Il est tout chaud, trop chaud ! Le 2e volet du 6e rapport du GIEC détaille les conséquences du réchauffement climatique et les besoins pour s’y adapter. Morceaux choisis avec Marine Pouget, responsable gouvernance internationale sur le climat du Réseau action climat.
Rappelez-vous août dernier, le monde était en effervescence : Lionel Messi sera-t-il transféré au PSG ? Pour quelle somme ? Avec quels crampons ? Pendant ce temps-là, les experts du GIEC rendaient leur copie sur l’état de la planète à +2°C et tiraient à nouveau la sonnette d’alarme. Le 28 février dernier, alors que les combats s’intensifient en Ukraine, le 2e volet du rapport du GIEC (qui en comptera 3) sur l’adaptation nous rappelle une fois de plus qu’écologie, justice sociale et démocratie sont dans un même bateau. L’idée de ces 4000 pages élaborées par 270 scientifiques de 67 pays n’est plus de décrire l’évolution du climat mais bien de présenter ses conséquences aussi flippantes que concrètes et les moyens de s’adapter. Parce qu’une chose est sûre, ça va chauffer ! Les promesses actuelles des États (dont toutes ne sont pas tenues) nous amènent allègrement à un réchauffement de 2,7°C en 2100.
L’incendie cache le réchauffement climatique
Dans son précédent rapport de 2014, les experts du GIEC restaient encore prudents sur les liens de causalité entre les pluies diluviennes, les inondations, les feux de forêts et le réchauffement climatique. Aujourd’hui, les méthodes de calcul d’impact sont plus solides, plus fiables, plus robustes. Résultat ? Il n’y a pas photo. Les récents feux en Australie et en Californie sont bien imputables à la hausse des températures. Au niveau agricole, la perte des récoltes est indubitablement liée aux vagues de sécheresse des 50 dernières années qui elle-même est très fortement imputable au changement climatique.
Au-delà des 2°C, on perdra 98% des récifs coralliens
Spoiler alert, les experts nous dévoilent la fin de l’histoire
Avant ce rapport, les experts avaient du mal à dessiner les impacts du réchauffement climatique pour chaque pays. Avec cet opus, on sait désormais ce qui va se passer en bas de chez nous comme à l’autre bout de la planète. Parmi les nouvelles pas du tout réjouissantes, si l’on reste sur la dynamique de réchauffement actuel, 90% des forêts du sud de la France autour de la Méditerranée devraient disparaître en cette deuxième partie du siècle à cause des incendies à répétition.
Les canicules devraient tuer chaque année 5000 personnes en France et toucheront plus particulièrement les personnes vulnérables (enfants, seniors, personnes malades), au lieu de 1500 actuellement. La montée des eaux va menacer 1,7 millions de Français d’ici la fin de ce siècle et les pertes et dommages associés aux inondations vont s’élever à 52,3 milliards d’euros par an. Vous en voulez encore ? Ces prochaines années, les vagues de chaleur et de sécheresse vont continuer de faire baisser les rendements agricoles et les pertes et dommages liés.
Ça c’est la facture à payer chez nous, au niveau mondial même avec un monde à 1,5°C/2°C, la plupart des glaciers européen vont disparaître, 35% des forêts en Europe vont brûler, plusieurs régions du continent africain seront inhabitables, en particulier autour du Sahara. Une majorité des populations de l'hémisphère Sud vont devoir se déplacer vers les pays voisins, voire même vers les pays du Nord, vu l'impossibilité de vivre dans leur région natale. Les demandes d’asile en Europe vont augmenter de 28% d’ici la fin du siècle. Côté biodiversité, c’est la cata absolue. Depuis le dernier rapport de 2014, 1 million d’espèces animales et végétales au total sont menacées.
Certains pays, en particulier les pays en développement, sont déjà frappés par des catastrophes climatiques. En plus de devoir continuer à s'adapter et à réduire les émissions, il faut donc aussi réparer, reconstruire, déplacer des populations, pour faire face aux pertes et dommages du changement climatique.
Réchauffement partout, justice nulle part
C’est là sans doute la plus grande injustice de cette crise climatique soulignée une fois de plus dans ce rapport. Les pays les plus faibles émetteurs de gaz à effet sont aussi ceux qui se prennent le plus les conséquences des inconséquences des pays du Nord en pleine face. Et dans les populations touchées, les enfants, les seniors, les personnes fragiles vont être en première ligne. C’est pourquoi, les experts rappellent que crise climatique et justice sociale doivent être traités à égalité et qu’il y a de vrais liens entre le climat et les autres sujets sociétaux. Enfin, c’est désormais prouvé, une crise climatique engendre souvent une crise financière, sociétale ou sanitaire (ou les trois). Hum ça nous rappellerait pas un peu le covid cette histoire ?
S’adapter tout de suite maintenant
Avec ce nouveau rapport, les experts du GIEC insistent sur la nécessité de se pencher sur l’adaptation qui, pour eux, est aussi urgente que la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Et là, il n’y a pas mille chemins pour y arriver, il faut raquer. Aujourd’hui, les finances climat sont réparties à 25% sur l’adaptation et 75% sur l’atténuation, l’enjeu est d’arriver à 50/50. Le GIEC rappelle aussi aux États du Nord de tenir leurs promesses. En 2009, les pays développés ont promis 100 milliards de dollars par an aux pays en développement pour leur adaptation d’ici 2020. Aujourd’hui, ils ne versent que 80 milliards alors qu’il faudrait largement faire plus. Le Programme des Nations Unies pour l’environnement a chiffré l’aide à 300 milliards, c’est presque 4 fois plus que ce qui est versé aujourd’hui.
Agir pour le climat c’est bon pour les finances
Ne rien faire ça coûte cher ! Le GIEC a quantifié les coûts de l’inaction climatique sur l’économie et identifié 130 risques-clés. Si l’on se met sur la trajectoire des Accords de Paris (+ 1,5°C), on économisera chaque année 17,5 milliards de dollars dans le monde entier. Si on investit dans l’adaptation, on va même gagner de l’argent. C’est la première fois qu’on a ce type de données avec tant de précision, et c’est une excellente nouvelle. S’adapter plus pour dépenser moins, voilà un nouveau terrain de jeu à conquérir pour les entrepreneurs sociaux et les inventeurs de tout poil.
Ce rapport est un "atlas de la souffrance humaine et une accusation accablante de l'échec du leadership climatique", commentait Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies. C’est vrai que ce n’est pas la meilleure lecture feelgood du moment mais il y a quand même quelques espoirs à emporter avec soi. On peut encore et toujours agir pour faire baisser la température mais aussi prendre les devants. La prochaine COP en Égypte, illustration même des conséquences du réchauffement climatique, secouera sans doute davantage les dirigeants. Et puis, en avril prochain, sortira le 3e acte du rapport sur la partie atténuation et donc solutions pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
En attendant, Socrate disait : “ce qui fait l’homme, c’est sa capacité d’adaptation”. Pour une fois, soyons profondément humains !