Le bonheur, c’est aussi simple que des vacances à vélo

Le bonheur, c’est aussi simple que des vacances à vélo

Les vacances à vélo, c'est bien plus facile qu'on l'imagine. Témoignage et mode d'emploi pour dévaler l'été en pente douce.
17 May 2023
par Hélène Binet
6 minutes de lecture

Voilà quinze ans que notre petite famille prend ses vacances à bicyclette. Loire, Danube, Norvège, Gers, nos étés se partagent entre grand pignon et petits plaisirs. On s’offre un bout de route ensemble ?

À la base, on est des randonneurs, la phrase est devenue culte dans la famille. Immortalisée par une équipe de France 3 Pays de la Loire, elle lançait en fanfare un reportage impromptu sur nos slow vacances de l’été 2008 (vu par 52 téléspectateurs dont 48 cousins). Sur fond de carriole, de rillons, de Selles-sur-Cher et de vélos de toutes les tailles, nous nous retrouvons à deviser avec les journalistes sur le pourquoi de nos vacances à bicyclette. Cet été-là, nous n’en étions qu’à notre deuxième édition, j’étais enceinte de 4 mois de notre troisième enfant, les aînés ayant respectivement 4 et 6 ans…

À la base donc, nous sommes des randonneurs, plus proches de Stevenson que de Lance Amstrong. Mais voilà, les enfants trop lourds pour être portés ou trop petits pour marcher nous ont détournés des sentiers de grande randonnée pour nous mener sur les véloroutes. Ils ont bien fait. Les lacets des petites sentes de campagne ont remplacé ceux de nos godillots. Aujourd’hui, le vélo est notre dope, impossible de nous en passer. Voici quelques-uns des ingrédients de notre EPO bio.

L’itinéraire

Ah l’itinéraire ! Le programme de tout un hiver pour mon compagnon de route (et bien plus encore) qui passe des heures à le préparer, furetant sur les forums, les blogs, les sites de cyclotourisme, surfant parmi les conseils et bons plans. La première année, le trajet choisi était pratico-pratique. Nous avions deux fêtes à 6 jours d’intervalle, l’une à Toulouse, l’autre à Biarritz. Soit 296 kilomètres. 49,33 par jour : les doigts dans le nez sur le papier ! Le nez dans le guidon 9 heures par jour en réalité. En effet, nous avions omis trois détails en envisageant cette traversée : le relief (le Gers, ça grimpe un max), le vent (qui souffle le plus souvent d’ouest en est, on l’a donc eu en pleine face pendant une semaine) et le frottement cinétique (quand tu traînes deux enfants dans une carriole, tu divises par 8 ta vitesse moyenne et tu te tapes toutes les côtes à pied).

Les années suivantes, nous avons donc suivi les fleuves et respecté scrupuleusement des étapes de 45 à 65 kilomètres : la Loire (le classique Tours-Saint-Nazaire), le Danube (Passau-Budapest, 650 kilomètres), le canal du Midi (ses écluses et ses platanes), le littoral (Biarritz-la Rochelle) puis au fil des années nous avons retenté quelques dénivelés en commençant par un tour de la Bretagne, l’Ombrie pour finir sur la Norvège sublissime.

Le matériel

Ça c’est mon rayon : préparer les montures chaque année en s’adaptant aux nouvelles mensurations des enfants. Lorsque nous n’en avions que deux et qu’ils étaient petits (et si mignons), nous partions avec nos deux vélos de ville, nos trois vitesses et chacun un siège bébé. Pour dormir ? Une même tente pour tout le monde, quatre duvets, zéro tapis de sol (on était jeunes) le tout bien calé dans la carriole pour en faire un nid pour les enfants. Pas de popote ni de réchaud, le pique-nique et la mauvaise pizza au camping faisaient (et font toujours) partie du périple.

Pas de popote ni de réchaud, le pique-nique et la mauvaise pizza au camping font partie du périple.

Côté fanfreluches, nous options pour le minimum, soit le maximum que pouvaient contenir 4 sacoches de 20 litres pour toute la famille, ce qui donne en gros un short, 4 tee-shirts, un pantalon, quelques sous-vêtements, un pull et un k-way. À partir de 6 ans, les enfants ont eu leur propre vélo (acheté sur le Bon Coin et échangé l’année suivante pour une taille supérieure) qui pouvait s’attacher au mien grâce à un système d’attelage tandem archi malin que l’on doit aux scandinaves : le follow-me. Au premier anniversaire à deux chiffres, tout le monde est passé au pédalage sans assistance. De notre côté (les grands), si nous avons toujours refusé l’uniforme du cycliste (le short rembourré notamment), nous avons fini par investir dans des vélos de rando aux guidons multi-positions. Le luxe absolu !

L’équipée

Pour réussir les vacances à vélo, il y a un prérequis : aimer en baver un peu. Comme en rando ou en canoë, l’effort fait partie de l’aventure et s’avère une source de fierté à l’arrivée. Le truc, c’est que l’effort n’existe pas dans le dictionnaire des enfants et que l’ennui, lui, caracole en page 3. Il faut alors composer, ruser, s’adapter. Leur proposer régulièrement de passer du siège vélo à la carriole, de pédaler tout seuls en autonomie, de s’attacher en tandem, de revenir sur le siège bébé même quand ils sont grands.

Pour les pauses, on varie aussi les plaisirs, on s’offre des siestes collectives, on mange des glaces, on sort les magazines et les ballons. Et puis sur la route, on parle beaucoup, on chante, on invente des jeux, on imagine la rentrée, on prépare la liste des invités pour les anniversaires qui se tiendront dans plusieurs mois, on égraine le nom de tous les Pokémon, on joue à un animal et son métier… Au final, quel que soit son âge, de 18 mois à 48 ans, on finit forcément par entrer dans cet état semi-méditatif rythmé par le mouvement du pédalier et des paysages qui défilent. C’est si bon de planer.

Les galères

Ce sont les incontournables des vacances à vélo mais aussi tout ce qui fait le sel des récits du retour. Les mésaventures techniques sont inévitables, comme (dans l’ordre croissant de chiantitude) : le déraillage, la crevaison, la crevaison de la roue arrière, le cassage de chaîne, le pétage d’essieu de carriole. Pour y remédier, il y a plusieurs techniques que nous avons toutes éprouvées. La première, c’est l’inscription avant de partir à un stage de mécanique vélo pour apprendre les rudiments essentiels. La seconde, plus fourbe, consiste à composer un tableau charmantico-dramatique au moment de la panne. Laisser la femme et le plus petit des enfants s’affairer sur la roue crevée et attendre qu’une bonne âme vienne prêter assistance. Ça marche à tous les coups, sauf en pleine pampa norvégienne. La dernière fait appel à des années de yoga. La carriole vient de casser ? On respire un grand coup, il y a forcément une solution. Tiens un loueur de vélo à 15 kilomètres peut venir nous en livrer une d’occasion. Pranayama quand tu nous tiens !

Les TGV (et encore pas tous) n’ont que 4 places vélo par train qu’il faut réserver dès le premier jour. Et quand on est 5 ? Bah, on essaie de convaincre le contrôleur que ce cinquième vélo n’en est pas vraiment un.

Les autres pépins du cyclotouriste se concentrent essentiellement dans les éléments naturels : le vent dans la face, la pluie battante, le froid et pire encore le chaud (l’Italie sous la canicule, vous fait passer pour des bourreaux d’enfants). Ou bien dans les transports, si vous ne commencez pas votre périple directement de chez vous. Dans ce cas, à part les TER qui partent de la voie A, tout est un enfer. Les TGV (et encore pas tous) n’ont que 4 places vélo par train qu’il faut réserver dès le premier jour. Et quand on est 5 ? Bah, on essaie de convaincre le contrôleur que ce cinquième vélo n’en est pas vraiment un. Ça passe ou ça casse. Cela nous a valu par exemple un retour Budapest-Paris en changeant 6 fois de train. L’avion est encore plus galère (en plus d’être moyennement climat compatible) puisqu’il faut démonter les vélos, les envelopper dans du papier bulle, les dégonfler et remonter le tout à l’arrivée à 23 h 45 avec une clé de 12 qui vient juste de casser. Le bateau ? Il figure parmi les bons plans à condition d’avoir une lettre du capitaine et d’écrire noir sur blanc qu’on ne pédalera pas sur le ponton.

Les plaisirs

Pendant les vacances à vélo, les bonheurs sont bruts et faits de choses les plus simples qui nous ramènent à l’essentiel : être dehors toute la journée, se préoccuper seulement de ce que l’on va manger, de l’endroit où l’on va dormir, libérer des endorphines, prendre le temps d’être avec ses enfants, dormir sous les étoiles, rêver et repartir le lendemain. La grande aventure à portée de main ! Si j’avais 13 ans, je résumerais tout ça sur ma trousse au stylo parfumé : C’est dans la simplicité que l’on trouve les conditions nécessaires pour atteindre la sérénité. Allez, tous en selle !

Article précédemment publié dans Oui ! Magazine


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