Loom - Transformer son secteur grâce à un plaidoyer commun

Loom - Transformer son secteur grâce à un plaidoyer commun

Avec Julia Faure, cofondatrice de Loom et d’En Mode Climat, co-présidente du Mouvement Impact France
20 May 2025
par Paloma Baumgartner
3 minutes de lecture

Loom est une marque de vêtements qui souhaite rendre l'industrie textile moins polluante. Pour cela, pas de formule magique, il faut produire moins et mieux.

En Mode Climat est une association qui réunit marques, usines et acteurs économiques de la mode et utilise son pouvoir d’influence pour demander des lois qui luttent contre les causes du dérèglement climatique dans la mode.

S’entourer pour peser

Quand Julia crée Loom en 2016, avec son associé Guillaume Declair, ils ont pour ambition de transformer le secteur de la mode. Mais l’industrie textile, de plus en plus polluante, semble inébranlable. Ils essaient de transformer les grosses boîtes de l’intérieur, Ils informent les consommateur·ices des dessous du secteur via des prises de parole, un blog, des fiches produits très détaillées. Mais, si le discours est de plus en plus entendu, en profondeur rien ne change : chaque année, l’industrie textile pollue plus que la précédente. Pour retourner la situation, les adaptations à la marge ne suffisent pas, il faut un changement systémique.

Comment on fait ?

Julia s’est d’abord rapprochée d’organisations engagées dans la protection de l’environnement, comme France Nature Environnement, les Amis de la terre et Zéro waste France. Ensemble, ils ont construit un manifeste commun, porté auprès des institutions politiques afin de mettre en lumière leurs demandes.

Mais, face au manque de réaction du sous-secrétariat d’Etat de l’Ecologie, Julia change de stratégie. Puisque les gouvernements écoutent davantage les entreprises, il fallait embarquer suffisamment de marques pour que les politiques se penchent sur le dossier. En 2019, avec  80 autres marques de l’industrie textile, elle publie une tribune dans Le Monde : “Nous, marques textiles, demandons à être plus régulées”.

La tribune fait du bruit, donnant lieu à des discussions qui circulent jusqu’à l’Assemblée nationale, avec un relais massif dans la presse, les médias numériques et les réseaux sociaux. “J’ai compris à ce moment-là l’intérêt des tribunes. C’est un moyen de se positionner sur l’échiquier politique. […] Pour être reçu et écouté par les décideurs, il faut peser.”

“Nous, marques textiles, demandons à être plus régulées”

Après ce premier élan de visibilité, de nombreuses entreprises ont demandé à rejoindre la coalition. Il fallait alors se structurer pour rendre le mouvement pérenne et organisé. L’association “En mode climat” a vu le jour. Cela a permis de formaliser l’existence d’un anti-lobby - qui utilise son influence non pas pour les intérêts personnels et le court terme, mais pour avoir un poids et un impact positif sur le long terme.

Le mouvement compte aujourd’hui presque 600 membres, dont Asphalte, Clear Fashion, MoEa, 17h10 et des acteur·ices en marge du monde de la mode, comme Lita. En Mode Climat repose en grande partie sur le travail bénévole. Les membres ne paient pas d’adhésion et les messages sont portés par des patrons d’entreprises du secteur. Le mouvement est financé par des subventions , les dons d’entreprises et de particuliers, les pourboires laissés par des consommateur·ices sur des sites de certaines marques adhérentes comme Emoi Emoi, ainsi que des revenus liés aux conférences de Julia.

Une bataille culturelle et politique en voie d’être remportée ?

Grâce à cette organisation, En Mode Climat réalise des études, rédige des notes, publie des rapports qui sont envoyés aux décideurs politiques. Depuis que l’association existe, la fast fashion est-elle moins polluante ? Non. Mais une bataille culturelle est en train d’être remportée, notamment autour du consensus que la fast fashion devrait être limitée et encadrée.

“Avec cette asso, on est un interlocuteur de référence pour les pouvoirs publics, et on est invités à la table des négociations.” 

En Mode Climat a  et apporté son expertise dans le cadre de la loi anti Fast Fashion, qui a été adoptée à l’unanimité au Sénat en juin dernier.

Les conseils de Julia à l’entrepreneur·se en devenir :

  • Pour être reçu et écouté, il faut peser. Il faut se créer un pouvoir institutionnel, médiatique et symbolique. Ce n’est pas parce que ce qu’on dit est juste qu’on est reçu et écouté, mais parce qu’on a un moyen de pression.
  • L’incarnation est importante, notamment pour que les médias parlent de vousPour les mouvements sans porte-parole, c’est plus compliqué. Malgré cela, il faut préserver le collectif et ne pas l’utiliser pour mettre en valeur sa marque.
  • Il faut de la ténacité. Être nombreux et dire ce qui ne va pas, c’est insuffisant. Ce qui fait la différence, c'est d’avoir l’analyse la plus juste possible, d’être rigoureux sur les chiffres ,avoir des propositions de plaidoyer très carrées et surtout ne jamais lâcher.

Pour aller plus loin