Peut-on être écolo zéro défaut ? Certainement pas. Pas plus que l’on aime être pris en flagrant délit d’explosage de bilan carbone. Alors chacun et chacune s’arrange avec sa conscience et ses arguments plus ou moins convaincants. Pas vous ?
Difficile de faire comme si de rien n’était après l’été qu’on vient de passer qui nous a offert un panel d’une rare variété sur les conséquences du dérèglement climatique. Vous reprendrez bien un peu de canicule dans votre incendie ? Ou vous préférez un petit ouragan sur son lit d'inondations ? Malgré cet étalage de catastrophes naturelles de plus en plus extrêmes, on a été nombreux à partir en vacances tranquillement en se disant par exemple “OK je prends l’avion mais c’est parce que c’est moins cher et puis je mangerai moins de viande pendant 6 mois”. Pas de panique, ça ne fait pas de vous un monstre sans état d'âme, au contraire ! Vous êtes tout simplement en pleine crise de dissonance cognitive…
Dissonance vous avez dit dissonance ?
Dans la vie de tous les jours, on fait des trucs qui ne sont pas forcément en accord avec nos valeurs. Exemple : je mange de la viande alors que j’adore les animaux ou je fume des clopes mais j’ai pas envie de me taper un cancer ou encore, je mate une série sur Amazon mais je n’ai aucune envie de filer du blé à Jeff Bezos. Vous voyez de quoi on parle ? Bon. Ces petits moments de contradiction entre nos actes et nos valeurs nous sont terriblement désagréables puisqu’ils créent un état de… dissonance cognitive.
Comme on n’aime pas cet état d’inconfort psychologique, on tente de l’atténuer, petits malins que nous sommes. C’est ce qu’on appelle la “rationalisation”. On cherche des raisons plus ou moins “bonnes” pour ces actes. Exemple : je mange de la viande parce que ça me donne des forces, je fume parce que je suis stressée, et je mate cette série sur Amazon parce que franchement qu’est-ce que Jeff Bezos en a à taper que je boycotte sa plateforme ?
Voilà pour la théorie de la dissonance cognitive et si vous voulez faire bonne figure jusqu’au bout, vous pouvez retenir qu’elle a été élaborée par Léon Festinger en 57. Mais ça, c’est surtout pour gagner au Trivial Poursuit.
Faites ce que je dis pas ce que je fais
Quand on commence à mettre un pied (ou deux) dans l’écologie, on ne manque pas d’occasions de rationaliser des gestes qui vont totalement à l’encontre de nos valeurs. Selon un sondage IFOP datant de 2022, 83% des 18-25 déclaraient qu’il fallait changer nos comportements d’achat et de consommation. Et pourtant la même tranche d’âge est la première consommatrice de l’enseigne de fast-fashion Shein. En voilà une belle contradiction.
Mais ne leur jetons pas la pierre trop vite. Si on trouve autant de dissonance cognitive chez les écolo en herbe, c’est bien justement parce que tout dans la société nous renvoie à ces contradictions et qu’il est bien difficile de se passer de tous les accessoires qui font pourtant notre perte.
Ces écarts varient pour chacun et chacune bien sûr et si vous jugez votre pote très fier de consommer des tomates bios en hiver (alors qu’elles ont été cultivées sous serres chauffées) n’oubliez pas que pour lui c’est déjà peut-être un bon début. Et que dire de celle qui achète frénétiquement sur Vinted des vêtements dont elle n’a pas besoin tout simplement parce que c’est de la seconde main et qu’elle estime faire une bonne action ? Ou encore celui qui fume des roulées parce que ça pollue moins que les indus’ ?
Nobody’s perfect
Vous aussi vos parents vous bassinent avec l’achat de leur nouveau SUV super-écolo-paskil-est-électrique ? Peut-être pas autant que votre petit frère ultra-vegan qui nourrit pourtant son chien avec des croquettes à base de bœuf… Ouf, heureusement que votre cousine s’est foutue sur Enercoop (même si elle oublie d’éteindre les lumières et chauffe en hiver à 35 degrés son appart) pendant que votre nièce boycotte l’avion tout en prenant un Uber pour aller à la boulangerie.
Pour ma part je n’ai aucun problème à affirmer fièrement que je n’achète que du café en vrac et que je conchie les capsules Nespresso. Une héroïne du quotidien, en somme… qui oublie juste de préciser que l’empreinte carbone du café commence dans ses cultures et que son emballage final n’y changera pas grand chose, mais chuuuuut laissez-moi vivre avec mes paradoxes.
La liste de nos petits arrangements du quotidien est longue, l’ex-prof Delphine Saltel en a même fait une série de podcasts sur Arte Radio “Vivons heureux avant la fin du monde”. Dans la plupart des épisodes, elle y aborde un aspect pratique de l'écologie : “Comment s’habiller sans polluer ?”, “Peut-on cuisiner des animaux morts ?”, “Paresse business : petits livreurs et gros profits”... Autant de sujets dont elle s’empare à bras le corps en interrogeant ses propres contradictions (et les nôtres par la même occasion).
Alors oui, on est loin d’être parfait mais ce n’est certainement pas une raison pour ne pas continuer d’essayer.
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