Enfer : la pratique sportive qui explose dernièrement, l’escalade, n’est pas sans conséquences sur l'environnement. Petit état des lieux des dégâts mais surtout, des solutions pour continuer à grimper tout en respectant la planète !
© Arthur Delicque
Un sport en plein boom
À la base, l'escalade, ou la varappe si on veut parler à l’ancienne, c’était un simple entraînement pour se préparer au véritable défi humain et physique : l'alpinisme. Le but était alors de tester le (lourd) matériel qui sert à l’ascension de pics de plus de 25000 mètres et s’échauffer sur des parois pas bien hautes (on parle quand même d’une centaine de mètres, tout est relatif). L'escalade comme on la connaît aujourd'hui naît dans les années 70, dans la mythique vallée de Yosemite, en Californie. Là-bas, une poignée de jeunes déglingos se décident à gravir des parois vertigineuses à la seule force de leurs mains et de leurs pieds, sécurisés (ou non) par une corde attachée à des pitons fixés à même la roche : c’est l’invention de l’escalade libre (ou sportive).
L’escalade en France c’est 2 millions de grimpeurs et grimpeuses
Des figures très médiatisées comme Patrick Edlinger font connaître la grimpe en France dans les années 80, période qui voit aussi naître de nombreux clubs. À partir des années 2010, la pratique du bloc gagne en popularité avec l’explosion des salles indoor privées (+10% d’ouverture de salle chaque année depuis 2019) qui attirent un public plus jeune et surtout plus urbain. L’intégration de la grimpe comme discipline officielle aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2020 marque définitivement sa consécration en tant que sport mainstream. Aujourd’hui, l’escalade rassemble une communauté estimée à 2 millions de grimpeurs et grimpeuses en France et à environ 44 millions dans le monde selon la Fédération Internationale de l’Escalade (IFSC). Ça en fait du monde.
© Arthur Delicque
Du matos pas (encore) très écolo
On ne va pas y aller par quatre chemins : toute pratique sportive de masse a un impact sur l’environnement. C’est tristement mathématique. On est en effet loin du bilan carbone désastreux de la Formule 1 mais on reste sur un sport dont le matériel est plutôt issu d’industries pas très écolo.
Commençons par ces adorables chaussons qui font bien mal aux pieds. Une étude scientifique publiée en avril dernier alertait sur la qualité de l’air de certaines salles d’escalade, équivalant aux abords d’une autoroute à six voies. Sympa. Les principaux coupables : les particules issues de la gomme des chaussons d'escalade, limée par les prises. En plus d’être potentiellement nocive pour nos petits poumons, cette gomme est majoritairement issue de l’industrie des pneus de voiture et il n’existe pas encore d'alternative écologique pour leur production. En revanche, il est aujourd’hui possible de faire ressemeler ses chaussons, une pratique encouragée pour éviter de s’acheter de nouvelles paires tous les six mois !
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Une autre grande star de la grimpette, c’est la magnésie : vous savez cette petite poudre blanche qu’on se tartine sur les minettes pour éponger la sueur et éviter de glisser sur les prises telle une limace disgracieuse. Et bien pareil, c’est pas top. Cette substance, principalement composée de carbonate de magnésium (MgCO₃), peut contenir du sulfate de magnésium anhydre (MgSO₄), un agent desséchant puissant. En extérieur, l'accumulation de cette poudre peut abîmer les rochers, saturer les fissures et détruire les lichens et mousses à cause de l'effet fongicide du sulfate. Après la pluie, les traces de magnésie forment des dépôts plutôt moches et potentiellement corrosifs, au point où l’observatoire des sites rocheux de Belgique la considère comme une pollution chimique ayant des impacts négatifs sur les sites naturels. Là encore, il existe peu d’alternatives viables à part le pof, sorte de résine utilisée par les vieux bleausards ou alors des mélanges maison à base de craie liquide. Si il est vrai que plusieurs initiatives indépendantes se développent pour produire du matériel de grimpe plus respectueux de l’environnement, l’industrie dans son ensemble a encore beaucoup de progrès à faire en la matière.
© Arthur Delicque
Le cas Fontainebleau
À Fontainebleau, site mythique de bloc en extérieur, la pratique de l'escalade a explosé : selon l'ONF (Office National des Forêts), les quelque 30 000 chaos de grès de la forêt ont attiré pas moins de 4 millions de grimpeurs en 2023. En août 2025, plusieurs acteurs locaux ont d'ailleurs lancé une enquête pour mesurer l'impact économique du bloc dans la région. Cette surfréquentation pose problème à différents niveaux : érosion du sol, dégradation et déstabilisation des rochers, déchets, dérangement de la faune. Certains secteurs comme celui du Long Rocher ont même été fermés au public pour protéger des lichens rares. En effet, les nouveaux pratiquants, majoritairement citadins, peuvent avoir tendance à prendre la forêt pour leur propre terrain de jeu.
Pour Pierre Delas, président de du média associatif Fanatic Climbing et bleausard depuis presque 20 ans : « Le nouveau public est moins attentif aux codes de bonne conduite en milieu naturel. [...] Beaucoup de salles privées font la location de crash pad. Pourquoi ne font-ils pas de travail de sensibilisation en même temps que la vente ou le prêt ? » Créée en 2021, l’association Fanatic Climbing organise deux fois par an des sessions de nettoyage de la forêt en collaboration avec l’ONF et le Smictom régional. Réunissant une soixantaine de personnes au printemps et à l’automne, ces journées de clean up permettent à la communauté de se rassembler autour d’une action très concrète : nettoyer les blocs à l’eau et au vinaigre, ramasser les déchets et faire de la sensibilisation en diffusant les bonnes pratiques auprès des usagers de la forêt. La dernière en date s’est tenue le 28 septembre dans quatres secteurs de grimpe différents, une session ensoleillée où plus d’une centaine de blocs ont retrouvé leur peau de rocher.
Guide des bonnes pratiques
En intérieur
- Se renseigner sur les marques qui favorisent les circuits courts et les matériaux à faible impact écologique
- Faire ressemeler ses chaussons pour les utiliser plus longtemps
- Jeter un oeil au matériel d’occasion
- Favoriser les clubs associatifs qui font plus de sensibilisation
En extérieur
- Grimper uniquement sur les sites aménagés
- Nettoyer ses chaussons avant de grimper
- Limiter au maximum l’usage de la magnésie
- Enlever le surplus de magnésie une fois la session finie (avec de l’eau et une brosse à poils souples)
- Ne pas faire trainer les crash pads au sol
- Ne pas grimper sur des rochers mouillés
- Ne pas grimper pendant la nuit
- Ne pas mettre sa musique à fond
- Ne pas faire de feu (c’est totalement interdit à Fontainebleau)
- Éviter les périodes de nidation en falaise
- Faire attention aux gravures et peintures rupestres
- Ramasser ses déchets