péages pour les camions. Un guichet unique de réservation serait disponible pour les trains à travers l’Europe. Les Écologistes parlent d’un «choc d’offre ferroviaire» avec plus de trains, notamment de nuit, et plus d’interconnexions. Ils ont chiffré l’investissement nécessaire à 39 milliards, sur les 72 dédiés aux transports.

Pour LFI, le renouveau du rail passe par la baisse des tarifs, la rénovation et le développement des lignes de fret, mais aussi des trains du quotidien et des trains de nuit. Le parti souhaite rétablir un monopole public du rail et revenir sur la «mise en concurrence forcée des transports publics urbains et régionaux».

LR veut aussi investir «d’urgence» dans le développement des infrastructures ferroviaires, passagers et marchandises, «pour améliorer les connexions à travers l’Europe et entre les zones urbaines et interurbaines». Cela passerait par «un grand programme de développement du transport ferroviaire sur tout le continent» et l’idée de «faire progresser le réseau transeuropéen de transport».

  • Voiture

Deux partis annoncent leur volonté de revenir sur l’interdiction de la vente de voitures thermiques neuves en 2035 : le RN, qui prétend «défendre les automobilistes» face aux «normes européennes absurdes», et LR, selon qui il faudrait tenir compte de «l’ensemble du cycle de fabrication et d’utilisation du produit». Rappelons qu’en France, sur sa durée de vie, une voiture électrique a un impact carbone 2 à 3 fois inférieur à la voiture thermique (notre article).

Le RN précise qu’il est également opposé à la multiplication des zones à faibles émissions (ZFE), destinées à limiter le taux de particules fines dans les grandes villes. Ce sujet est aussi abordé par LFI qui entend «mettre fin» aux ZFE «dans leur conception actuelle» en vue de réduire les inégalités sociales et limiter la tolérance à l’égard de certains véhicules, notamment les SUV.

De son côté, Renaissance ne s’étend pas beaucoup sur cette thématique qui se résume à une promesse : dix millions de véhicules propres produits en Europe d’ici 2030.

Le PS-Place publique évoque, en plus de l’électrification des voitures, celle des bus et des camions et propose la multiplication des bornes de recharge. Un fonds social climat devrait par ailleurs aider les citoyen·nes à accéder à un véhicule électrique peu lourd.

La question du poids des véhicules est aussi abordée par LFI qui suggère de la limiter, ainsi que la taille et les dimensions des SUV, tout en développant des alternatives à la voiture individuelle. Le parti veut relocaliser la production de petites voitures citadines et instaurer une «barrière douanière» contre les véhicules importés. Pour les Écologistes, le poids des véhicules doit être réduit également et l’autopartage encouragé. 100% des véhicules du parc professionnel devront être électriques d’ici à 2030. L’alliance entre véhicule électrique et autoproduction d’électricité, par exemple avec des panneaux solaires, doit être soutenue.

Deux partis évoquent aussi les camions : le PS-Place publique, qui propose une écotaxe sur les poids lourds (lancée en France puis abandonnée en 2017), et les Écologistes, qui veulent revenir sur l’autorisation des méga-camions décidée par le Parlement européen en mars.

  • Avion

Si le sujet n’est pas abordé dans la feuille de route du RN, ni celle de LR, pour Renaissance, «un avion vert européen», dont les modalités ne sont pas précisées, serait la piste d’avenir.

Pour les Écologistes, le trafic aérien doit être réduit, les extensions d’aéroport refusées et la niche fiscale sur le kérosène supprimée. Les vols de petits avions, transportant moins de 60 passager·es doivent être règlementés et les vols à but professionnels taxés. Le PS-Place publique entend aussi réduire le trafic aérien, aujourd’hui quasi-équivalent en France à la période pré-Covid. Pour cela, il envisage trois leviers : taxer le kérosène, limiter l’expansion des aéroports, et imposer un niveau de TVA standard pour les billets d’avion.

Pour LFI, qui veut aussi une taxe sur le kérosène, il faudrait engager une «décroissance des vols remplaçables» et une interdiction des vols internes à l’UE «lorsqu’il existe une alternative en rail de moins de quatre heures, hors correspondance internationale». Pour le parti de Manon Aubry, une «taxe européenne sur les vols internationaux et intra-européens» doit être mise en place ainsi que des mesures contre la pollution sonore des aéroports. La recherche publique sur les carburants et l’électrification doit accompagner cette «bifurcation du transport aérien».

  • Transport maritime

Là encore, le sujet n’est pas traité par tout le monde. Pour les Écologistes, il faut supprimer la niche fiscale dont bénéficie le secteur. Et pour le transport maritime, comme pour l’aviation, lorsque l’électrification n’est pas possible, le parti veut mettre en avant des carburants alternatifs comme le biométhane, l’hydrogène vert, ou l’ammoniaque bas-carbone. Le parti veut utiliser davantage le transport fluvial, tout en renonçant aux gros projets de liaison comme le canal Seine-Nord Europe, qui entend relier l’Oise au Nord.

Les propositions des candidat·es pour l’énergie

Plus prolixe sur ce volet que sur les transports, le RN entend faire de la France rien de moins qu’«un paradis énergétique» grâce au nucléaire et à «de nouvelles technologies comme l’hydrogène», tout en refusant «l’ingérence européenne». Le parti veut rétablir «un prix français de l’électricité, par la fin des règles absurdes du marché européen» ; une réforme dont le but est de maîtriser les hausses de prix en période de crise, ce qui permettrait selon lui de baisser la facture de 30 à 40%. Le RN s’oppose également à la libéralisation des concessions de barrages hydroélectriques et au développement des énergies éoliennes «imposé par l’UE».

Nucléaire et hydrogène, la formule gagnante pour LR aussi. L’atome «nécessitera un soutien massif de la puissance publique dans les décennies à venir», car «c’est mieux que de financer des éoliennes», argumente la liste de Bellamy. Quant aux énergies renouvelables, qu’il «n’est plus nécessaire de subventionner à outrance», le choix doit être laissé à l’appréciation des États. Pour les industries les plus polluantes, «la capture et le stockage du carbone s’imposent». En parallèle, les centrales à charbon d’Allemagne et de Pologne devraient être taxées puis fermées. Hydrolien, fusion nucléaire, biogaz, hydrogène, LR mise aussi sur les avancées de la recherche pour diversifier nos sources d’énergie.

Pour Renaissance, l’énergie, c’est d’abord et avant tout le nucléaire, qui, avec les renouvelables, doit permettre «la sortie des énergies fossiles avant 2050» et la fin de l’approvisionnement en énergie russe en 2025. Le nucléaire devrait par ailleurs essaimer «dans les pays européens volontaires», avec l’aide d’investissements massifs qui permettraient de tripler cette énergie dans l’UE d’ici 2050.

Le PS-Place publique revendique la sobriété et espère une division par deux de la demande énergétique de l’UE d’ici 2040, par rapport à 2006. Si une part de nucléaire est conservée dans leur plan, le parti fait le vœu d’une «révolution des renouvelables», très majoritairement produits en Europe, avec pour objectif 45% du bouquet énergétique en 2030 et 75% en 2040. En parallèle, la liste de Raphaël Glucksmann promet une sortie du charbon en 2030, du gaz fossile en 2035 et du pétrole en 2045. Le parti propose aussi une aide directe aux ménages pour changer de système de chauffage, et des prix règlementés.

Du côté de la liste LFI, l’objectif affiché est de 100% renouvelable en Europe à l’horizon 2050 et la neutralité carbone dès 2040. Cela passerait par la suppression des subventions aux énergies fossiles, au profit de l’hydrogène vert et par un traité international de non-prolifération des énergies fossiles, mettant notamment un stop à la construction de nouvelles infrastructures. LFI souhaite également sortir du marché européen de l’électricité, au profit d’un service public national. Exit aussi le marché carbone — dit SEQE, jugé «défaillant» et «contre-productif». En remplacement, la réduction des émissions des secteurs énergétiques et industriels serait planifiée, avec des objectifs annuels contraignants pour chaque État et en appliquant le principe pollueur-payeur pour les entreprises.

Surenchère chez les Écologistes qui visent 100% de renouvelable en 2040. Leur projet ? «Réduire drastiquement notre demande énergétique, sortir des énergies fossiles et développer un nouveau mix entièrement renouvelable […] grâce à la réimplantation dans l’Union européenne de nos moyens productifs». Ils misent, comme Glucksmann, sur une sortie du charbon en 2030, et du gaz fossile en 2035. Les soutiens à la construction des infrastructures de gaz fossile devraient être arrêtés sans délai, les nouvelles exploitations fossiles offshore en Europe interdites, et les banques et entreprises pourraient se voir obligées de ne plus investir dans les industries pétro-gazières. Les Écologistes veulent «reprendre le contrôle stratégique sur les entreprises fossiles» les plus émettrices.

Un changement au profit du renouvelable, mais pas sans garde-fou. Soumises à «des conditionnalités environnementales fortes», les énergies renouvelables seraient produites localement et dans le respect de la biodiversité. La consommation de bois-énergie serait également encadrée. La liste évoque aussi la piste des énergies de récupération, citant par exemple l’utilisation de la chaleur produite par les machines industrielles, et les projets citoyens d’énergies renouvelables (notre article). Les biocarburants produits en concurrence avec l’alimentation, comme le colza ou le tournesol, pourraient être interdits dès 2025 et l’usage de ceux élaborés à partir d’autres matières premières, comme les huiles de cuisson ou les algues, serait fléché vers les secteurs dépourvus d’alternatives – le maritime et l’aérien. Dans le même temps, les consommations devraient baisser de 55 % d’ici 2050, par rapport à 2019. Le mouvement porté par Marie Toussaint propose qu’un minimum décent et un maximum de consommation soient fixés par personne dans chaque pays. Le droit à une énergie propre serait garanti, avec une tarification prévoyant que les premiers kilowattheures consommés coûtent moins cher.

Les propositions des candidat·es pour le bâtiment

Plus d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre de l’UE sont du fait des bâtiments, mais le RN demeure opposé «aux normes abusives en matière de rénovation». Son idée est plutôt de «renforcer l’accès au logement, en assouplissant les obligations européennes de rénovation énergétique des bâtiments (DPE)». Cette directive européenne est également dans le viseur des Républicains, car le diagnostic énergétique qui prend en compte la consommation d’énergie devrait à leurs yeux porter uniquement sur les émissions de CO2 : «les propriétaires doivent être encouragés avant tout à électrifier les solutions de chauffage, […] plutôt qu’à passer obligatoirement par des chantiers d’isolation», jugent-ils.

Pour le PS-Place publique, au contraire, un plan d’investissement dans la rénovation des bâtiments, et notamment des écoles, doit être adopté. Le parti cite aussi l’habitat partagé ou la cohabitation intergénérationnelle comme des pistes à soutenir.

LFI veut mettre en place des subventions pour aider les structures publiques à accompagner «la réhabilitation thermique, sanitaire et architecturale des habitations privées», sur la base de critères écologiques. Les ménages précaires doivent, selon LFI, pouvoir rénover leurs passoires thermiques avec un reste à charge nul.

Selon Les Écologistes, 96 milliards par an supplémentaires d’investissement doivent être fléchés vers le bâtiment, dont 62 concentrés sur la rénovation énergétique des logements individuels. Les chaudières utilisant des fossiles ne doivent plus être mises en vente, au profit des pompes à chaleur. Objectif : 60 % de bâtiments rénovés d’ici 2050. L’installation de panneaux solaires doit devenir obligatoire sur les bâtiments publics. Le mouvement de Marie Toussaint entend aussi favoriser la réhabilitation de locaux vides plutôt que la construction neuve.

On le voit donc, si le mot «climat» apparait bien dans tous les programmes, les mouvements politiques n’ont pas tous consacré les mêmes efforts à l’étude et la recherche de propositions étayées pour répondre à l’urgence.

Article écrit par Aurélie Delmas. Vert, le média qui annonce la couleur

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