RogerVoice est une application qui permet aux personnes malentendantes de téléphoner. L’astuce ? Traduire en simultané sur l’écran les paroles de l’interlocuteur. A l’origine de ce beau projet : Olivier Jeannel.
Olivier Jeannel, le fondateur de RogerVoice
Regarder la télévision, téléphoner, suivre des cours. Des choses simples pour Olivier qui, malentendant, a grandi à Los Angeles. Aux Etats-Unis, les programmes TV sont sous-titrés, il existe des centres téléphoniques qui traduisent en direct les appels, et il y a toujours quelqu’un qui peut prendre des notes pour lui en cours. Mais quand Olivier arrive en France et décide d’y construire sa vie, il se rend compte que le vieux continent a un vrai temps de retard sur le sujet et qu’il y a peu de dispositions pour l’aider à compenser son handicap. Il découvre des barrières qu’il avait oubliées et ajoute à son vocabulaire l’expression “système D”. Ici, il faut s’adapter à ce qui existe déjà.
Spontané
Alors qu’il profite d’un CDI confortable chez Orange, Olivier fourmille d’idées. Un bar à smoothies ? Une montre vibrante connectée aux objets de la maison ? De l’importation de chocolat ? Un système de réservation en ligne pour les parcours de golf ? Ça part dans tous les sens, ça en veut, mais ça n’aboutit jamais. Pourtant, les idées sont brillantes, elles seront même développées par d’autres. Olivier comprend que la qualité de l’idée a peu d’importance. Ce qui compte, c’est qu’elle le motive suffisamment pour l’accrocher plusieurs années. Il faut vibrer avec cette idée, pour cette idée, et ce envers et contre tous les doutes et les difficultés.
Malin
Cette idée qui le prend aux tripes, il la trouve en voyant arriver Siri. La technologie est peu convaincante au début. Il faudra plusieurs années pour que Siri s’alimente des données de ses utilisateurs et devienne vraiment un outil puissant ; un gadget parmi d’autres pour certains, mais une manne inépuisable d’innovations pour d’autres. Pour Olivier, c’est un déclic : Il existe un moyen de capter la voix des gens et de la comprendre. Pourquoi alors ne pas en profiter pour capter la voix qui parle dans le téléphone? Et la retranscrire?
Courageux
Olivier en parle à quelques personnes chez Orange, mais sa fibre entrepreneuriale est toujours là. Il le sent, cette fois, c’est la bonne. Comme Felix Baumgartner disant un dernier “Roger” avant de sauter dans le vide depuis l’espace, Olivier se lance… et crée RogerVoice.
Avisé
D’abord chez l’accélérateur TheFamily, très efficace dans leurs méthodes et qui le pousse à se lancer et à se focaliser sur son projet, il finit par rencontrer Alizée, co-fondatrice du makesense, autour d’un café place de la République. Après trente minutes de discussion, il décide de faire partie de la première promotion de l’incubateur. Entouré de la communauté makesense, d’accompagnateurs attentifs et bienveillants et de mentors experts, il apprend à surmonter ses challenges. Pour lui, l’expérience makesense c’est l’occasion de prendre confiance en lui, et en sa technologie. N’étant pas issu d’une formation ingénieur, il ne sait pas coder et doit savoir s’entourer de personnes compétentes et les motiver sur le projet. Il le dit lui-même : “la première personne à qui tu dois vendre ton projet, c’est ton associé”.
A l’écoute
Rassembler, c’est le talent d’Olivier. Sa botte secrète, c’est de savoir écouter ceux qui l’entourent, et notamment ses clients. Lorsqu’il a besoin de financements pour lancer son produit, il ne fonce pas tête baissée. Au cours de l’été 2014, il prend le temps de préparer sa campagne Kickstarter avec précision, de présenter sa vision, de communiquer sur son projet, et de comprendre quelles sont les attentes des futurs utilisateurs. Le but n’est pas la campagne elle-même, mais bien la définition du projet. Et sa stratégie est payante : en une semaine, il lève les $20 000 dont il a besoin. A la fin de son mois de campagne, il récolte un investissement de $35 000. Il a réussi à prouver que, même s’il n’a pas encore de produit, il sait mener un projet, vendre une promesse, trouver des clients et, surtout, rassembler.
Mais ce n’est pas cette victoire qui le marque le plus.
Ce qui le fait vibrer et le rend fier de son projet et du chemin parcouru, c’est quand, après le lancement commercial de son application, il découvre les retours d’utilisateurs.
Une grand-mère le remercie de lui avoir permis de discuter de nouveau avec ses petits enfants. Un père de famille malentendant lui explique que, sans cette application, ses deux enfants de 5 et 8 ans n’auraient pas pu le joindre par téléphone. Une kinésithérapeute sourde de naissance lui raconte comment ce système lui a permis de prendre elle-même les rendez-vous de ses clients. D’autres sont simplement heureux de savoir qu’ils peuvent désormais passer des appels, même s’ils n’ont pas le réflexe de le faire. Ils peuvent téléphoner, et c’est tout ce qui compte.
Olivier est attentif à rester proche des attentes des utilisateurs. Lorsqu’une madrilène prend la peine de lui écrire en français pour lui expliquer à quel point cette application l’aide dans son travail et sa vie quotidienne, et qu’elle lui demande au passage s’il ne serait pas possible d’avoir un forfait illimité, il ne faut pas plus d’un mois à Olivier pour répondre à sa demande.
Finalement, en détournant une technologie gadget qui existait déjà et en restant à l’écoute de ses clients et des gens qui l’accompagnaient, Olivier a participé à améliorer le lien social, à favoriser l’inclusion et à réduire un handicap. Chez makesense, on adore et on est fiers !