L’enfant traverse l’enfance. L’ado, l’adolescence. Et l’adulte… tiens donc, “l’adulescence” n’est pas admis par l’académie française. Et ce n’est pas un hasard. Ne faisons pas les innocents et innocentes. Parce qu’au fond de nous, nous le sommes, innocents et innocentes. Tous et toutes des grands enfants, ou des petits adultes si vous êtes heurtés qu’on vous traite de petits mioches. Mais rassurez-vous : ces signes qui montrent que l’on n’a pas grandi sont rassurants : derrière nos carapaces et nos maquillages, nous sommes encore vivantes et vivants.
1 - On mange trop aux fêtes d’anniversaire
C’est un mystère mais entre 0 et 99 ans, les goûters d’anniversaire se suivent et se ressemblent : début - buffet gargantuesque et hypnotisant - blackout - fin - indigestion - incompréhension - regret.
2 - On ne supporte pas de ne pas avoir la fin de l’histoire
Dites “il était une fois” et vous avez gagné l’attention de l’humain face à vous, glorieux PDG ou inexpérimenté trigénaire (trigénaire : néologisme désignant un vieillard de 3 ans). Et dans les deux cas, si vous vous arrêtez en plein récit, c’est la crise. Seule différence : les enfants n’ont aucune marge de négociation face au lapidaire “la suite demain”. Les adultes, vous, nous, n’avons personne pour nous arrêter. Résultat : l’intégralité des 43 épisodes de cette série seront visionnés en une longue soirée, ou courte nuit tout est une question de perspective. Et c’est le stagiaire RH qui sera condamné à endurer votre humeur massacrante le lendemain.
3 - On est méconnaissables dès que nos parents sont là
Il est fréquent qu’un enfant charmant explose en larmes au moment précis où ses parents pénètrent dans la pièce. Ne lui jetez pas la pierre, vous êtes pareil. Un ami vous appelle, vous riez, vous aimez la vie. Vos parents vous appellent, vous criez, vous ne dansez plus la vie.
4 - On prend un malin plaisir à être “les petits”
Au diable les grandes règles psychologiques et livres à rallonge sur “l’importance de couper le cordon”. De 7 à 77 ans, il est DÉLICIEUX de trouver quelqu’un qui vous dorlote, fait des choix à votre place, vous nourrit. Vive la régression.
5 - Les repas de famille : des monstres résistants au temps
80 ans de votre grand-père. Le plan de table ne vous surprend pas : les adultes sont sur la grande et longue table joliment dressée. Les “enfants” sont eux regroupés sur une table plus petite à l’autre bout de la pièce. Cette disposition était valable lorsque vous aviez 5 ans et - faille spatiotemporelle ? - le reste même lorsque les “enfants” sont devenus des trentenaires endurcis. Il n’y a que le menu, poulet-chips de l’époque, qui semble révolu.
6 - On joue et tout fout le camp
Séminaire d’entreprise. Talons hauts, cravate, adultes creux, petits fours tièdes. Et puis vous proposez un pierre-feuille-ciseau géant pour détendre l’atmosphère. Rires gênés. 2 minutes plus tard, l’ensemble des adultes du groupe ont mis leur pseudo-dignité-maturité au tri sélectif et voilà les cris, les mauvais joueurs, et voilà le sales and marketing service transformé en crèche géante. Le jeu en vaut toujours la peine.
7 - On pleure tout le temps
Formidable capacité d’un enfant à éclater de rire, mais de larmes, mais de rire. Une sorte d’athlète pratiquant le fractionné émotionnel comme personne. Comme personne ? Regardons-nous d’un peu plus près. Rien n’a changé. Nous pleurons souvent, voire plus. Nos droits de douane extérieurs ont juste été largement augmentés, c’est à la mode apparemment.
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8 - On répète tout ce qu’on nous dit
C’est con un mioche. Et que je te répète, et que je suis dans le mimétisme et que…. Heureusement qu’en grandissant, on développe notre esprit critique, sinon je ne vous raconte pas les conneries, les complots, les troupeaux de moutons de… Quoi ? J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? Si, si je sens bien que j’ai jeté un froid là ?
9 - On déteste prêter nos jouets
Vous vous souvenez de cette bille “perroquet” magnifique ? Le jour où cette enflure de Justine Poirier vous l’a piquée, la crise a été totale. Vous vous souvenez de ces écouteurs bluetooth magnifiques ? Le jour où cette enflure de Justine Poirier vous les a piqués, la crise a été totale. On déteste prêter nos jouets.
10 - On n’arrive pas à dire des trucs bien quand on se fait engueuler
C’est injuste. Avec leur voix caverneuse, vos parents vous mettent KO sur le terrain des punchlines. Jamais vous n’avez réussi à répondre au classique “tu veux que je t’aide ?” avec brio. Et devenu adulte, vous vous dites que ça, “c’était avant”. Et puis sur un trottoir, une trottinette roulant hors des pistes cyclables vous frôle, manquant de vous faire tomber. Elle est en tort. Et elle a le culot de vous crier un caverneux “tu veux que je t’aide ?”. Votre réponse : “ehhhhh non mais … oh c’est …” Retour à la case départ.
11 - On se parle tout seul
Regardez un enfant déambuler dans le jardin. Regardez un adulte déambuler dans la rue. Leur conversation semble passionnante. L’un assume, l’autre non. Mais les deux discutent joyeusement, on vous le promet.
12 - On adore jouer à “on dirait que tu serais…”
Verre de fin de journée, vous êtes à 7 autour de la table. 7 humains qui jouent. “On dirait que je serais super détaché du regard des autres.” “Aha et moi on dirait que je serais pas stressé par mon avenir.”
13 - Ce qui nous fait le plus peur c’est nous-mêmes
Votre nièce joue avec sa petite sœur. Soudain, pour une raison obscure, elle lui envoie une tarte mémorable. Et la suite est fascinante : les deux se précipitent vers vous dans une crise de larmes incontrôlable. L’une choqué de s’être pris une tarte, l’autre choquée de l’avoir décochée si violemment. Et 40 ans plus tard, en pleurs face à votre psy, vous réaliserez, stupéfait ou stupéfaite, que la violence du monde est en vous, encore. Pourquoi tant de haine ?
14 - On ment pour sauver notre peau
Classique. Être privé de dessert, c’est comme être privé de salaire, tous les moyens sont bons pour éviter cette catastrophe. “Je vous jure monsieur Fruchard, les embouteillages ce matin c’était du jamais vu ! Oui, je viens à pied, parce que ?”
15 - Chouchou un jour, chouchou toujours
Monsieur Fruchard, justement. Quelle joie quand il vous regarde de son œil sévère pour finalement vous tendre un pouce charnu en disant “bon travail”. Merci Pap…euh merci, patron.
16 - L’herbe restera plus verte, malheureusement
Cette part de moelleux au chocolat sans gluten est belle. Mais celle de cette enflure de Justine Poirier, encore elle, assise à côté de moi, l’est amoralement plus. Je me suis fait rouler dans la farine, sans gluten, encore elle. Cette part dans l’entreprise est belle. Mais celle de Justine Poirier… bref, vous avez compris.
17 - On ne pense qu’à nous
Il est parfois étonnant de constater le manque d’empathie et l’égoïsme sans aucune gêne des enfants. En grandissant on s’assagit, on s’ouvre, on se décentre de soi. On se décentre de… Métro heure de pointe, coup de coude à gauche et hop c’est vous qui passez. Black Friday, pugilat capitaliste, coup de coude à droite et hop l’écran plat à -70% c’est bibi qui encaisse. On se décentre. Des autres.
18 - On croit en Dieu
Un enfant adule sa mère ou son père. Puis son maître. Puis sa grande sœur. Dieux vivants sur Terre. Et puis plus tard, on continue de croire qu’on va être sauvé. On a juste renommé Dieu, pour brouiller les pistes. Certains pensent que Dieu s’appelle Ronaldo. D’autres disent qu’il a les cheveux orange et là ça peut devenir embêtant. Et Dieu et maitre.
19 - On mange trop de sucre
S’empiffrer de chocolat parce qu’on n’est pas surveillé, c’est comme pour les photos de groupe : qu’on soit petit ou grand, c’est désagréable mais inévitable.
20 - On est fasciné par le nouveau
Neige inattendue. Et tous les adultes qui se croisent sourient bêtement. Fleur inattendue. Et tous les enfants qui la croisent sourient intelligemment. Ce que l’on n’attend pas, voilà ce qu’on attend.
21 - Nos yeux sont des kalachnikov
On peut avoir des dizaines d’années sur les épaules, des piles de CV dans notre cartables, d’innombrables décorations sur le torse, rien n’y fait : un regard et toutes les barrières tombent. Nos yeux sont les portes des abysses de notre existence. En quelques secondes c’est l’immensité complexe d’une personne qui vous transperce, vérité absolue de la naissance à la mort.
22 - Se coucher tard, nuit
Un adulte qui se réveille en pleine nuit sans pouvoir se rendormir, ça pleure, beaucoup. C’est tout.
23 - On s’ennuie tout le temps
Les enfants ont le courage de le dire haut et fort. Les adultes, non. Ils croient d’ailleurs le camoufler avec efficacité - mais personne n’est dupe - en sortant un rectangle de lumière bleue de leur poche.
24 - On adore le comique de répétition
Et c’est pour ça que vous relirez cet article sûrement de nombreuses fois.
25 - On déteste les changements
Changer d’école ? Angoisse ultime. Plus aucun ami dans la prochaine, à tous les coups. Changer de boîte ? Angoisse ultime. Plus aucun ami dans la prochaine, à tous les coups.
26 - On tombe tout le temps amoureux
Pourquoi riez-vous quand votre petit neveu vous explique que “c’est compliqué en ce moment avec Justine Poirier (toujours elle, oui) ?”. Être amoureux, c’est le sport national de l’humanité. Notre cœur, à 4, 44 ou 444 ans, ne sera JAMAIS épargné par les égratignures. Désolé.
27 - On a peur d’être tout seul à la récré
Comment fait ce JB pour avoir en permanence 10 personnes autour de lui qui l’écoutent raconter ses histoires ? Qu’a-t-il de plus que moi ? Ces questions vous vous les êtes posées tout au long de la pendaison de crémaillère de votre collègue. Hantise d’être le vilain petit canard. Encore et toujours.
28 - L’interdiction nous donne envie
“Ne regarde surtout pas dans ce tiroir” vous ont un jour dit vos parents. Et ce jour vous avez compris que votre vie serait désormais consacrée à ouvrir les tiroirs qu’on vous interdit d’ouvrir. “Ne regarde surtout pas dans le tiroir de Bayer”. “Ne regarde surtout pas dans le tiroir de Bolloré”. Et ainsi vous êtes devenu.e activiste. Un enfant en colère.
29 - On aime bien tout péter, on n’aime pas réparer
A 4 ans, rien de plus jouissif que de prendre un bol en porcelaine et de le jeter au sol. En attendant la raclée et la punition. Les adultes font la même chose avec la biodiversité. En attendant la punition.
30 - On dit tout le temps pourquoi
Et c’est la plus belle preuve que nous sommes vivants et vivantes. Les injustices ? Pourquoi ? Et l’arc-en-ciel, pourquoi ? Et les poings qui se lèvent, pourquoi ? Et le pain qui lève dans le four, pourquoi ? Et les oiseaux, pourquoi ? Et l’existence, pourquoi ?